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Les Imaginales 2009, les entretiens d’Elbakin.net !
Par Zedd, le samedi 18 juillet 2009 à 14:23:02
Notre couverture des Imaginales 2009 ne pouvait évidemment faire l'impasse sur des entretiens sur place avec certains des auteurs invités.
Après vous avoir laissé le temps de vous plonger dans les compte-rendus et autres reportage photo, puis de digérer tout cela, il était temps à présent de passer à cette dernière étape, la retranscription des dites interviews.
Une par une, vous allez donc pouvoir les découvrir...
Discuter des rencontres des Imaginales 2009 sur le forum
Une interview avec Andrzej Sapkowski
Je commence la publication des interviews réalisées aux Utopiales par celle de l'auteur polonais Andrzej Sapkowski.
Il s'agit de la première interview que j'ai faite mais aussi de ma préférée. En lisant cette interview, on peut penser que Sapkowski est quelqu'un de très fier. Alors oui, je ne vous contredirai pas : il l'est, fier de ce qu'il a accompli. Avant d'être une auteur, c'est un lecteur passionné de fantasy et avoir réussi à lancer son genre de prédilection dans son pays natal représente sa grande fierté. Rencontrer Sapkowski a pour moi été comme rencontrer Moorcock ; ce sont de grands messieurs, chacun à leur façon.
Je tiens enfin à remercier Sylvie Miller pour son aide dans la traduction.
- Est-ce que les aventures de Geralt de Riv occupent une place à part dans votre bibliographie ?
- Naturellement, j'ai commencé avec des histoires courtes. Ce n'était pas un choix de ma part, c'était une demande du marché. C'était une époque où les auteurs polonais n'avaient aucun espoir de publication. Les éditeurs, les maisons d'édition, les directeurs littéraires disaient qu'un auteur polonais, ça ne se vendait pas. La nouvelle, la forme courte, c'est quelque chose de très ramassé, qui est en fait un petit chef-d'œuvre parce qu'il faut mettre à l'intérieur une intrigue, développer des personnages, un début, une progression, une fin et le tout concentré dans quelque chose comme cinquante, soixante voire quatre-vingt pages. C'est quelque chose de très difficile.
Donc, ce que j'ai fait, c'est que j'ai écrit des histoires courtes qui ont fonctionné et ensuite je les ai rassemblées dans un recueil. Et en quelque sorte, j'ai ouvert une porte parce que j'étais le premier auteur polonais à être vendu et à faire de l'argent. Ensuite j'ai déclaré que la fantasy polonaise méritait une saga que je voyais en cinq tomes. Je me suis dit que si j'arrivais à écrire ça en Pologne, ça sera culte. Lorsque j'ai expliqué ma vision des choses, les gens se sont moqués de moi. Mais j'avais raison. La saga est devenu culte.
Après moi, il y a eu de nombreux jeunes auteurs qui sont rentrés par la brèche et qui ont été publié par les éditeurs qui se disaient « on tient peut-être un nouveau Sapkowski ».
- Vous sentez vous comme un ambassadeur de la littérature polonaise ?
- Je suis trop humble, trop modeste pour me prétendre de quoi que ce soit mais peut-être, peut-être... pourquoi pas ?
- Le Sorceleur a débuté ses aventures par le biais de recueils de nouvelles. En tant qu’auteur, comment envisagez-vous la nouvelle par rapport au roman ? « Techniquement » parlant ou autre !
- Bien sûr qu'il y a des différences ! Isaac Asimov disait que la nouvelle, c'est une ligne et le roman, c'est un plan. La nouvelle peut paraître plus simple parce qu'il s'agit de suivre cette ligne mais encore faut-il savoir le faire. Avec le plan, il faut créer une cohérence d'ensemble.
Il y a des gens en Pologne qui ont dit que depuis que ma première histoire du Sorceleur avait eu du succès, je réécrivais toujours la même chose. Alors que non. J'ai évolué, j'ai écrit d'autres choses. J'ai toujours dit qu'après les nouvelles sur le Sorceleur, j'écrirais une saga de cinq tomes et j'ai tenu parole. C'est parce que la fantasy polonaise doit s'appuyer sur la culture polonaise, sur une tradition polonaise (bien qu'en tant qu'auteur, je me sente comme quelqu'un d'universel) qu'il fallait au moins cinq tomes pour explorer toute cette culture.
- Avez-vous été surpris par le grand succès remporté par The Witcher, l’adaptation vidéoludique de votre création ?
- C'est très surprenant mais en même temps, ça fait du bien à l'ego quand quelqu'un vient vous voir et vous dire « j'ai adoré votre univers, j'aimerais en faire un jeu vidéo, un film ou une bande-dessinée ». Oui donc, c'était surprenant et ça m'a fait plaisir. La seule chose que je me suis borné à faire, c'est de céder les droits mais je ne me suis jamais mêlé de la fabrication parce que je considère qu'il y a des gens qui savent le faire. Moi, mon métier c'est d'être écrivain, ce que j'aime faire, c'est écrire. Aussi, j'ai décidé de céder les droits mais de ne pas m'impliquer. De plus, si jamais je l'avais fait et que le jeu n'était pas bon, on aurait pu me le reprocher, me dire que ce n'était pas mon métier, que j'aurais du laisser ma place à des professionnels. Je sais que par certains côtés, ça peut passer pour une mauvaise attitude que de dire « je les laisse se débrouiller », que parfois l'intervention d'auteurs peut aider les créateurs d'un jeu vidéo, etc, mais, moi, par ailleurs, j'avais d'autres activités d'écritures, j'étais débordé et je ne pouvais pas me libérer.
- Le Sorceleur avait eu droit à une adaptation TV il y a de cela quelques années. Avec la vague fantasy actuelle, Geralt pourrait-il avoir droit à une deuxième chance ?
- Non, parce que l'adaptation télé était vraiment mauvaise. Si l'on regarde les adaptation à la télé, on peut en fait comparer ça à une "courbe de Gauss". Sur la première partie de la courbe, on a les adaptations qui sont extrêmement mauvaises et puis, au milieu on a une grande quantités d'adaptations qui sont fidèles et pas mauvaises, et enfin, sur la fin de la courbe, il y a quelques rares adaptations qui sont meilleures que l'œuvre littéraire elle-même. Le Sorceleur est encore dans la première partie de la courbe et c'est quasiment impossible de l'en sauver.
Finalement, je me dis que ce n'est pas grave parce que sur cette première partie de la courbe de gauche, je suis en compagnie de très grands auteurs qui ont vu des adaptations massacrer leur travail. La fantasy est un genre très vaste et quand on regarde combien d'adaptation ont été réussi... Avant le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, si on compte bien, il y en a trois : Ladyhawke, le premier Conan et Excalibur. Trois ! Trois pour tout un genre.
- Quelle est votre opinion à propos du genre fantasy ? Quels sont vos auteurs favoris ?
- Une très grande question ! J'ai toujours été un fan de fantasy, c'est même pour cela que j'ai écrit dans ce genre. Je me considère chanceux d'avoir eu le privilège d'acquérir une connaissance de ce genre à travers les grands auteurs. Avant d'être auteur, je travaillais dans les affaires. J'étais commercial, ce qui m'amenait à voyager régulièrement à travers le monde. Comme j'étais toujours en transit, dans un hôtel, un aéroport, je me suis demandé : que faire ? Lire. Et comme j'étais à l'étranger, j'ai ainsi lu beaucoup de fantasy étrangère. Du coup, j'ai acquis une vraie connaissance du genre. Je connaissais déjà Tolkien puisqu'il avait été très tôt traduit en polonais. Au début des années 60, ça a été un très grand événement puisque tout ce qui était édition de science-fiction était très rare à l'époque. Évidemment, les grands noms comme Heinlein ou Bradbury étaient traduits mais c'est à l'étranger que je les ai trouvés, pas en Pologne. La plupart des romans, je les ai trouvés en version originale, en anglais donc ou en russe car il y avait un grand courant de littérature russe à l'époque.
Je pense que j'ai acquis une connaissance des grands canons du genre. Dans ma liste, il y a évidemment Tolkien en première place, loin devant. En deuxième place, je mettrais Ursula Le Guin et sa trilogie de Terremer. Ensuite, viennent Roger Zelazny et Ambre, puis Jack Vance et Lyonesse, Marion Zimmer Bradley avec Avalon, T.H. White et La Quête du Roi Arthur, Neil Gaiman avec Neverwhere et Stardust. Et puis Donaldson et Thomas Covenant aussi.
C'est un petit panel des auteurs que j'ai rencontré ; évidemment, il y en a beaucoup d'autres. En Pologne, j'ai écrit une encyclopédie de la fantasy puisque je me considère maintenant comme un spécialiste du genre. J'ai mis les œuvres que je considère comme les incontournables. En tout, je cite une bonne centaine d'ouvrages.
- Que pensez-vous de l’édition française de votre œuvre ? Appréciez-vous le travail des éditions Bragelonne sur ce titre ?
- C'est difficile de répondre à cette question parce je ne parle pas ni ne lis le français, donc je ne peux pas juger. Je suppose que le travail effectué par Bragelonne est sérieux. Les couvertures pourraient être meilleures mais j'ai vu largement pire (rires).
- Dans combien de pays avait-vous été traduit ?
- Beaucoup trop. Plus d'une vingtaine. Peut-être plus...
Pour les ventes, je n'ai pas de chiffres. Le seul talent de mesure, c'est les droits d'auteur que je reçois. Maintenant, j'ai un agent à Paris. Mais dans plusieurs pays, je travaille encore sans, comme en Allemagne, en Russie ou en République tchèque. En fait, si j'en ai pas dans ces pays, c'est parce que j'ai commencé à en vendre il y a longtemps, à l'époque où je n'avais pas d'agent. Je continue encore à travailler en contact direct avec les éditeurs dans ces pays. Pour les autres, j'ai des agents. Au début, j'ai réussi à vendre les droits à l'étranger grâce au nom et à la réputation de Stanislas Lem qui avait prouvé que les auteurs polonais pouvaient vendre.
- Que retiendrez-vous de votre rencontre avec le public français ?
- Ce contact est pour l'instant très limité puisque les Imaginales est les premier festival français auquel je me rends. J'ai bien sûr rencontré des fans français ou des écrivains français lors des conventions mondiales ou à d'autres occasions. Et les contacts ont été très très bon. La preuve, mon agent est une française.
- Sur quoi vous travaillez en ce moment ?
- Rien (rires).
Je viens de terminer un roman qui n'est pas encore publié : Viper (la vipère). Il s'agit d'une fantasy très contemporaine puisqu'elle se déroule pendant la guerre des russes en Afghanistan. Pour l'instant, je fais une petite pause, je n'ai pas encore démarré autre chose.
Propos recueillis et mis en forme par Simon Pinel.
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