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Lovecraft Country, le bilan de la saison 1
Par Zakath, le mercredi 21 octobre 2020 à 09:00:00
Alors que la saison (série ?) vient de se conclure sur HBO et OCS - avec de très bonnes audiences outre-Atlantique - et avant un retour dans les coulisses du projet, cf la vidéo ci-dessous, il est maintenant temps de vous livrer notre traditionnel bilan, dans le cas présent celui de cette adaptation du prix Elbakin.net 2019.
C'est l'occasion de prendre un peu de recul sur la saison dans son ensemble. Et pourquoi pas, de (re)découvrir également notre podcast spécial dédié à H.P. Lovecraft.
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Le bilan
Adaptée du roman du même nom de Matt Ruff publié en 2016, cette série, chapeautée par Misha Green (Helix) et produite entre autre par Jordan Peele (Get Out, la nouvelle version de The Twilight Zone…), ne manquait pas d’ambition : plutôt que de simplement confronter ses personnages à de Grands Anciens issus de l’univers du Maître de Providence comme dans de nombreuses œuvres dérivées, il est question ici de dépeindre les mésaventures d’une famille de citoyens afro-américains dans les États-Unis des années 50 où les lois Jim Crow sont toujours en vigueur. À la dimension fantastique toute droite issue de romans pulp dont le héros Atticus est fan s’ajoute donc un danger bien plus réel, celui d’un racisme qui peut se manifester violemment à tout instant.
Le roman était construit de manière épisodique, presque anthologique : chaque chapitre était centré sur un personnage différent de l’entourage d’Atticus bien qu’un fil rouge relie l’ensemble et mène à une véritable conclusion. La série allait-elle reprendre sagement cette structure ou se lancer dans une voie plus feuilletonnante ? Un peu des deux : si chaque épisode tend à mettre chaque fois un protagoniste différent en vedette, on essaie également de mener plusieurs sous-intrigues de front et le résultat n’est pas toujours très fluide, tout ne revêtant pas le même intérêt.
Autre choix contestable : la représentation de la violence et du surnaturel. Dans le roman, l’horreur est peu graphique. Par exemple, la scène du premier chapitre qui devient à l’écran le final de l’épisode d’ouverture est vue à travers les yeux d’Atticus… qui ne voit justement pas grand-chose des monstres qui attaquent leur groupe. Dans la série, cela se traduit par une débauche d’effets spéciaux douteux pour des créatures à l’apparence assez peu originales plutôt que de jouer sur la suggestion. Difficile d’oublier que l’on est devant une série diffusée sur HBO, volontiers crue lorsqu’il s’agit de montrer du sang ou des scènes de sexe, alors que le roman, sans se départir d’une tension quasiment omniprésente, se montrait beaucoup plus soft.
Ce n’est pas toujours un défaut : les métamorphoses de Ruby sont par exemple saisissantes et aussi peu ragoûtantes soient-elle, bien plus recherchées qu’un simple effet de morphing qui aurait été une option plus évidente et confortable. La série comporte d’ailleurs d’autres qualités : le casting est solide, certains épisodes se révèlent ludiques comme A History of Violence et sa chasse au trésor ou encore I Am, qui nous offre un bataillon d’Amazones infligeant une cuisante défaites à un régiment de Confédérés, quand d’autres se montrent efficaces pour faire frissonner, à l’image de Jig-a-Bobo dans lequel l’une des héroïnes cherche à échapper à un terrible sortilège.
L’aspect historique n’est jamais oublié non plus : on évoque notamment les émeutes de Tulsa ou encore la mort d’Emmett Till, pour les événements les plus évidents car la série est également parsemée de détails qui ne sont pas forcément flagrants au premier regard mais revêtent un sens (le choix de la casquette de Dee, pour n’en citer qu’un). Malheureusement, le scénario ne se montre pas toujours aussi subtil : ainsi, Atticus Turner a-t-il été rebaptisé Freeman et un horrible bonhomme nommé Epstein hante une vieille demeure après avoir horriblement exploité de son vivant une population vulnérable. Les changements apportés au personnage de Caleb Braithwaite, ici Christina, ne sont pas non plus très heureux : d’un antagoniste à l’abord affable et qui récompense avec largesse les héros pour les services qu’il les contraint de remplir, on passe à une jeune femme bien plus tourmentée et inquiétante dont les motivations présentent un danger évident pour Atticus. Alors qu’on cherche à rendre le personnage plus complexe, les raisons de s’opposer à elle en devienne en fin de comptes plus simplistes et la confrontation finale est certes plus spectaculaire que dans le roman mais s’éloigne d’un des thèmes principaux, le fait de vivre dans un monde qui vous est hostile.
Lovecraft Country part donc d’une base qui pouvait se révéler passionnante et sait à l’occasion se montrer accrocheuse mais tombe souvent dans le Grand-Guignol, manque globalement de finesse dans son traitement. Le dernier épisode a néanmoins l’avantage de proposer une véritable conclusion qui ne laissera pas les spectateurs sur un cliffhanger jamais résolu. Misha Green n’exclut toutefois pas l’idée d’une deuxième saison, consacrée à de nouveaux personnages.
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