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Morgane Caussarieu nous invite en Louisiane

Par Aléthia, le jeudi 27 juin 2013 à 10:42:28

Morgane CaussarieuMorgane Caussarieu a déboulé dans nos imaginaires en 2012 avec Dans les veines, paru chez Mnémos. Quelques mois plus tard, c'est avec Vampires et Bayous, chez Mnémos Essais, que nous retrouvons Morgane Caussarieu. Vampires et Bayous analyse la construction du vampire en Lousiane - et dans le Sud - à travers des œuvres emblématiques comme Entretien avec un Vampire (Anne Rice), Âmes Perdues (Poppy Z. Brite) et Riverdream (G.R.R. Martin). Après avoir dévoré l'essai avec un plaisir non dissimulé, j'ai eu la chance que Morgane Caussarieu accepte de répondre à mes questions. Please allow me to introduce myself...

Morgane Caussarieu : Interview

Qui est Morgane Caussarieu ?
Question difficile. Je dirai une fille de vingt-cinq ans, vampirophile, passionnée de musique post-punk, de cinéma de genre et de littérature violente, qui a voulu faire partager ses centres d'intérêt en écrivant...
Comment est venu ton intérêt pour la figure du vampire ?
Toute petite, j'avais lu un bouquin pour gosse sur la fille de Dracula, adoptée par une famille humaine. Une image m'a fascinée inexplicablement, celle de la petite fille, les dents toutes rouges après avoir mangé du coulis de fraise. Je ne me rappelle plus comment ça s'appelait, c'était mignonnet et sûrement pas renversant, mais je l'ai emprunté plusieurs fois à la bibliothèque de l'école maternelle. C'est ce qui m'a poussé à lire à huit ans Entretien avec un vampire en cachette de ma mère, quand celle-ci a refusé de m'emmener au cinéma voir le film. Le bouquin a changé ma vie. Après ça, je suis devenue carrément obsédée par tout ce qui touchait de près ou de loin aux vampires, et la diffusion de Buffy sur M6, quelques années après, ne m'a pas aidé à refréner ma passion.
Quand et comment as-tu eu l'idée de faire ce lien entre Louisiane et vampires ?
Je l'avais toujours fait, sans m'en rendre compte, puisque que dans mon imaginaire d'enfant, l’œuvre de référence n'était pas Dracula, mais Entretien avec un vampire. J'ai ensuite lu Âmes perdues, de Poppy Z Brite, puis Riverdream, de George R. R. Martin, deux livres qui montrent un vampire louisianais, et je me suis dit que la coïncidence était curieuse. Comment se faisait-il que la plupart des œuvres marquantes récentes situent le vampire dans les bayous et plus en Europe de l'Est ?
Lors de ma troisième année de licence Arts du spectacle, on nous a demandé d'analyser un film du point du vue historique. J'ai choisi de décortiquer Entretien avec un vampire, et d'expliquer en quoi il exprime les préoccupations du Sud profond. C'est à ce moment-là que les prémices de l'essai sont nées. Ensuite, True Blood est sorti sur les écrans, confirmant mon intuition qu'il y avait là quelque chose à creuser. J'ai alors consacré mon mémoire de M1 aux vampires en Louisiane.
Pourquoi l'idée d'un essai ? Comment passe-t-on de la narration fictionnelle à l'analyse narrative ?
J'ai écrit mon mémoire en parallèle de mon roman Dans les veines. Les deux projets me tenaient autant à cœur. J'alternais l'écriture de l'un et de l'autre. Mes recherches pour le mémoire m'ont même sûrement un peu permis de nourrir le roman. Après ma soutenance, j'ai laissé le mémoire de côté et je me suis consacrée à la recherche d'un éditeur pour Dans les veines, car il était plus abouti.
Une fois Dans les veines publié, j'ai continué à étoffer le mémoire jusqu'à ce qu'il puisse devenir un essai, tout en écrivant mon second roman. Je l'ai fait lire à Jean Marigny, qui m'a dit que cela contribuait grandement à la recherche sur le sujet et qui a accepté de signer la préface. Encouragée par ses propos et désirant que mon travail soit accessible à tous, je l'ai proposé à Mnémos, qui a décidé très vite de le publier.
Quels sont les inconvénients et les avantages de l'essai et du roman, pour toi, en tant qu'écrivain ?
Le roman, tu es face à une page blanche. Tout (ou presque tout) doit sortir de ta tête. L'essai, ce n'est que de la recherche, de l'analyse, de l'organisation pour avoir un plan cohérent. Tu as tout ce qu'il te faut, il suffit juste de savoir où chercher. Pas de panne d'inspiration possible. Il n'y a qu'à commenter, critiquer, faire des rapprochements, tirer des conclusions.
C'est beaucoup plus simple, il me semble, de faire un travail analytique, mais la somme de travail est colossale, on y passe des années. Faut pas être feignant.
Alors qu'un roman, c'est vraiment très épuisant intellectuellement, et tout le monde n'a pas forcément l'imagination nécessaire, mais les recherches à côté ne sont pas obligatoires. Du coup, on peut écrire un roman en quelques mois, mais un essai, à part si on maîtrise déjà le sujet, pas possible.
Je trouve aussi que c'est plus jouissif, un roman, parce qu'on crée ses propres personnages, un univers, et parfois, on se laisse complètement embarquer. Un roman ça fait rêver, un essai, pas des masses. Mais on apprend plus de choses, on en sort moins bête (j'ai appris pleins de trucs chouettes sur la Louisiane !). En plus, avec Vampires & Bayous, il y avait la satisfaction de s'aventurer dans un domaine inédit. Le vampire, ça a été analysé sous toutes les coutures, la Louisiane aussi, mais relier les deux, ça n'avait encore jamais été fait.
Vampires & Bayous est un essai riche et foisonnant, où tu gardes ta liberté de ton. Un essai oui, mais selon tes propres règles ?
J'ai voulu à tout prix éviter d'être pompeuse ou chiante. Je voulais qu'on s'éclate en lisant l'essai presque autant qu'en lisant un roman, qu'on ne saute pas tel ou tel chapitre parce qu'il se perd dans des concepts philosophiques obscurs ou des phrases à rallonge. Alors, comme pour un roman, j'ai essayé d'insuffler un rythme, un ton rock'n'roll (autant que faire se peut, ça reste un essai), un peu d'humour parfois, et je ne me suis pas privée de donner mon avis sur les œuvres que je cite. La dynamique de l'ouvrage est aussi assurée par la superbe maquette qu'a réalisée Coralie David.
Dans le chapitre 5, tu abordes la création des personnages masculins chez Poppy Z. Brite, qui se décrivait alors comme une femme avec une part de masculinité. Est-ce qu'à l'aune des changements qui se sont opérés dans la vie de Poppy Z. Brite, tu analyses la construction de ces personnages différemment?
Poppy Z. Brite a toujours été dans sa tête un mec gay, et non une fille (du moins, c'est ce qui ressort dans ses romans, pas besoin d'être fin psychologue pour le voir). Qu'elle ait récemment sauté le pas et soit devenue un homme ne m'étonne pas, c'est la suite logique des choses.
Es-tu prête à renouveler l'aventure ? Peut-être un essai sur les vampires venus du froid ? Ou te focaliser sur un auteur en particulier ?
Houlà, tout de suite, non. Comme je l'ai dit, c'est beaucoup de travail pour une production assez maigre. Je préfère me consacrer pour l'instant à l'écriture de romans. Mais dans quelques années, pourquoi pas. Je me verrai bien rédiger un essai sur le splatterpunk, ou bien faire un tour d'horizon des scènes punks et post-punk françaises. Je ne serai pas contre écrire des articles par contre...
Parle-nous de Dans les veines. Comment présenterais-tu ce roman à nos lecteurs ?
J’ai tenté de le penser comme un anti-Twilight, une tentative de revenir à l’essence mortifère et perverse du vampire. Mes créatures ne jouent pas les boules à facettes au soleil, et ils bouffent des junkies dans des squats miteux, sans états d’âme. Le bouquin suit des ados paumés et des vampires psychopathes qui évoluent dans un milieu underground bordelais. L'héroïne de 15 ans, Lily, a la mauvaise idée de tomber amoureuse d'un suceur de sang qui n'a rien d'un Edward (mis à part la gueule d'ange) et sa vie va basculer dans l'horreur la plus totale.
Après la parution de Dans les veines et de Vampires & Bayous quels sont tes projets ?
J'ai fini d'écrire mon second roman, qui reprend un personnage de Dans les veines mais peut se lire indépendamment. Ce sera un bouquin sur l'enfance, la perte de l'innocence, et le malaise dans les campagnes profondes.
J'ai aussi une nouvelle parue dans l'anthologie Sales Bêtes ! aux éditions des Artistes fous et je prépare une novella sur le vaudou pour les éditions du Chat noir.
Quelle musique pour accompagner ton roman ? Et pour l'essai ? Proposerais-tu une musique différente ? Si oui, laquelle ?
Pour le roman, si jamais il était adapté en film (l'espoir fait vivre, hein !), il faudrait une BO au synthé, bien planante, avec un peu de punk surexcité de temps en temps. Il y a deux chansons grave bandantes que je voudrais absolument voir figurer au générique, c’est Papillon, des Editors, et Direct Lines, d'Electronic Circus. Mais le morceau qui représente le mieux le roman et que je cite d'ailleurs dedans est Twentieth Century Vampires de Screaming Dead.
Pour l'essai, c'est évidemment le générique de True Blood, la chanson Bad Things, qu'il faut écouter. On peut aussi mettre le thème principal d'Entretien avec un vampire, ou un peu de Bauhaus pour coller à l'ambiance d'Âmes Perdues. Pourquoi pas de la musique cajun aussi ou du jazz...
Y-a-t-il une question que tu attends en interview et qui n'arrive jamais ? Si oui, laquelle ?
Non, pas d'attentes. C'est déjà surréaliste pour moi d'être interviewée, je n'ai pas encore l'habitude ! Je trouverais ça déplacé d'avoir des attentes alors que c'est déjà merveilleux que les gens veuillent en savoir plus sur ce que je fais...

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