Le Pharaon

ISBN : 978-284172796-4
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Prus, Boleslaw

En ce XIe siècle avant notre ère, le quatrième fils du pharaon Ramsès XII reçoit en héritage la promesse du trône de Haute et Basse-Égypte. Humbles et puissants se réjouissent : ce jeune homme de vingt-deux ans est « robuste comme le bœuf Apis, courageux comme un lion et sage comme les prêtres eux-mêmes ».
Lourde charge toutefois pour ce fougueux chef de guerre que l’avenir d’un empire en déclin, menacé sur ses frontières, dont les richesses sont canalisées au profit du Temple et qui sécrète ses propres venins dans les coulisses du pouvoir.
Malgré l’aide de ses fidèles amis — Tutmosis, son cousin ; Patrocle, le chef des armées ; Hiram, le banquier phénicien et Penture, son guide spirituel —, celui qui fait désormais figure de réformateur sera bien souvent déchiré entre la volonté et les affaires de l’État.

Critique

Par Tatiatalante, le 25/04/2017

Le Pharaon est un roman de Boleslaw Prus, de son vrai nom Aleksander Glowacki, publié en France en 1990 par les éditions Atalante. Il a été  réédité en février par la même maison dans la collection Les classiques de l’imaginaire. Sorti en 1897, il a notamment été adapté au cinéma sous la forme d’un péplum polonais (Le Pharaon réalisé par Jerzy Kawalerowicz et sorti en 1966).
Le roman nous raconte l’accession au trône du jeune Ramsès XIII, prince ambitieux et réformateur. Pressé de diriger et de redonner au titre de pharaon plus qu’un pouvoir symbolique, il se heurte assez vite au clergé d’Amon qui détient et régit toute la richesse du pays, et notamment la bourse du-dit Pharaon… C’est ainsi que la danse entre les deux clans, les fidèles du Pharaon (la noblesse et les banquiers) et la classe de prêtres, commence. Un jeu complexe politique fait de rapprochements et d’éloignements s’opère tout au long du récit créant un nœud d’intrigues, de ressentiments et de doutes. Le peuple, spectateur et manipulé, suit le changement de rythme sans plus se poser de questions.
Le  pharaon est un roman historique à tout point de vue : retranscription des us et coutumes de l’Égypte du XIème siècle avant Jésus-Christ, description de la religion, de l’histoire du pays, etc. Sauf en ce qui concerne les deux pharaons, produits de l’imagination de l’auteur. La lignée des ramessides s’étant éteinte avec Ramsès XI dans la réalité historique.
Ramsès XIII, notre protagoniste, est un jeune homme impétueux et généreux mais aussi arrogant. Ramsès XII, du point de vue de son fils, pharaon dévot qui laisse toute latitude au clergé. L’auteur ne nous décrit pas un prince manichéen, aux grands idéaux et parfait à tout point de vue, au contraire le prince malgré de bonnes intentions (améliorer le sort du peuple) est inconstant, irréfléchi quand cela concerne le clergé, orgueilleux, et de par son obsession de retrouver la grandeur des temps anciens, il met en péril l’équilibre fragile des forces du pays. Son adversaire, le clergé et ses représentants (Herhor, Mephres) est retors et corruptible mais accueille aussi en son sein des prêtres avisés et sages (Pentuer). Il représente l’âme de l’Egypte ce que Ramsès XII n’arrivera pas à prendre en compte dans ses machinations. Viennent se mêler à l’intrigue des forces étrangères, notamment les banquiers phéniciens, obséquieux, manipulateurs et méprisés par la population, et quelques belles jeunes femmes…
Plus qu’un roman historique et d’aventures, l’auteur mène ici une réflexion sur les mécanismes du pouvoir de l’État et la lutte perpétuelle entre les représentants spirituels, économiques et militaires, qui n’hésitent pas à instrumentaliser le peuple. Le royaume d’Égypte mis en péril par ses royaumes vassaux faisant écho à la situation du pays de l’auteur, la Pologne, en cette fin du XIXe siècle. Le cadre qui illustre son propos est tout à fait judicieux, une Égypte antique à l’aura mystérieuse et fascinante (encore plus pour les lecteurs polonais de l’époque) ne peut que happer le lecteur dans les démêlés d’un prince attachant malgré toute son ambivalence et son caractère un peu lunatique.Le seul bémol que le lecteur contemporain pourrait trouver à ce livre est sa structure (roman d’aventure typique du XIXe siècle) et la narration. L’auteur ne s’attache pas à s’attarder à décrire les émotions des protagonistes. Ils servent son propos en incarnant des archétypes aux motivations et aspirations complexes.
Un rythme soutenu où à chaque chapitre tout peut basculer, un écheveau d’intrigues et de rebondissements feuilletonesques (un trésor caché, une révolte, un sosie, une arriviste caractérielle etc.), un cadre historique qui fascine depuis des millénaires et une finesse dans la vision de l’univers avec plusieurs niveaux de lecture, voilà les clés qui font qu’un roman rentre dans la grande famille des classiques à lire.

8.0/10

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