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Les séries sont à l’agonie et Internet les achève

Par Alice, le vendredi 7 novembre 2014 à 09:07:51

Serious BizRetrouvez ci-dessous un nouvel article traduit pour vous !
Cette fois, celui-ci revient sur l'importance d'internet et des réseaux sociaux dans la promotion et parfois l’essoufflement des parutions au long cours, chose courante en fantasy. Mais précisons tout d'abord que lorsque nous traduisons un article, nous cherchons avant tout un sujet permettant le débat. Nous ne sommes pas forcément d'accord avec la position exprimée par l'auteur dudit article. D'ailleurs, les commentaires originels (avec notamment une intervention de Scott Lynch en personne) avaient tendance à vouloir démontrer que l'auteur se trompait, plus ou moins vertement.
Et vous, quel est votre avis sur la question ?

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L'article

Vous avez entendu parler du Trône de Fer. C’est une petite série écrite par un gars nommé George R.R Martin. Le premier livre, Le Trône de Fer, est sorti en 1996 (1998 pour la France) accompagné d’une fanfare de critiques élogieuses. Le roman a remporté le Locus Award en 1997 et a été nominé pour le Nebula Award et le World Fantasy Award la même année. La novella Blood of the Dragon, comprenant les chapitres sur Daenerys, a remporté le Hugo Award en 1997 pour la Meilleure Novella. Cependant, la liste des best-sellers du New York Times ne l’inclut qu’en 2011, quinze ans après sa sortie. La Bataille des rois, le second volume, a commencé treizième sur la liste des best-sellers du New York Times trois ans plus tard et le reste fait partie de l’histoire. Son roman le plus récent, Le Bûcher d’un roi, a commencé en étant premier avec 650 000 exemplaires imprimés.
Il s’agit d’un exemple exceptionnel, mais qui illustre bien à quel point les séries peuvent marcher. C’est pourquoi les éditeurs sont si souvent amoureux d’elles. Quand elles fonctionnent, c’est de manière spectaculaire, avec des titres comme La Roue du Temps, Le Chardon et le Tartan, La Cité des Ténèbres, The Expanse. Ces séries ont toutes pris de l’ampleur avec les années, sans se démarquer dans les listes de best-sellers lors de leur sortie initiale, mais en attirant un public toujours plus important, avant d'entrer dans la liste du New York Times avec les sorties suivantes. Par exemple, La Roue du Temps a été numéro 1 à chaque nouvelle sortie après 2005 (une décennie après la sortie du premier livre). Quand elles ne fonctionnent pas, c’est de manière abyssale, avec des œuvres comme La Symphonie des Siècles de Elizabeth Haydon, qui a débuté avec de fortes ventes, qui se sont écroulées au fil du temps. Bien sûr, aucun deuxième, troisième ou douzième livre ne se vend aussi bien que le premier. Que cette situation se produise tient presque d’une impossibilité mathématique. Néanmoins, je pense que le marché d’aujourd’hui rend le succès sur le long terme incroyablement difficile.

Pourquoi ?

Tout se résume à ceci : les ventes de livres sont devenues dépendantes des réseaux sociaux. Pas nécessairement Facebook ou Twitter, mais l’interaction des lecteurs entre eux à travers un éventail d’environnements bibliographiques reliés entre eux. Les critiques sur Amazon, Goodreads, les fils de recommandation, Reddit, les blogs personnels, les blogs d’entreprise et oui, Twitter et Facebook. Je ne suis pas en train de dire que les auteurs doivent être actifs sur les réseaux sociaux pour vendre des livres (mais ça aide quand même). Je ne suis pas non plus en train de sous-entendre que plus d’activité sur les réseaux sociaux signifie implicitement plus de ventes. Je veux en venir au fait que l’expression « bouche à oreille », sur laquelle la vente de livres a compté pendant des décennies, n’a plus sa place prédominante dans les librairies. Elle a sa place en ligne, dans les atmosphères numériques aux allures de pub qui absorbent nos vies. Malheureusement, puisque tout le monde est impliqué, l’environnement en ligne n’a absolument rien en commun avec une librairie. Internet essaye de vous vendre un livre que vous allez aimer. Il essaye de vous vendre Internet.
Tout sur Internet est guidé par le trafic. Un site Internet comme Tor.com survit uniquement parce qu’il a plus d’un million de visites par mois. io9 survit de la même façon. Même les mamans et papas du site Internet, comme Bookworm Blues, Little Red Reviewer ou encore Civilian Reader sont fondamentalement composés par ce que les gens veulent en lire. Le RSS Twitter ? Poursuivre les disciples. Facebook ? J’aime. Goodreads ? Shelves ? +1 ou un vote ou peu importe quel autre paramètre stupide qu’Internet a trouvé pour valider le contenu créé par les masses numériques. Voilà les nouveaux libraires et ils n’existent pas pour aider l’auteur ou l’éditeur à trouver un marché pour leurs livres, mais pour aider les consommateurs à s’auto-valider. Et les lecteurs flottent dans les miasmes en essayant de trouver quelque chose qui convienne à leurs goûts.
A quoi sont-ils exposés ? Généralement, pas au troisième livre d’une série. Les algorithmes d’Amazon les dirigeront vers lui, mais presque rien d’autre ne le fera. Personne ne veut la critique du quatrième tome de l’exceptionnelle série de Daniel Abraham, The Dagger and the Coin. Que dire qui n’ait pas déjà été dit ? L’écriture est fantastique. Les personnages sont étoffés. Et les thèmes dont j’ai parlé dans les deux derniers livres ? Ils sont toujours là, fredonnant tout du long. Il y aura sans aucun doute quelques Tweets à propos de sa sortie, un peu d’excitation parmi les plus grands fans, mais le buzz… et bien… il n’y aura aucun buzz, non ?
Vous connaissez sûrement Ancillary Justice de Ann Leckie, The Goblin Emperor de Katherine Addison ou City of Stairs de Jackson Bennett. Le buzz ne manque pas autour de ces livres. Un autre me vient à l’esprit : The Mirror Empire de Kameron Hurley. Si vous êtes sur les réseaux sociaux des livres de genres, comment pourriez-vous le manquer ? Mais il ne s’agit pas du premier rodéo de Hurley. En fait, sa trilogie précédente, Bel Dame Apocrypha, a plutôt reçu de bonnes critiques. Le premier livre, God’s War, s’est même très bien vendu et a gagné quelques prix. Les suites (oui, il y a eu des suites), Infidel et Rapture, pas tellement. En réalité, personne n’en a fait la critique ou n’en a même parlé. Il s'agissait en grande partie d'une continuité du premier tome, avec très peu de choses pour attirer l’imagination passagère de l’expert du livre ayant un grand besoin d’attention. Il n"a pas été critiqué à la sortie. Twitter n’en a pas parlé. Les bulletins de vote pour les prix ne les ont pas pris en compte. The Mirror Empire pourtant ? Un livre que beaucoup d’éditeurs ont transmis ? Et bien, maintenant, c’est nouveau. C’est ce dont on parlera jusqu’à la fin des temps. C’est la prochaine grande chose et tout le monde doit le remarquer. Est-ce que le buzz continuera pour ses suites ? Je suis sceptique et cela n’a rien à voir avec la qualité du roman.
Myke Cole, dont les livres, en tenant compte de la plupart des statistiques, se portent bien, n’est pas (encore) devenu le best-seller que son éditeur espérait sûrement. En fait, il y a eu plus de buzz sur la rumeur à propos de son manuscrit non publié (et non terminé) de dark fantasy que sur sa plus récente sortie, Breach Zone. Gemini Cell, un roman terminé dont la sortie est prévue pour début 2015 est une série entièrement nouvelle, mais qui se déroule dans le même monde que sa trilogie précédente. Quel genre de buzz cela va-t-il engendrer ? C’est le danger de compter sur les fournisseurs de contenus pour les recommandations, vous n’allez entendre parler que des choses qui font tic.
Cet éditorial présente beaucoup d’hypothèses sans fournir aucune donnée. Il y a une raison pour cela… les données sont difficiles à trouver. Je ne sais pas si les séries ont plus ou moins de succès aujourd’hui qu’il y a dix ans, ou vingt, ou cinquante ans. De façon anecdotique, cela semble vrai, mais ce n’est pas vraiment la même chose. Cependant, indépendamment de ce que les données montrent, il n’est pas question de dire que continuer à compter sur Internet et les réseaux sociaux comme outils pour découvrir des livres est dangereux. Au contraire, il est question d’encourager les « sources fiables » pour les associer avec la toute nouvelle star du ciel, aux dépens de toutes les autres. Sur un marché qui compte de façon importante sur le buzz pour faire vendre, qu’arrive-t-il aux œuvres qui arrêtent de créer du buzz alors même que leurs qualités augmentent ? J’ai peur que la réponse ne soit la mort lente d’un millier de parts qui un jour érodera la capacité des auteurs se situant au milieu de la liste à trouver des éditeurs. Peut-être qu’il s’agit d’une peur irrationnelle. Je l’espère sincèrement.

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