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6 questions avec Anne Besson !

Par Gillossen, le vendredi 10 avril 2015 à 17:06:29

MOOCOn vous parlait de l'annonce d'un MOOC Fantasy le mois dernier...
Et il nous semblait important d'y revenir un peu plus en détails dès maintenant, avant son lancement effectif. D'où ce rapide mais dense entretien avec Anne Besson, que l'on ne présente plus en ces terres ! Nous nous permettons même d'élargir un peu la problématique de départ au fil des questions.
Merci encore à Anne pour avoir trouvé le temps de nous répondre malgré son agenda très chargé.

Discuter de la fantasy à l'université sur le forum

Retour sur le MOOC Fantasy

Comment est né ce projet de MOOC ? Combien de temps a-t-il fallu pour le monter ?
Au sein du labo d’informatique de mon université, l’Université d’Artois, une petite équipe menée par Daniel Le Berre s’intéressait de près aux possibilités offertes par ce nouvel outil des plates-formes d’apprentissage ouverte, mais aux possibles techniques avant tout. Ils n’avaient pas de sujet – et c’est au printemps dernier, quand la nouvelle saison de Game of Thrones m’a valu le retour rituel de mon « quart d’heure de gloire » médiatique annuel, qu’ils se sont dit, « tiens tiens, voilà un truc qui pourrait marcher », un sujet populaire, fédérateur, correspondant très bien à la pédagogie développée sur les MOOC, qui repose totalement sur l’investissement personnel des apprenants, l’intérêt et même le plaisir qu’on peut trouver à découvrir à son rythme quelque chose qui nous motive.
On a commencé à en discuter sérieusement, à réunir l’équipe, à jeter les bases d’un calendrier de travail, en mai-juin 2014. Il nous aura donc fallu pile un an pour mener le projet à bien, mais c’était dense, un vrai défi, reposant sur une grosse implication de tous (Anne-Sophie, qui s’occupe de « l’ingénierie pédagogique » sur la plate-forme FUN, Amélie, qui réalise les vidéos…). Je savais que ce serait chronophage car des amis collègues ayant déjà l’expérience des MOOC m’avaient prévenue, mais à ce point, je ne pensais pas !
Plus généralement, ce concept vous intéressait-il depuis longtemps ?
Je n’ai pas hésité longtemps, mais à vrai dire non, j’avais entendu parler des MOOC sans m’y intéresser plus que cela. Moi je suis une lectrice avant tout, c’est comme ça que je vais chercher un savoir que j’ai constamment besoin de renouveler – je ne suis pas un bon public pour les cours filmés ! En revanche, ce qui m’a toujours motivée, entre autres, dans mon travail d’enseignant-chercheur, c’est ce qu’on peut qualifier, au choix, de diffusion de la recherche, valorisation auprès de la société, vulgarisation auprès du grand public : je donne des conférences, je participe à des festivals, je réponds à des interviews…, parce qu’il me semble important de donner de l’université une image plus ouverte que celle qui prévaut encore trop. Je travaille sur des objets « grand public », des genres et produits culturels qui peuvent encore être considérés comme « illégitimes », et c’est l’occasion pour moi de montrer qu’on peut proposer un savoir de qualité sur de tels objets. Le MOOC est un formidable outil pour ça, parce que c’est un support nouveau, entièrement online, qui dépoussière donc l’image de l’université ; et puis il permet de toucher d’un coup des milliers de gens, partout dans le monde, avec une gratuité complète – un tel modèle ne durera peut-être pas, il faut en profiter !
Quelle place pour les réseaux sociaux dans la communication autour du projet ? On voit qu’un compte Twitter et une page Facebook ont été immédiatement créés pour l’accompagner.
Sur ce point, nous bénéficions de l’expérience de nos collègues qui se sont lancés dans l’aventure en pionniers à partir de 2013-2014, et aussi de l’expertise de notre cellule MOOC : donc effectivement, l’idée d’être présent sur les réseaux sociaux, pour faire du MOOC une vraie histoire collective, était présente dès le début. Là encore, si on veut faire évoluer l’université avec son temps, on ne peut guère faire l’impasse. Moi, je suis uniquement sur Twitter, mais j’aime ce qui s’y passe.
Il y a un délai de deux mois entre le moment où France Université Numérique annonce les MOOC à venir et leur début effectif : ça n’est pas rien, et sans être du tout des pros du marketing, il nous semblait assez évident de proposer des rendez-vous réguliers (tous les mardis, on propose un petit contenu libre de droit), pour rythmer l’attente et essayer de créer déjà un premier effet de communauté – c’est si important dans le monde des fans, de fantasy notamment ! On espère ainsi que les discussions sur le forum seront animées, car souvent sur les MOOC ça n’est pas trop le cas, ça reste dans la consommation alors que les possibilités d’interaction sont hyper-riches.
Une question que vous devez entendre souvent et qui pourrait faire l’objet d’un podcast entier, mais comment la fantasy à l’université a-t-elle évolué ces dernière années ?
Tout récemment, il n’y a malheureusement pas beaucoup de changement, car la crise touche de plein fouet les possibilités de recrutement à l’université, et sans postes à pourvoir, pas de nouveaux collègues, et donc pas d’évolutions possibles. Donc là, on est plutôt face à un blocage, et c’est évidemment bien dommage car les mentalités ont par ailleurs bien évolué depuis les dix, quinze ans, que j’ai passé dans ce milieu. D’une part des travaux de grande qualité sont venus prouver l’intérêt des recherches sur les genres de l’imaginaire et/ou la culture populaire (de Vincent Ferré sur Tolkien à Olivier Caïra sur les jeux, les mondes et la fiction, etc.), d’autre part faire une thèse sur les jeux vidéo, les séries télévisées ou la fantasy se pratique désormais sans difficultés majeures (reste à traduire ce mouvement par des recrutements…). Je constate que quand on ouvre cette porte, nombreux sont ceux qui ont envie d’entrer, qu’il s’agisse d’étudiants ou de collègues d’ailleurs. Si j’ai choisi de préparer le MOOC avec une équipe 100% Artois (avec moi et « par ordre d’apparition à l’écran » : Isabelle Olivier, Emmanuelle Poulain-Gautret, Myriam White-Le Goff et Za Casta), c’est parce qu’on a développé des travaux ensemble et une vraie complicité depuis des années autour de ce qu’on aime ! Trois d’entre elles sont des spécialistes de Moyen Âge, et c’est une tendance forte : je n’ai pas de statistiques, mais les médiévistes semblent souvent être arrivés là par la fantasy, les jeux, les contes et légendes en tout cas…
Les éditeurs comme les lecteurs cherchent souvent la prochaine tendance. La voyez-vous se dessiner ?
Non, désolée, j’ai toujours refusé de développer mes pouvoirs magiques de prophétesse ;-)
Ce qui moi m’intéresse en ce moment, mais c’est tout à fait subjectif, c’est d’une part une tendance, encore assez balbutiante, mais que j’aimerais voir décoller, de renouveau d’un imaginaire pulp, coloré, foutraque, gore, désinhibé, renvoyant aux années 30 et 40 ; et puis, à l’autre bout, je vois apparaitre, notamment en France et notamment sous la plume de jeunes auteurs féminins, des romans dont on comprend que c’est la psychologie des personnages qui les organise – le surnaturel magique et/ou le monde alternatif sont là bien sûr, mais vraiment au service d’une évolution intérieure, ce qui représente un changement d’accentuation assez net par rapport aux habituels récits initiatiques.
Si les curieux qui se sont inscrits devaient avoir retenu une chose à la fin de leur parcours, de quoi s’agirait-il dans l’idéal ?
La richesse et la diversité de la fantasy, sans aucun doute. Comme je m’escrimais à résumer en 15 minutes tel ou tel aspect, c’est toujours ce qui me frappait : à quel point il y a beaucoup à dire, des textes ou des usages incroyablement diversifiés à présenter, et du coup j’ai souvent insisté là-dessus ! Le fait que 5 enseignantes se succèdent, si bien qu’on ne va pas voir les mêmes têtes, pas entendre les mêmes voix ni les mêmes points de vue, devrait contribuer à faire passer ce message fort.

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière


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