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Gudule en interview, enfin !

Par Alana chantelune, le jeudi 12 février 2009 à 13:34:28

GuduleUne interview de Gudule, mais pourquoi enfin ? Tout simplement car cette interview a eu le mauvais sort contre elle depuis sa réalisation lors du salon du livre de Paris de l'année dernière (2008 donc). Entre les virus, les problèmes de communication et les adresses mail fantômes, on peut dire qu'elle revient de loin. Une seule chose à faire donc, vous laissez conduire en compagnie d'Alana Chantelune au salon VIP et écoutez ce que Gudule a à vous révéler !

C’est avec beaucoup de gentillesse que Anne Dugüel, alias Gudule, m’a suivie au salon VIP (hélas très encombré) et a mis la main sur un canapé qui venait d’être libéré. Enfant des années 70 (Mai 68 doit y être pour beaucoup), elle tient à tutoyer tout le monde, ce que je n’ai pas osé lui rendre, mais elle n’en a pas pris ombrage : la différence de génération, elle connaît !
Chaleureuse, charmante, sa personnalité enthousiaste m’a permis de passer un moment extrêmement agréable, et je l’en remercie !

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Nos questions, ses réponses !

Quel est votre sentiment sur ce salon du livre 2008 ?
Je le trouve un peu vide. Moi qui n'aime pas la foule, je n'y viens plus depuis des années parce qu'il y a trop de monde, et là, j'ai été heureusement surprise. Enfin, c'est mon avis personnel, mais les libraires et éditeurs ne doivent pas dire la même chose, et déplorer que ce soit assez vide par rapport aux autres années !
Votre pseudonyme, Gudule, est-il utilisé pour un type de récit particulier ?
Non, c'est plus mon surnom que mon pseudonyme, en fait. Il y a quarante ans que tout le monde m'appelle comme ça, mes enfants, petits-enfants, mes voisins, et même mon banquier. Le facteur est tout étonné quand je reçois du courrier à mon véritable nom : il ne sait pas de qui il s'agit !
J'ai commencé par faire de la radio, du scénario, du journalisme sous le nom de Gudule, puis j'ai publié mon premier roman pour adultes, chez Denoël, sous ce nom. C'est à la demande Jacques Chambon, le directeur de Présence du Futur, que j'ai pris un « vrai » nom. Il considérait que c'était plus vendeur.
D'où vous vient ce nom ?
Sainte Gudule est la patronne de Bruxelles, où je suis née. J'ai toujours trouvé qu'elle avait un nom très rigolo, cette sainte. Du coup, j'ai appelé mon poisson rouge comme ça, puis mon chat... Et je suis moi-même devenue « Gudule » à la suite d'un gag. Au début des années soixante-dix, j'avais fait pour le dessinateur Carali, avec lequel j'étais mariée à l'époque, un scénario d'une BD en forme de comptine. Toutes les rimes étaient en « ule » (mais pas de mots grossiers, attention !) et j'ai signé « Gudule » pour rester dans le ton. Cette BD est parue dans L'Écho des Savanes et, comme par magie, à partir de ce moment-là, tout le monde m'a appelée comme ça !
C'est orignal, et les enfants accrochent...
Ah oui ! Je me suis toujours dit, d'ailleurs, que c'était une erreur tactique d'avoir un nom compliqué, lorsqu'on écrit pour les enfants. En général, ils retiennent les titres des livres, mais pas le nom des auteurs -- sauf le mien. Gudule, ils s'en souviennent même adultes. Ça a fidélisé mon lectorat. Ceux qui, enfants, ont aimé mes livres pour la jeunesse, continuent à me lire !
J'en suis la preuve ! Y a-t-il une différence à écrire pour les enfants et pour les adultes ?
En réalité, non, j'écris de la même manière. On me dit souvent que mes livres pour adultes sont écrits comme des livres pour enfants. Mes héros, d'ailleurs, sont souvent très jeunes, et comme j'écris beaucoup à la 1ère personne, la « voix » de mes livres, même pour adultes, est enfantine. Dans le domaine du fantastique et de l'horreur, ça donne une résonance particulière au roman. Ça le rend encore plus effroyable...
Et au niveau des thèmes ?
Je pense qu'on peut traiter des mêmes thèmes en jeunesse et en adulte, mais tout dépend de la manière de les présenter, de la façon dont on s'appesantit sur tel ou tel événement, du point de vue qu'on utilise. Mais tout cela n'est pas clairement réfléchi, ça se fait tout seul en cours d'écriture. Selon le lectorat auquel je m'adresse, ces critères se mettent en place d'eux-mêmes. C'est une question d'habitude.
Quand vous écrivez pour les enfants, vous pensez à l'avance à la tranche d'âge que cela concernera, s'il faut adapter, etc. ?
De nouveau cela se fait tout seul. En fait je fais appel à la petite fille que j'ai été.... Quand j'écris un bouquin pour les 8-10 ans, j'ai moi-même 8-10 ans, et je trouve automatiquement la bonne manière de m'adresser à eux. Ça a l'air un peu confus, comme ça, et c'est assez difficile à expliquer. Quand une idée me vient, l'âge de ses futurs lecteurs est déterminé par l'âge que j'ai envie d'avoir en racontant cela. J'essaye toujours d'être le plus sincère possible. De ne surtout pas être l'auteur adulte qui s'adresse avec condescendance à des enfants, mais de redevenir moi-même enfant, pour leur parler d'égal à égal. Je ne sais pas si vous comprenez bien ce que je veux dire...
La littérature pour enfant a-t-elle des exigences particulières, au niveau des thèmes abordés, du langage ?
Chaque éditeur a ses propres exigences, ses propres limites. Il est évident qu'on a plus de liberté, au niveau du langage et des thèmes abordés, chez un éditeur libertaire que chez un éditeur catho, par exemple. Quoique j'écrive assez peu pour les éditeurs cathos.... Mes livres ne sont pas politiquement corrects. J'aborde des thèmes qui dérangent -- pour ados, principalement : le suicide, la sexualité, le paraître, la société du spectacle... Dans les albums ou les romans pour plus petits, il y a des pets, du caca, de l'impertinence, des gros mots... Résultats, les neuf dixièmes de mes livres ont commencé par m'être refusés par les éditeurs auxquels je les destinais, parce qu'ils leur faisaient peur. Les gamins adorent mais les adultes non. Les parents, les éditeurs, les enseignants m'ont souvent reproché d'être sur le fil du rasoir. Et pourtant, paradoxalement, plusieurs de mes livres sont prescrits par l'Éducation nationale...
Votre dernier livre, Le Club des petites filles mortes est paru chez Bragelonne, quelle est son histoire ?
J'ai une relation fabuleuse avec Bragelonne : je les connais depuis l'époque d' Ozone -- un fanzine qui remonte à une bonne quinzaine d'années, peut-être plus, et auquel a succédé SF Mag. On a toujours bien rigolé ensemble. Quand ils ont créé leur maison d'édition, elle n'était pas pour moi parce que je ne suis pas auteur de Fantasy, (sauf de la Fantasy parodique, mais ça ne compte pas). Alain Névant et Stéphane Marsan m'avaient toujours dit : Si un jour on publie de l'horreur, on te ressortira tous les livres que tu as publiés ailleurs... Et ils ont créé la collection L'Ombre. Une fois cette collection bien installée, on s'est dit qu'on pouvait y aller. La quasi-totalité de mes livres pour adultes, parus essentiellement dans la collections Frayeur, au Fleuve Noir, et chez Denoël, en Présence du fantastique, vont être publiés en 2 tomes de 8 romans chacun, avec quand même quelques inédits. Il y a un inédit, écrit spécialement pour l'occasion, dans le premier, Le Club des petites filles mortes, et deux dans le second, Les filles mortes se ramassent au scalpel qui sortira en mars 2009, pour le salon du livre.
Quel est votre sentiment sur l'explosion du secteur de la littérature jeunesse de ces dernières années ?
Je reste très perplexe. Il est évident que, en tant qu'auteur, j'ai intérêt à ce que le marché explose. Plus les livres sortiront et plus je publierai. Mais je pense que ça va mal finir, parce qu'il y aura saturation. De nombreux éditeurs qui n'avaient rien à voir avec la jeunesse veulent prendre le train en marche parce que c'est lucratif. Résultat : il y a une surproduction et, à un moment ou l'autre, cela va finir par se casser la gueule. J'ai connu le même phénomène avec la BD, dans le courant des années soixante-dix. De nouveaux magazines et de nouveaux éditeurs naissaient toutes les semaines. Le public a été saturé et le marché s'est effondré. J'ai peur qu'un de ces quatre, ce soit la même chose pour la littérature jeunesse.
Ceci dit, l'émergence de livres comme Harry Potter est un phénomène assez fascinant. Je trouve cela fabuleux que des livres de cette qualité provoquent un tel engouement chez les gamins (et les adultes, d'ailleurs). Le problème, c'est qu'à la suite de ça, tous les éditeurs -- qui manquent singulièrement d'imagination et cherchent en permanence des « recettes » pour mieux vendre -- veulent que leurs auteurs fassent du HP. Et ça, c'est pathétique. On crée une uniformisation de la littérature, alors que sa richesse, c'est justement sa variété !
Même question que précédemment, mais sur la Fantasy : quel est votre sentiment sur l'explosion actuelle du phénomène ?
Je pense que ce n'est pas un hasard : dans le marasme actuel, les lecteurs ont besoin de fantaisie et de rêve, de s'évader hors du temps et de la réalité. Bon, maintenant, je déplore (mais c'est personnel) la déferlante de livres anglo-saxons au détriment des créations locales. On dit que les auteurs français ne savent pas écrire de la Fantasy, c'est faux. Il y a d'excellents auteurs français, mais la plupart d'entre eux ne trouvent pas d'éditeurs. On ne leur donne pas leur chance. Et je précise que je ne parle pas de Bragelonne, pourtant gros importateur de traductions anglo-saxonnes, parce que, eux, je les aime ! (rire)
Quelle est la place des contes de fées pour vous et dans votre œuvre ?
Je n'écris pas de Fantasy, mais en revanche, j'écris des contes. Beaucoup ! J'adore ça ! C'est un plaisir d'écriture comparable à celui de la nouvelle : dire un maximum de choses en un minimum de mots, sans pour autant frustrer le lecteur. En lui donnant une vraie matière à rêver... L'écriture qui respecte l'identité des contes est fabuleuse. On n'écrit pas un conte comme un roman ; il y a un ton, une manière d'utiliser les mots, quelque chose d'un peu désuet, de magique, dans la manière d'amener l'intrigue. Il faut emporter le lecteur dans des univers à la fois fantastiques, poétiques, symboliques, peuplés d'être étranges et merveilleux. Et contrairement à la nouvelle qui n'est pas appréciée par le public français -- les recueils de nouvelles se vendent très mal, tous les éditeurs sont d'accord sur ce point -- , le conte, grâce à son alibi culturel (la mémoire des sociétés), marche très bien. Du coup, les parents, professeurs, prescripteurs, tout le monde se précipite dessus. Et, par conséquent, tout le monde publie ! Je peux proposer un bouquin de contes à n'importe quel éditeur, il prend. J'écris des nouvelles, personne n'en veut. C'est mathématique.
Lorsque vous écrivez, vous avez un chapitrage précis ou vous vous laisser complètement aller ? Comment travaillez-vous ? Avez-vous une structure ?
En général, oui. Une structure béton. Si j'écris un polar, par exemple, ou un fantastique, je suis extrêmement rigoureuse dans ma construction. En revanche, l'un de mes derniers romans, intitulé Paradis perdu, (à paraître fin 2009 aux éditions MicMac), est une espèce de road-movie posthume entre l'Olympe et le paradis chrétien. Et là, pour une fois, je me suis laissée porter au fil de la plume, comme on dit. Je me suis promenée avec mon héroïne -- une sexagénaire fraîchement décédée -- dans ces univers d'après la vie, j'ai fait se rencontrer des personnages qui en amenaient d'autres, et encore d'autres. Je me suis totalement laissée embobiner par le récit, alors que d'habitude je maîtrise tout. C'était très amusant, et reposant comme manière d'écrire.
Vous avez une organisation particulière de votre journée de travail lorsque vous écrivez ?
Oui, je me réveille vers 4h du matin, et je travaille non-stop jusque vers 3 ou 4 heures de l'après-midi. Après je promène ma chienne, je fais de la vaisselle, tout ça... J'aime travailler la nuit, mais après quelques heures de sommeil histoire d'avoir la cervelle fraîche. (Ça tombe bien, je suis insomniaque !). Il n'y a pas de bruit, aucune présence, sauf celle du chat qui vient s'installer près de moi, sur mon bureau. Et là, j'écris parfaitement. Au fur et à mesure que la journée avance, je suis moins productive, je sens que la fatigue me travaille. L'après-midi, en général, je ne suis plus bonne à rien... qu'à vivre, tout simplement !
Quelle place occupe Internet pour vous ?
Je m'en sers beaucoup : je suis sans cesse sur Google à la recherche d'informations. J'ai mis du temps à m'y mettre car je ne suis pas de la génération Internet, mais pouvoir communiquer avec les éditeurs, recevoir des maquettes de couverture en avance, envoyer un manuscrit d'un simple clic, c'est fabuleux ! Pour moi, le Net, c'est je crois la seule chose dont je ne pourrais plus me passer. Mais essentiellement au niveau de l'information. Dans le temps, quand j'avais besoin d'un renseignement, je cherchais dans les bibliothèques, je téléphonais aux copains écrivains, je perdais un temps fou, maintenant je vais sur Google, c'est instantané. Par contre, je ne joue pas aux jeux en réseaux, ce n'est pas pour moi.
Les Filles mortes se ramassent au scalpelQuels sont vos projets pour cette année ?
Déjà, la sortie de Les filles mortes se ramassent au scalpel et Paradis perdu, mes deux livres pour adultes de l'année. Puis un roman effroyable, sous forme de témoignages, que je viens de proposer aux éditions Bragelone, et qui s'intitule Le petit jardin des fées. Mais ça, je ne sais pas encore s'il sera pris. Côté jeunesse, Milan vient de me sortir Petits contes amoureux, illustrés par Samuel Ribeyron, que je trouve absolument ravissant, et Nathan Les contes, la vérité vraie, une déconstruction humoristique des contes de Perrault, avec des dessins fendards de Jacques Azam. J'ai également quelques romans jeunesse à paraître, un recueil de contes (encore !) intitulé La fiancée du singe, aux éditions Hachette, et la novélisation de La véritable histoire du chat botté, un film d'animation de Jérôme Deschamps, chez Bayard.
Quelques dernières questions : Comment travaillez-vous avec les illustrateurs ? Avez-vous votre mot à dire ?
Très rarement, mais parfois, ça arrive et c'est absolument magique. Comme pour Le Club des Petites Filles Mortes, par exemple, où David Oghia, de D.A. de Bragelonne, m'a tenue au courant de toutes les étapes de recherche de couverture. Pour la Ménopause des Fées, j'ai eu une grande chance : ma proposition de demander à Jean Solé (qui est un vieil ami, et a un univers fantasmatique très proche du mien) a été acceptée sans hésitation. Mais la plupart du temps, les éditeurs ont leur staff d'illustrateurs, et on ne nous montre les projets de couvertures que si on les réclame à corps et à cris. Et qu'on les aime ou pas, c'est le même prix !
Comment faites-vous pour travailler avec autant d'éditeurs différents ?
Comme je travaille beaucoup, et dans des genres très différents, je sais toujours plus ou moins à qui je destine mes livres -- ce qui ne veut pas dire qu'on me les prend toujours. Mais s'ils sont refusés, je m'adresse à quelqu'un d'autre. C'est l'avantage d'avoir plein d'éditeurs ! (rires). Je travaille peu sur commande, sauf si le projet me séduit vraiment (comme la novélisation du Chat Botté, par exemple). Dans le temps, je prenais tout ce qui se présentait, mais maintenant, je peux me permettre de ne faire que ce que j'ai envie de faire. C'est l'avantage d'être une vieille routarde du métier !
Merci beaucoup !

Interview réalisée par Alana Chantelune


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