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Imaginales 2018 : notre entretien avec Steven Erikson

Par Gillossen, le jeudi 6 septembre 2018 à 10:05:00

SEC'était l'un des grands moments du festival pour certains d'entre nous...
La rencontre et le présent entretien avec Steven Erikson, présent sur place cette année pour le retour du Livre des Martyrs en version française.
Alors que la sortie du tome 2 approche, il était temps de revenir dans le détail sur cette rencontre, dont nous vous proposerons également quelques extraits en vidéo sous peu ! Un grand merci à Steven Erikson pour sa disponibilité et sa gentillesse, ainsi qu'à l'organisation des Imaginales et bien sûr aux éditions Leha.
Étaient présents pour l'occasion : Guigz, Izareyael, Merwin Tonnel, Ser Garlan (la moitié du binôme "traduction" avec votre serviteur), Thom, ainsi que Mayliandra pour les photos !

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Retranscription et traduction : Saffron.

En français

Comment se passe votre week-end ? Passez-vous un bon moment au festival ?
Oui, c’est formidable, tout se passe très bien. Le temps est parfait, le cadre est magnifique, je passe un excellent moment.
Voilà qui fait plaisir à entendre ! J’ai entendu dire que ce festival en particulier était très différent des conventions américaines ou canadiennes.
Oui, ce genre de convention se passe souvent dans un hôtel. Ce festival-ci ressemble à d’autres auxquels j’ai pu participer à Parme ou à Lucques, en Italie, par exemple. C’est tellement plus agréable d’être en extérieur, plutôt que de se retrouver coincé dans une petite pièce bondée. Tout se passe bien.
Vous êtes en France depuis quelques jours déjà…
Oui, j’ai passé cinq jours à Paris.
Et vous avez déjà participé à quelques séances de dédicaces. Comme se sont-elles passées ?
Très bien. C’est la troisième tentative de publication de cette série en France. Je suis très satisfait de la nouvelle version.
Comme vous venez de le faire remarquer, Les Jardins de la lune est publié en France pour la troisième fois, dans une toute nouvelle traduction. Que diriez-vous aux lecteurs francophones qui pourraient hésiter à se lancer dans cette nouvelle aventure ?
Pour commencer, la série comporte dix livres, et elle est terminée. C’est un détail important ! L’objectif est d’en sortir un tous les six mois. Cela permettra aux lecteurs de ne pas perdre le rythme : ils n’auront pas à attendre un an avant de voir le livre suivant arriver, ils seront publiés tous les semestres. Je crois que les traducteurs en sont actuellement au tome 5 ou 6, ils sont donc largement en avance sur le planning. C’est une série dans laquelle vous pouvez investir sans craindre de ne pas voir la fin.
Avez-vous votre mot à dire concernant les éditions étrangères de vos livres, notamment au sujet de la traduction et de la couverture ?
Tout dépend du traducteur. Cette fois, je suis en contact avec eux ; s’ils ont des questions spécifiques à poser, je suis là pour y répondre. Mais la plupart du temps, je n’ai aucune interaction avec les traducteurs. Je suis ravi d’avoir pu échanger avec eux cette fois-ci. (En ce qui concerne la couverture), je n’ai aucun contrôle là-dessus – pas même pour les versions anglaises !
La couverture française par Marc Simonetti est donc une découverte pour vous ?
Oui, et elle est superbe. C’est une œuvre originale. J’ai vu une vidéo accélérée de sa conception du Facebook, c’était très sympa à regarder.
Quel effet cela fait-il de parler de livres que vous avez écrits il y a si longtemps ?
J’ai l’impression d’être dans un paradoxe temporel ! C’est effectivement un peu étrange. Cela dit, j’ai dû lire mes propres livres récemment, car je travaille actuellement sur une trilogie qui se passe dans le même univers. J’avais besoin de ça pour me remettre un bon nombre de détails en tête. J’ai donc dû relire mes propres romans, ce qui je n’ai pas l’habitude de faire.
Les adjectifs « épique » et « badass » sont ceux qui reviennent le plus souvent pour décrire Le Livre des Martyrs dans son ensemble. Cela vous semble-t-il approprié ou avez-vous d’autres termes à proposer ?
Non, je pense que c’est assez juste. L’inspiration vient à l’origine de L’Iliade, qui est bien sûr l’un des premiers poèmes épiques. Le terme me semble donc approprié. La série couvre un très vaste territoire et implique énormément de personnages. Chacune a sa propre histoire, son propre arc. « Épique » est une bonne description.
Que pensez-vous du terme « badass » utilisé pour décrire vos personnages ? C’est très à la mode, en ce moment !
Ah oui ?! « Badass », d’accord… De très nombreux personnages de la série sont basés sur des personnages avec lesquels le co-créateur du Livre des Martyrs, Cam, et moi-même avons fait du jeu de rôles. Nos campagnes de role-play ont servi de base aux livres. La raison pour laquelle les personnages arrivent avec toutes leurs capacités dans les livres est que nous avons joué avec eux pendant très longtemps. Du coup, c’est un peu comme s’ils étaient déjà au niveau maximum. J’imagine que c’est ce qui fait d’eux des « badass ».
L’aspect épique de votre œuvre est dû en partie à son échelle de temps très impressionnante, ainsi qu’à son univers très creusé. Pensez-vous que le gigantisme soit le seul moyen d’amplifier la narration et les enjeux d’une histoire ?
Je pense que, bien souvent, pour créer une atmosphère réaliste et apporter de l’authenticité à une histoire de fantasy, une échelle de temps conséquente est nécessaire. Cam et moi étant archéologues, cet aspect fait partie de notre travail. Quand on participe à des fouilles, on regarde le paysage et on remonte le temps. On essaie d’imaginer à quoi ressemblaient les lieux il y a mille ou dix mille ans. Nous avons simplement appliqué cela à notre monde de fantasy. Nous voulions lui donner un contexte très antique, tout en veillant à ce qu’il ne soit pas statique. Beaucoup de romans de fantasy sont culturellement statiques, avec un niveau technologique identique du début à la fin : le Seigneur des Ténèbres se réveille et finit par être vaincu, et à la trilogie suivante, le Seigneur des Ténèbres se réveille et finit par être vaincu. Dans mes romans, le temps passe et les choses changent. Prenez l’exemple des Jardins de la Lune : la technologie militaire connaît une transition importante, avec l’introduction de munitions pour faire face à la magie. Cette façon de faire la guerre glisse doucement vers un équivalent de la Première Guerre mondiale version fantasy. C’est une conséquence de la façon dont j’ai appris à écrire, à l’Université de Victoria et au Iowa Writers’ Workship, où j’écrivais des nouvelles. Je n’ai jamais vraiment appris à écrire un roman. Dans la pratique, mes romans ne sont que des nouvelles reliées les unes aux autres. Il m’est arrivé de décrire la série comme la nouvelle la plus longue du monde, avec ses 10 000 pages et ses trois millions de mots ! Mais c’est l’approche que j’ai de l’écriture : j’ai l’habitude de condenser ce que je veux dire en aussi peu de mots que possible. C’est une technique courante pour les nouvelles, mais je l’ai appliquée sur des centaines, puis sur des milliers de pages. La série a donc une complexité intrinsèque qui se prête bien à la relecture : les lecteurs peuvent y revenir et en tirer plus de choses à la seconde ou à la troisième lecture.
Cela a-t-il posé problème quand vous avez cherché à vous faire publier ? Les éditeurs ont pu avoir peur que le public ne soit pas au rendez-vous.
Oui ! Il aura fallu huit ans avant que le premier livre ne trouve un éditeur. Il a été refusé aux États-Unis par deux éditeurs très importants, qui le trouvaient trop compliqué pour le public américain. Au final, ce même public américain représente la majeure partie de mes lecteurs à l’heure actuelle. Mais nous avons dû leur forcer considérablement la main pour qu’ils acceptent de le publier. Ça a pris du temps.
Vous parlez au pluriel plutôt qu’au singulier car vous avez créé Le Livre des Martyrs avec votre ami Ian Cameron Esslemont. Comment gérez-vous la création en duo ?
Tout est parti du jeu de rôles. Nous nous sommes simplement réparti l’histoire : il a pris certaines parties et j’ai pris les autres. C’est comme ça que nous écrivons chaque roman. À l’occasion, on s’appelle si on ne parvient pas à se rappeler un détail précis, mais généralement, on s’en sort. Je ne lis pas ses livres avant qu’ils ne soient publiés, ce qui est très amusant ! Nous avons créé le monde ensemble mais nous écrivons indépendamment.
Est-ce que vous avez déjà fait des retcons (des modifications rétroactives de l'histoire) sur certains détails entre vos romans respectifs ?
Non, je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit en matière de retcon. La seule retcon que j'ai eue à faire est quand je me suis trompé de genre sur un personnage au sein de mes propres livres. Ça n'a rien à voir avec les écrits de Cam.
Vous avez récemment créé une page Facebook et un compte Twitter, alors que vous étiez jusqu’à présent très discret en ligne. Est-ce un choix personnel visant à vous rapprocher de vos lecteurs ou une obligation professionnelle à laquelle vous ne pouvez plus échapper à l’heure actuelle ?
Je dirais que c’était un choix personnel. Je pense que, s’ils le souhaitent, les auteurs peuvent conserver une certaine distance. Le choix leur appartient entièrement. Je venais de terminer un roman de premier contact, une histoire de science fiction, à paraître en octobre chez un éditeur différent. Je me suis dit que je ferais mieux d’engager un attaché de presse pour en faire la promotion, et l’attaché de presse en question a ensuite créé la page Facebook et le compte Twitter. Le fait que ce soit arrivé maintenant plutôt qu’à un autre moment est donc une conséquence logique. Mais pour moi, et pour de nombreux autres auteurs, les réseaux sociaux peuvent rapidement devenir une perte de temps. Je préfère écrire que me perdre là-dessus.
Vous avez fait une pause dans l’écriture de Walk in Shadow, le dernier volume de la Trilogie Kharkanas, car les deux premiers tomes n’ont pas trouvé leur public. Pouvez-vous confirmer que Walk in Shadow sera bien publié un jour ?
Oui, il le sera. Je pense que c’était un problème de lassitude de la part des lecteurs, dû au fait qu’il ne s’est pas écoulé très longtemps entre la fin des dix tomes et le premier livre de la Trilogie Kharkanas. J’ai dû prendre quelque chose comme quinze jours de vacances. J’aurais dû attendre une bonne année, je pense, histoire que les choses se tassent. J’ai appris que les ventes n’étaient pas bonne pour Forge of Darkness et Fall of Light, et ça m’a un peu coupé dans mon élan. Pour écrire une trilogie, il faut beaucoup d’énergie, beaucoup de confiance en soi et de détermination, pour que le résultat soit satisfaisant pour les lecteurs. Si j’ai perdu la flamme, ce ne sera pas le cas. J’ai donc préféré mettre cette série de côté, attaquer la Trilogie de Karsa Orlong et voir comment les choses se décantaient.
Vous travaillez actuellement sur le premier tome de la Trilogie de Karsa Orlong, The God Is Not Willing. Que pouvez-vous nous en dire ?
Pour commencer cette nouvelle série, j’ai dû relire Toll the Hounds (à venir sous le titre La Rançon des molosses), le huitième livre de la série, car je voulais reprendre là où j’avais abandonné Karsa, à Darujhistan, la ville des Jardins de la Lune. Ça m’a permis de me remettre en mémoire certains des personnages que j’avais abandonnés à Darujhistan. J’en suis à trois ou quatre chapitres, et c’est un vrai plaisir. Le style est beaucoup plus léger, plus proche des trois premiers tomes du Livre des Martyrs que de Forge of Darkness, par exemple. C’est un retour au style d’origine.
Il me semble que Toll The Hounds était un livre très personnel pour vous. Vous a-t-il été difficile de le relire ?
Effectivement. C’est curieux à dire, mais c’était intimidant, car je ne sais pas si je suis aussi bon écrivain aujourd’hui que je l’étais à l’époque.
Walk in Shadow et la Trilogie de Korsa Orlong sont les derniers livres prévus dans la série du Livre des Martyrs. Allez-vous vous arrêter là ou avez-vous d’autres surprises en stock ?
Il me reste trois novellas sur Bauchelain et Korbal Broach à écrire, pour lesquells je suis sous contrat. Mais après ça, je pense que ce sera terminé. Comme vous le savez, Ian Esslemont – Cam – écrit Path To Ascendency, qui raconte les origines de l’Empire malazéen. Pour moi, c’est un vrai bonheur à lire, parce que c’est ce que nous avons créé lors de nos jeux de rôles.
Netflix et Amazon semblent décidés à investir dans la littérature de genre et chaque semaine apporte son lot de nouvelles annonces d’adaptations. Avez-vous des informations à ce sujet concernant Le Livre des Martyrs ?
Non. Il y a quelques années, nous sommes passés tout près avec un très gros producteur, le groupe Weinstein. On peut dire que nous l’avons échappée belle ! (rires) J’ai entendu dire récemment que Netflix Canada investissait énormément (quelque chose comme 60 millions) dans des productions et du contenu canadiens, donc nous sommes davantage tournés dans cette direction à l’heure actuelle.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain roman, Rejoice - A Knife to the Heart ?
C’est un exercice de réflexion. Je me suis demandé ce qui se passerait en cas de premier contact, puis j’ai dû définir quelle forme il prendrait. J’ai lu approximativement tous les romans de premier contact écrits en anglais, et la plupart m’ont laissé sur ma faim. Ils se finissent tous là où, pour moi, l’histoire commence vraiment. Un contact extraterrestre nous précipiterait dans une crise existentielle inédite, et c’est cela qui m’intéresse. L’important n’est pas les aliens, mais les êtres humains. J’ai donc conçu un scénario où on ne rencontre pas les aliens ; ils ne prennent pas contact avec un gouvernement quelconque, mais ils ont un impact sur la planète. Je me suis ensuite concentré sur la race humaine. On peut dire que c’est un livre inhabituel.
Écrivez-vous de la science fiction de la même façon que vous écrivez de la fantasy ? Est-ce le même exercice intellectuel ?
De ce point de vue, peut-être. Je suis inspiré par les mêmes choses, il ne me reste qu’à les transposer dans un format différent. À mes yeux, il n’y a rien de plus simple que d’écrire de la fiction mimétique, qui se passe dans cet univers – et il n’y a rien de plus difficile que d’écrire de la fantasy. Je suis toujours surpris d’entendre des auteurs de littérature blanche critiquer la fantasy. Je mets n’importe lequel d’entre eux au défi d’écrire un roman de fantasy, et ils comprendront que c’est infiniment plus difficile que d’écrire de la fiction contemporaine.
Avez-vous le sentiment que certains thèmes sont plus faciles à aborder dans un genre que dans l’autre ?
En fantasy, on peut transformer une métaphore en réalité. C’est le seul genre qui permette vraiment cet exercice. En science fiction ou en fiction mimétique, les thèmes avec lesquels on peut travailler sont assez limités. Pour moi, l’écriture était parfaitement naturelle. Écrire un roman de fiction mimétique était un tel soulagement après tous ces romans de fantasy !
Votre premier roman de science fiction était un pastiche de Star Trek, avec un capitaine fier et sexiste dans le style d’Harry Flashman ou Sterling Archer. Récemment, un épisode de Black Mirror, “USS Callister”, a également pointé du doigt la masculinité toxique de notre culture. Était-ce un ressort comique ou une vraie critique sociale de votre part ?
Oh oui, c’est une satire. L’objectif n’est pas de critiquer la sensibilité des années 60, bien que cela ait inspiré le personnage principal ; je voulais critiquer la sensibilité moderne. J’ai simplement utilisé les années 60 pour mettre en avant certains de ces aspects. Je pense que l’on peut arguer que le thème de Black Mirror n’est pas la toxicité masculine, mais plutôt un auto-isolement pathétique et tragique. Le personnage principal est le plus tragique de toute la série. Comme il est incapable de communiquer avec les gens dans le monde réel, il crée un monde fictif. Il exprime effectivement la philosophie masculine des années 60, et pourtant, tous les personnages de ce monde sont pour ainsi dire asexués. Ils n’ont aucun moyen d’assouvir leur sexualité. Je me dis parfois que parler de toxicité masculine dans cet épisode, c’est passer à côté du véritable sujet – mais c’est une autre histoire !
Cet épisode traite également du fandom. Votre propre fanbase vous effraie-t-elle ?
Pas du tout ! Je suis plus en lien avec ma fanbase que jamais grâce à la page Facebook. Je suis d’ailleurs très impressionné par l’excellent niveau de conversation sur la page. Je ne crains pas les fans, je leur suis très reconnaissant !
En parlant de fandom, lorsque cette nouvelle édition a commencé à faire parler d’elle en France, l’une des premières questions qui a surgi était « Qu’en est-il des personnages féminins dans cette histoire de fantasy épique ? » La réponse est qu’il y a un grand nombre de personnages féminins dans cette histoire. Cela semble normal aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas au moment de l’écriture.
Je ne sais pas… Est-ce si normal aujourd’hui ? De très nombreux clichés culturels sont transposés de notre monde à un monde de fantasy. Lorsque l’on créé un univers de fantasy médiéval et euro-centrique, la patriarchie vient bien souvent avec. Le monde malazéen a été pensé dès l’origine comme un monde sans sexisme. Il n’y a aucun terme sexiste dans toute la série. Nous nous sommes demandé ce qui se passerait si la magie était égalitaire plutôt que basée sur un genre, puis comment la culture et la civilisation évolueraient dans ce cas. La réponse est qu’il n’y aurait pas de hiérarchie genrée en place, car le pouvoir ne pourrait pas être l’apanage d’un seul genre. Si cela n’existe pas, personne n’en parle, car il ne viendrait à l’idée de personne de rejeter un sexe ou l’autre. C’est comme ça qu’on obtient un monde sans sexisme.
Génial !
Je suis bien d’accord !
Notre interview touche à sa fin. Avez-vous quelques mots de conclusion pour les lecteurs français qui sont maintenant résolus à lire vos livres ?
(rires) Au début de la série, plusieurs tomes sont davantage des tragédies avec des éléments fantasy que de la fantasy avec des éléments tragiques. Au fur et à mesure que l’on s’approche de la conclusion, le lecteur s’attend donc à ce que les choses deviennent sombres, tristes et nihilistes. Je vous promets que ce n’est pas le cas ! Je n’en dirai pas plus.
  1. En français
  2. En anglais

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