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H.P. Lovecraft et le jeu vidéo

ISBN : 978-237697104-7
Catégorie : Roman connexe
Auteur/Autrice : Gómez Gurpegui, Carlos

Howard Phillips Lovecraft est sans conteste l’un des auteurs fantastiques les plus influents du XXe siècle. La monstrueuse cosmologie qu’il a imaginée et le climat particulier de ses écrits ont influencé nombre de créateurs dans tous les domaines artistiques. Depuis sa genèse, le monde du jeu vidéo n’a eu de cesse de mettre en scène cet univers riche et angoissant.
80 ans après sa mort, sa vision unique se retrouve dans de multiples œuvres vidéoludiques : Alone in The Dark, Call of Cthulhu, Bloodborne… Sans oublier les jeux de société et les jeux de rôle dédiés aux Grands Anciens et leur progéniture.

Critique

Par Gilthanas, le 09/06/2021

Lovecraft est décidément omniprésent dans le paysage littéraire actuel. On ne compte plus les ouvrages qui traitent de l’auteur de Providence, et ce n’était qu’une question de temps avant que le jeu vidéo entre aussi dans la danse.
L’auteur espagnol commence par nous raconter sa découverte de Lovecraft, et enchaine ensuite sur une étude plus générale de l’œuvre de l’auteur américain. On y aborde le rôle crucial (bien que clivant) d’Auguste Derleth qui a, de notoriété publique, contribué à forger la « légende noire » qui a entouré la vie de Lovecraft de nombreuses années, jusqu’au travail de S.T Joshi, salué par l’auteur. On s’arrête aussi sur les influences littéraires de Lovecraft (Poe, Dunsany, Arthur Machen entre autres) et sur le cycle onirique, encore trop méconnu du grand public. 
Cela permet de mettre en exergue la place de l’horreur cosmique dans l’œuvre de Lovecraft, qui occulte le plus souvent le reste des textes. Cette horreur cosmique, que l’on peut définir comme la prise de conscience par l’homme de son insignifiance dans l’univers au regard de ce qui le peuple (ou l’a peuplé), est une attaque directe aux lois universelles connues de l’homme, qui détruit l’ordre établi par lui et le mène aux portes de la folie. Cette mise en avant de peuples cosmiques trouve en partie sa source dans la passion de Lovecraft pour l’astronomie.
Ce rejet de l’anthropomorphisme, et l’«insignifiance » des personnages de Lovecraft, qui « ne sont là que pour percevoir » (dixit Houellebecq), sont le cœur des mythes de Cthulhu. L’auteur met d’ailleurs en avant que la vision des mythes prédominantes est celle de Derleth. Il vient polluer le matériau originel par l’introduction d’éléments bibliques, manichéens. Les fameuses collaborations à quatre mains Lovecraft/Derleth, qui sont l’œuvre exclusive de Derleth, contribuent fortement à donner à Lovecraft une réputation d’auteur médiocre. C’est cette vision derlethienne qui est encore dominante aujourd’hui chez le grand public, notamment à travers les médias culturels que sont le jeu de rôle et le jeu vidéo. On y retrouve des dieux, bons ou mauvais, qui influent sur le destin des hommes. C’est là la grande différence avec la terreur lovecraftienne, qui nous explique que l’humanité n’est pas au centre de l’univers. L’ethnocentrisme et la religion ne sont rien. Pour les dieux vraiment « lovecraftiens », l’homme n’a aucune valeur. Aucune.
Mais comment transférer cette philosophie au monde ludique ?
Il est impossible de résister dans la littérature de Lovecraft, tandis que celle de Derleth est remplie de combats et de magie. Cette vision est au cœur du jeu de rôle « L’Appel de Cthulhu » de Sandy Petersen (notamment à travers la SAN, santé mentale que l’on peut regagner en combattant), qui a inspiré de nombreux jeux vidéo.C’est seulement page 211 que l’on se penche vraiment sur le jeu vidéo, en parlant du premier inspiré de Lovecraft : « The Lurking Horror » en 1987. Mais le plus souvent, un jeu est dit « lovecraftien » simplement en faisant du « namedropping » et en instaurant un certain esthétisme. On a aussi de constants rappels aux mécaniques du JDR. Il faut attendre 1992, et « Alone in the Dark », pour voir un jeu vraiment lovecraftien dans son ambiance et dans ses mécaniques (bien que n’utilisant pas les noms du Mythe).
S’en suivent ensuite une série de noms de jeux sur différents supports (The Shadow of the Comet, Bloodborne, etc.) pour qui les liens avec Lovecraft semblent parfois ténus, surtout si on n’a pas joué aux jeux en question. On notera d’ailleurs une mise à jour à la fin de l’ouvrage pour intégrer les sorties récentes que sont Call of Cthulhu ou The Sinking City.
En fin de compte, le titre « Lovecraft et le jeu vidéo » trompera certains lecteurs, car la part consacrée au jeu vidéo demeure ténue. Il pourra constituer un bon premier aperçu pour quiconque souhaite connaitre l’homme derrière le mythe, avant de peut-être se lancer dans la somme colossale de S.T Joshi « Je suis Providence ». Les habitués y verront une agréable piqûre de rappel, mais n’apprendront rien de nouveau. Un positionnement qui fait qu’il est difficile de conseiller cet ouvrage à qui connait un peu Lovecraft. Et la partie jeu vidéo ne justifiera pas à elle seule l’achat de l’ouvrage.
A réserver donc à ceux qui souhaitent découvrir Lovecraft et qui n’auraient pas la chance, ou le temps, de mettre la main sur la très bonne monographie « Lovecraft : au cœur du cauchemar » de chez Actu SF.

 

6.0/10

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