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Aujourd’hui dans les salles : Noé

Par Gillossen, le mercredi 9 avril 2014 à 13:15:00

Entretien avec Darren Aronofsky

Comment est née votre fascination pour le mythe de Noé ?
C’est une drôle d’histoire en réalité. Tout a commencé par un poème que j’ai écrit quand j’avais 13 ans. J’avais une merveilleuse prof de littérature et un jour elle s’est adressée à toute la classe et nous a dit : ‘Prenez une feuille et un stylo, et rédigez un poème sur la paix’. J’ai fini par écrire un poème sur le mythe de Noé. Je ne sais pas pourquoi. J’ai récemment retrouvé mon poème. Alors que j’étais dans ma cave et que je cherchais mes vieilles cartes de base-ball pour mon fils de 7 ans, je suis tombé dessus et je me suis dit, ‘Ouah, ça, ça a sûrement de la valeur !’ (rires)
Pourquoi avez-vous nourri ce projet depuis si longtemps ?
Je trouve, tout simplement, que c’est l’une des plus belles histoires de l’humanité. C’est une histoire centrale, au carrefour des trois grandes religions monothéistes, le judaïsme, l’islam et le christianisme. Toutes les civilisations connaissent le mythe de Noé, et la plupart ont leur propre histoire de déluge : il y a, dans cette histoire, quelque chose de fondamentalement révélateur sur l’être humain. Et si personne n’avait encore cherché à la transposer pour le cinéma, c’est que tout y relève du miracle, et qu’il aurait été très difficile de concrétiser un tel projet avant les années 90. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, on peut réaliser ce genre de film en prises de vue réelles. C’est un film spectaculaire qui aborde de nombreuses idées, dont celle de l’espoir.
À partir du récit biblique, quels sujets souhaitiez-vous conserver dans le film ?
J’ai envisagé le texte comme une histoire entièrement vraie. J’ai cherché à transposer cette dimension, comme quelqu’un qui part d’un roman et qui se dit, ‘Bon, qu’est-ce que raconte ce livre et comment faire pour lui être fidèle ?’ C’est comme ça que je m’y suis pris pour Requiem for a Dream. On a donc fait en sorte que cette histoire ait un sens et une résonance pour un public du XXIème siècle. Et, pour moi, il y a énormément de thèmes dans l’histoire de Noé qui sont en prise directe avec l’actualité. Le compliment qui m’a fait le plus plaisir de la part de mes amis qui ont vu le film, c’est que les thèmes y sont extrêmement actuels, bien qu’il s’agisse d’une histoire ancestrale.
Comment s’est passée votre collaboration avec Russell Crowe ?
Russell est un type brillant. Le plus remarquable chez lui, c’est qu’il est d’une grande intelligence. Il vaut mieux avoir du répondant avec lui car il ne supporte pas la médiocrité. Je pense que lorsqu’il est venu sur le plateau pour nous rencontrer, il s’est rendu compte qu’il avait affaire à de vrais professionnels. Assez vite, il s’est détendu et a arrêté de se demander si on faisait notre travail dans les règles de l’art. Du coup, nous avons gagné son estime. Je pense que le respect d’un homme comme lui se mérite. Il ne se contente pas de vous l’accorder au nom de vos précédents films – il faut lui prouver qu’on en est digne. Et tout s’est bien passé de ce point de vue. C’était vraiment l’acteur idéal pour le rôle.
Comment avez-vous eu l’idée de lui confier le rôle de Noé ?
C’est un rôle pour lequel j’ai eu énormément de mal à trouver le bon interprète, non seulement en raison des nombreuses perceptions du personnage dans l’inconscient collectif, mais aussi parce qu’il a été très souvent représenté en peinture depuis des millénaires. Il me fallait donc quelqu’un d’une grande rectitude et d’une grande force, tout en étant parfaitement crédible et émouvant. La bible est traversée par l’idée de la droiture morale, et Noé incarnait cette vertu. En matière de théologie, il existe un débat passionnant autour de cette idée de droiture, défini comme un mélange de justice et de compassion, et c’est une question à laquelle n’importe quel parent peut être sensible. Si on est animé par un sens de la justice exacerbé, on risque de perturber son enfant par excès de sévérité, et si on a trop de compassion, on risque de le perturber par excès de laxisme. Il me fallait quelqu’un qui ait cette rectitude morale.
Noé a une obsession : il prédit le déluge à venir et il sait, de manière presque irrationnelle, comment agir. Qu’est-ce qui vous attire chez les personnages obsessionnels ?
C’est difficile, pour moi, de vous dire d’où me vient cette passion pour ce genre de personnages. Il y a quelque chose chez eux qui me donne envie de me lever le matin ! Il faudrait sans doute que j’aille consulter un psychothérapeute pour comprendre ce qui m’attire chez ces personnages ! (rires) Ils m’attirent, un point c’est tout.
Il vous fallait un acteur d’envergure face à Russell. Pourquoi avez-vous choisi Ray Winstone pour incarner Toubal-Caïn ?
Quand on a choisi de travailler avec Russell, et qu’on a besoin d’un antagoniste, il y a très peu d’hommes sur cette planète qui soient crédibles en personnage capable de flanquer une raclée à Russell Crowe ! Je me suis dit, ‘avec Ray, j’y crois’. Et au moins, ça pouvait donner lieu à une bonne scène de bagarre.
Aviez-vous des illustrations que vous pouviez montrer aux acteurs pendant les auditions ?
Oui. Je ne me souviens pas exactement du détail, car c’était il y a environ trois ans, mais c’est en général comme ça que je travaille. C’est très utile, surtout en amont, de pouvoir donner aux gens que l’on rencontre un aperçu du film qu’on veut faire, particulièrement pour un tel projet. Quand on leur dit qu’on va faire un film sur Noé, ils s’imaginent des tas de choses, surtout les acteurs. La première chose que je voulais leur dire, c’est qu’on n’allait surtout pas jouer la carte du péplum, avec sandales, cothurnes, longues robes et barbes blanches ! Très vite, j’ai voulu qu’on ait des illustrations qui allaient à l’encontre de ce genre de représentations, si bien que les acteurs puissent avoir une autre idée de Noé que celle de leur grand-mère et se disent ‘Voilà une approche nouvelle de ce récit biblique !’
Parlez-nous du tournage en Islande et de son influence sur le style visuel du film ?
En réalité, je me suis rendu en Islande pour Pi, il y a plusieurs années, et j’ai adoré ce pays. J’ai sympathisé avec quelques Islandais et, du coup, j’y suis retourné au fil des années. Il y a quatre ou cinq ans, alors que je réfléchissais au projet de Noé, et que je traversais le pays en voiture, je me suis dit – ‘Bon Dieu, mais bien sûr !’ Il y a là-bas quelque chose de primitif parce que c’est un pays neuf. La terre semble se soulever là-bas : le pays est situé sur une plaque tectonique qui scinde l’Atlantique en deux. On voit de la lave qui surgit du sol, et c’est ce qui constitue l’Islande. Du coup, c’est un pays très neuf, comparé, par exemple, à Brooklyn (rires) ou à n’importe quelle région du monde. Et comme c’est un pays neuf, on y éprouve un sentiment d’éternité. Je me suis alors dit que ce serait une formidable idée de tourner cette histoire ancestrale dans l’un des pays les plus neufs du monde, car c’est à cela que le monde devait ressembler à cette époque. Et on a commencé à imaginer une esthétique à partir des paysages islandais.
Et l’Arche ? : L’Arche est un mélange de plusieurs choses. Un autre paysage nous a influencés
il s’agit de la forêt, située dans le nord de Long Island, où nous avons fini par construire l’Arche. Il nous fallait un vaste champ, et nous l’avons déniché près de New York. C’est comme ça que nous avons choisi la variété d’arbres qu’on voit dans le film. Je dirais donc que le style visuel mêle les paysages de Long Island et de l’Islande.
Vous avez fait construire l’extérieur et l’intérieur de l’Arche. Comment avez-vous trouvé le bon équilibre entre les décors en dur et ceux générés en infographie ?
Je crois vraiment que les comédiens apprécient les décors en dur. On a beau avoir une imagination fertile – tourner devant un fond vert ne remplace pas le fait de se retrouver à devoir marcher sur des rondins à 10 ou 12 mètres au-dessus du sol. On peut stimuler leur imagination, mais il faut donner le maximum d’éléments aux acteurs pour qu’ils aient le sentiment que l’environnement dans lequel ils tournent est crédible.
Est-ce que c’est difficile ?
Bien sûr, puisqu’il faut choisir le style visuel avant même de tourner. Il faut aussi décider de la palette chromatique, des matières et des rapports d’échelle, mais je pense qu’il y a plus d’avantages que d’inconvénients. Au bout du compte, c’est un équilibre à trouver, entre les dépenses liées à la construction d’un décor réel et les conséquences d’un recours massif au numérique. Et, bien entendu, il n’y a rien de tel qu’un objet éclairé par une véritable source de lumière, aussi perfectionnée que soit l’infographie – grâce à laquelle, d’ailleurs, nous avons conçu tous les animaux. Mais le résultat qu’on obtient lorsqu’on tourne véritablement une scène est unique.
Depuis combien de temps les technologies permet- tant de réaliser un tel film existent-elles ?
À mon avis, depuis que j’envisage ce projet, autrement dit, depuis dix ou quinze ans. Je pense que ces technologies sont plus accessibles et offrent davantage de possibilités chaque jour, et que les prouesses sont de plus en plus bluffantes chaque année. L’eau dans ce film a un rendu extraordinaire, mais quand j’ai tourné The Fountain, et alors même qu’on n’avait qu’un peu d’eau à faire réaliser en numérique, cela m’avait terrifié, car la technologie n’était pas au point. Aujourd’hui, c’est plus facile de réaliser de l’eau – enfin, pas facile, mais beaucoup plus faisable, et en tout cas, très convaincant.
Aviez-vous tenté de réaliser ce film antérieurement ?
Oui. Quand j’ai terminé Pi, en 1998, j’ai commencé à y réfléchir. C’était il y a une quinzaine d’années. Je n’avais pas la moindre idée de l’envergure d’un tel projet. Je débutais à peine ma carrière de réalisateur et j’étais assez inconscient. Parfois, la naïveté peut s’avérer votre meilleur atout, mais le projet ne s’est pas concrétisé à cette époque. Et puis, il y a six ans environ, nous avons écrit le scénario pour un studio, mais la direction générale a changé, et ça n’a pas abouti. Je crois vraiment me souvenir qu’un mois exactement après avoir signé le contrat, le studio a changé de direction. Le projet s’est donc retrouvé au point mort. Par la suite, pendant la postproduction de Black Swan, j’ai reçu un coup de fil d’Arnon Milchan, de New Regency, qui m’a dit : ‘Faisons un truc dingue ensemble’. Et je lui ai répondu : ‘Eh bien, j’ai justement un projet dingue qui n’attend que ça.’ Il a pris le premier avion, il a lu le scénario et il m’a dit ‘Ok, on y va’. Et puis, nous avons rencontré les gens de la Paramount. Au final, ça n’a pas été un cheminement si difficile.
Comment s’est passée l’écriture avec Ari Handel ? Avez-vous vraiment écrit le scénario à quatre mains ?
Avec Ari, nous passons beaucoup de temps à échanger des idées. Et puis, nous travaillons la structure ensemble, parfois en notant des choses sur des fiches. Ensuite, nous étalons toutes les fiches, nous en colorions certaines, afin d’établir des liens entre certains personnages et scènes. On établit donc un graphique qu’on peut coller au mur et consulter. En général, Ari est le plus courageux de nous deux, et c’est lui qui démarre l’écriture. Il se lance et dès qu’il est arrivé à 10 pages, il m’envoie ce qu’il a fait. À partir de là, je me l’approprie et le réécris. Et en fin de compte, on aboutit à une première version. Et puis, 80 ou 90 versions plus tard, on entame le tournage. La réécriture est fondamentale dans l’élaboration du scénario.
Appréciez-vous autant ce type de grosses productions que les projets plus modestes ?
Sur ces grosses productions, il y a bien d’autres choses à prendre en compte que de diriger les acteurs. D’ailleurs, ce que je préfère, c’est bien le travail avec les acteurs. Je n’aime rien tant que ce moment entre ‘Action !’ et ‘Coupez !’, où l’on est seul avec les comédiens et où toute l’équipe est entièrement focalisée là-dessus. Mais, comme je l’ai dit, il y a beaucoup d’autres choses à prendre en considération : on doit raconter une histoire de plus grande envergure, et toucher un très large public – enfin, il faut l’espérer. C’est très exaltant. Mais ce que je préfère, c’est la direction d’acteurs. Du coup, il ne faudra pas s’étonner si mon prochain projet est un film plus modeste.
À quel moment commencez-vous à faire appel à vos fidèles collaborateurs pour vous aider ?
C’est un peu comme Mission : Impossible ! (rires) Ça dépend. Par exemple, pour The Wrestler j’ai travaillé avec une toute nouvelle équipe. Et pour Black Swan, j’ai refait appel à des collaborateurs avec qui j’avais déjà travaillé. C’est très confortable de travailler avec des gens avec qui on a déjà collaboré car on sait de quoi ils sont capables. On sait qu’on peut leur parler franchement puisque ce sont des amis. Je pense que c’est important, quand on est metteur en scène sur un gros film comme celui-là, d’être entouré d’amis qui ne s’en laissent pas compter et qui vous considèrent comme un être humain. On peut facilement se retrouver dans la position du roi nu ! J’aime bien être entouré de gens que je connais car ils n’hésitent pas à me botter les fesses si je commence à faire le con. C’est toujours salutaire.
Vous avez aussi dirigé de jeunes comédiens, comme Logan Lerman, Douglas Booth et Emma Watson.
Je ne connaissais pas Logan du tout. Quand il est venu à l’audition, je me suis dit, ‘Bon Dieu, ce type est génial !’ Et puis, j’ai vu ce qu’il avait déjà fait, et j’ai compris que d’autres, avant moi, s’étaient rendu compte qu’il était formidable... Mais il m’a bluffé. Il ne correspondait pas à l’image que je m’étais faite du rôle, mais il était tellement convaincant que j’ai accepté son approche. De même, j’ai trouvé que Douglas Booth était un comédien incroyable, et cela a été une totale découverte pour moi. Il est très bon. Son problème, c’est qu’il est tellement beau qu’il va falloir qu’il surmonte ce handicap ! (rires) En tout cas, il sait jouer. Quant à Emma, je n’ai pas vu la saga Harry Potter car ce n’est plus de mon âge, et que mon fils est trop petit. Lorsqu’elle est venue pour son audition, je l’ai trouvée très intéressante. Elle m’a pris entièrement par surprise. Pour être honnête, je ne m’y attendais pas. Elle ne figurait même pas sur ma liste d’actrices potentielles : elle a débarqué un jour dans le bureau, et c’est comme ça qu’elle a décroché le rôle. Ce n’est donc pas du tout lié à ce qu’elle avait fait jusque-là.
Vous étiez heureux de retrouver Jennifer Connelly, après Requiem For A Dream ? Beaucoup de gens se souviennent encore de la projection du film à Cannes, qui a dû être un moment-charnière dans votre parcours...
Cette projection à 3h du matin ? C’était un sacré moment ! (rires) J’en reparlais encore l’autre jour. C’est drôle, parce que les réseaux sociaux n’existaient pas encore, si bien qu’on n’avait pas d’infos. J’aurais bien aimé qu’ils existent d’ailleurs... Il y avait beaucoup de buzz autour du film, mais on l’apprenait en tombant sur quelqu’un dans la rue qui avait aimé le film. Il n’y avait aucun moyen de relayer l’info au reste du monde. C’est un moment magique dans ma vie.
Est-ce que vous ressentiez l’enthousiasme dans la salle ?
J’étais sidéré à cause de la réaction de l’écrivain et scénariste Hubert Selby Jr. Le public a applaudi à tout rompre jusqu’à ce qu’Hubert et Ellen quittent la salle. Mais même après cet accueil, on ne savait pas très bien à quoi s’attendre. Le film est sorti et a généré quelque 3 millions de dollars aux États-Unis, ce qui n’était pas rien. Aujourd’hui, je ne croise pas une personne qui ne l’ait pas vu. Même des jeunes. C’est un vrai motif de fierté. Car mon rêve, quand j’étais gamin, c’était de tourner Taxi Driver. Et c’est génial d’avoir pu réaliser un film qui n’est sans doute pas aussi fort que Taxi Driver, mais qui en est une variation, et qui a donné envie à pas mal de gens de faire une école de cinéma.
Vous envisagiez de confier le rôle de la femme de Noé à Jennifer depuis le début ?
J’ai très tôt pensé à elle, parce que je me disais qu’elle avait une beauté atemporelle et une grâce qui correspondaient bien au personnage de cette mère. Elle avait aussi, bien entendu, l’intelligence. Je l’ai convaincue d’accepter le rôle. Une fois encore, il s’agit d’un film qui se déroule à une époque et dans un espace irréels. Comment faire en sorte que les comédiens soient crédibles dans un tel contexte ? Jennifer s’est totalement appropriée cet univers.
Anthony Hopkins est, lui aussi, impressionnant...
Il est hallucinant ! Quand on cherche un acteur pour Mathusalem, le plus vieil homme au monde, les attentes sont immenses. C’est un personnage très difficile à composer. J’ai envisagé plusieurs pistes. Au départ, j’ai pensé à prendre une femme âgée pour camper le rôle. Je ne savais pas comment m’y prendre... Et puis, quand l’idée d’Anthony Hopkins s’est imposée à nous, je me suis dit ‘Voilà la bonne approche ! Ce sera un guerrier doté d’une grande force’. Et il se trouve que Mathusalem avait vraiment une épée. Dans certains textes, on raconte qu’il a découvert une épée. Il combattait la cruauté de l’humanité, et c’est cette dimension-là qu’on a représentée dans le film. Je le vois comme un grand guerrier.
Êtes-vous sensible au buzz qui circule autour d’une grosse production comme celle-là ?
Je pense qu’il est important de comprendre ce qui se passe et ce que racontent les gens. J’imagine que lorsque le film sortira, je prendrai des vacances et disparaîtrai pour un petit moment ! Mais c’est important de ne pas se couper du monde et de rester connecté. D’ailleurs, je trouve que les réseaux sociaux représentent un grand espoir. Je crois vraiment que les printemps arabes, et autres révoltes, ont été alimentés par Twitter et Facebook. Je pense même que ce sont des outils qui, d’une certaine façon, vont pouvoir nous sauver. C’est devenu très difficile de camoufler la réalité et, lorsque des violences se produisent, il y a des images qui en attestent et qui circulent. Autrefois, c’était très facile de garder des événements secrets. On pouvait bâtir des murs autour de ce qui se passait pour couper des populations entières du reste du monde. Vous imaginez le Mur de Berlin dans le monde actuel ? Vous imaginez les gens en train de poster des messages sur Facebook à travers cette frontière ? Je ne pense pas qu’on puisse encore dissimuler la moindre information. Je repense à ce qu’Edward Snowden a fait, et à ses conséquences mondiales, et je trouve que c’est très intéressant. Et même s’il y a des drames terribles qui ont lieu, les gens peuvent continuer à communiquer et à faire savoir ce qui se passe à la terre entière.
Et en tant que cinéaste, prêtez-vous attention à ce qu’on raconte sur vos films ?
Ça m’est égal. Et je m’y suis habitué. Quand je tournais The Wrestler, les gens disaient ‘mais pourquoi a-t-il choisi Mickey Rourke pour tourner un film sur le catch ? Il est fou ! ‘ Et puis, j’ai réalisé un film autour du ballet, et j’ai entendu des rumeurs du genre ‘Mais qu’est-ce qu’il y connaît au ballet ?’ Et aujourd’hui, alors que je m’intéresse à la bible, les gens disent ‘Qu’est-ce qui lui prend de faire un film tiré de la bible ? Il est devenu mystique ?’ J’ai toujours fait ce que je voulais, et c’est encore le cas avec ce film. Je crois que lorsque le public le verra, il comprendra ce qui m’a donné envie de le faire.
Craignez-vous qu’un film à caractère religieux comme celui-là déclenche une polémique ?
Non. Le film est parfaitement fidèle au texte biblique. On n’a pas cherché à inventer quoi que ce soit. Bien entendu, nous l’avons un peu interprété, parce que, dans la Genèse, il ne fait que quatre paragraphes et que Noé ne s’exprime jamais. Et quand on a un acteur tel que Russell Crowe, il est impossible de ne pas le faire parler ! On s’est vraiment posé la question de savoir comment faire de ce court récit un long métrage, mais je pense que les croyants y retrouveront tous les thèmes abordés dans le texte d’origine. Nous nous sommes beaucoup documentés. Mais le film se déroule dans un monde qui défie l’entendement. Tout comme la Terre du Milieu a été inventée, nous avons décidé d’imaginer un univers à partir des indices contenus dans la bible. Nous avons donc bâti un monde fantastique, mais fidèle à l’histoire originelle. Je pense vraiment qu’il s’agit d’un film susceptible de réconcilier croyants et non-croyants, et d’inciter au dialogue entre eux.
Votre propre foi entre-t-elle en ligne de compte ?
Ce que je crois personnellement n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est mon approche du texte, et je l’ai envisagé comme totalement authentique. En le lisant, je me suis dit que je tenais à raconter l’histoire de Noé, et c’est pour moi le plus important. Le public pourra percevoir la réalité et l’authenticité du texte à travers le film. Il ne s’agit donc pas d’un débat personnel, mais d’un débat que je prends très au sérieux.
Une autre transposition de la bible se prépare. Avez- vous téléphoné à Ridley Scott pour lui parler d’Exodus ?
Non ! (rires) J’ai discuté avec Peter Chernin, producteur du film, car lorsque le projet de Noé était au point mort, ce scénario m’intéressait. J’ai hâte de voir le film. J’adore Ridley. Il fait partie de mes cinéastes préférés et il a toujours été adorable avec moi. Même lorsqu’un simple article sur Ridley Scott – l’un de mes héros – mentionne mon nom, je suis ravi. C’est très flatteur.
Comment expliquer que ces histoires traversent le temps ?
Ce sont les premiers films de super-héros, et ce sont des récits extraordinaires.
  1. Synopsis
  2. Noé au cinéma
  3. Un point de vue particulier
  4. Le tournage
  5. Entretien avec Darren Aronofsky

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