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Ursula Le Guin a-t-elle changé le cours de la SFF ?
Par Drim, le jeudi 24 novembre 2011 à 14:57:10
Nous en parlions le mois dernier...
Ursula K. Le Guin a été récemment à l'honneur du Center for Fiction de New York. Et l'un des panels qui se sont tenus alors à l'occasion de cette manifestation se retrouve résumé dans l'article ci-dessous, s'interrogeant principalement sur la place de l'auteur dans le paysage de la Fantasy et de la Science-Fiction.
Bien entendu, vous pouvez exprimer votre propre avis sur la question en forum !
Le billet
Seul un alien originaire d’une dimension dans laquelle la créativité n’existe pas et ayant subi un lavage de cerveau, pourrait ne pas savoir qu’Ursula K. Le Guin est un écrivain génialement prolifique. Mais a-t-elle littéralement transformé à la fois les champs de la science-fiction et de la fantasy pour toujours ? Hier soir, au Centre de la Fiction (ndt : The Center for Fiction, situé à New York), un panel éblouissant a discuté des influences d’Ursula K. Le Guin et l'une de ces affirmations était particulièrement intéressante ; la possibilité que Le Guin soit l’une des meilleurs écrivains de science-fiction de la fin du XXème siècle, pas seulement pour son innovation, mais aussi pour sa diversité.
Le panel d’experts était dirigé par David Hartwell, de Tor Books et se composait de Michael Swanwick, N.K. Jemisin, Ellen Kushner, et John Wray. De toutes les personnes impliquées, Wray était le seul auteur à ne pas être un écrivain de science-fiction ou de fantasy, bien qu’il possède néanmoins un amour, un respect et une connaissance profonde du genre. Ellen Kushner et lui ont tout deux évoqué brièvement la notion de ne PAS écrire de livres ou d’histoires dans le style d’un héros littéraire, (comme le Guin) avant d’entrer dans une discussion sans fin concernant l’influence indéniable de Le Guin sur le genre. A ce moment, Swanwick a déclaré qu’essayer de mesurer l’importance de Le Guin pour la science-fiction et la fantasy était comme essayer de comprendre « ce que le sel signifie pour la mer ». Hartwell a mentionné que l’Encyclopédie de la Science-Fiction considère le Guin comme l’un des meilleurs écrivains de SF de la fin du XXème siècle. Hartwell a également déclaré que Robert Heinlein lui avait dit un jour que Le Guin était le « meilleur écrivain de sa génération ».
Evoquant l’importance sociale de Le Guin, N. K. Jemisin a mentionné un essai de Pam Noles nommé « Shame » (ndt : honte en français) qui explore l’expérience d’une minorité qui a lu « Le Sorcier de Terremer », et plus spécifiquement la révélation qu’une grande majorité des personnages ne sont pas blancs. Ceci, pense Jemisin, est une contribution majeure que Le Guin a offerte à la littérature SFF, l’idée que le lecteur trouverait « quelqu'un comme lui » dans ses pages. Swanwick a fait écho à cela en expliquant que si l’on résonne par notions progressives, le Guin a en fait contribué à créer certaines étincelles du mouvement féministe. En effet, il a signalé le fait qu’il était devenu de plus en plus impatient face à certains de ces plus jeunes étudiants qui rétroactivement pensaient que Le Guin n’était pas « assez féministe » dans « La Main gauche de la Nuit » parce que c’est le pronom masculin qui est utilisé par défaut pour désigné l’habitant hermaphrodite de Gethen. Swanwick pense que ce que l’on oublie ici est l’idée que ce n’est pas que ce livre ne vieillit pas bien, mais plutôt que ce livre a aidé à lancer une conversation que même les plus jeunes ont. « La question que je me posais, » dit Swanwick, « était : Comment quelqu'un peut-il ne serait-ce que concevoir quelque chose comme ça ? ». Et si l’on y regarde de ce point de vue, les idées révolutionnaires de « La main gauche de la Nuit » sont assez claires.
Tous ont beaucoup discuté de l’aspect de science sociale du travail de Le Guin, avec Ellen Kushner qui a noté qu’elle utilise beaucoup Le Guin dans ses conversations avec des amis « qui pensent qu’ils n’aiment pas la science-fiction ». John Wray a déclaré que le travail de Le Guin est que non seulement il y a une « économie » des éléments de science sociale dans son travail, mais également le fait que si vous n’êtes pas d’accord avec certains aspects de sa philosophie, « Le Guin aurait été d’accord avec cela ». Kushner a acquiescé, notant que « Le Guin aime débattre ». La notion de pluralité a été affirmée plus en avant avec Hartwell se rappelant d’une époque où il devait éditer une anthologie de Hard Science-fiction traditionnelle, alors que Le Guin travaillait sur une anthologie qui n’était pas traditionnelle et qui constituait donc par essence un genre de livre exactement opposé. « Elle m’a envoyé une carte postale juste après que les deux ouvrages soient sortis en me disant qu’elle pensait que c’était une bonne chose pour la science-fiction que ces livres soient tout deux sortis et qu’elle espérait que je serais d’accord avec elle. Et je l’étais ! ».
Concernant plus précisément son influence sur les écrits des auteurs présents, N. K. Jemisin a déclaré que Le Guin a eut un grand impact sur sa redécouverte de son amour des nouvelles. Jemisin a cité « Ceux qui partent d’Omelas » comme une révélation majeure car l’histoire cause tellement de « souffrance, parce que l’intention est que cela soit une histoire qui fait souffrir ». Jemisin pensait auparavant qu’elle n’avait pas besoin ni compris le medium de la nouvelle, mais après quelques encouragements de ses pairs et la lecture de la nouvelle de Le Guin, elle pense désormais totalement différemment.
Swanwick, Kushner et Jemisin ont aussi signalé que Ursula K. Le Guin a contribué à certaines avancées pour le genre de la fantasy, dans la mesure où les livres de Terremer ne suivent pas nécessairement la formule de Tolkien. Swanwick a dit « Avant Tolkien, chaque roman de fantasy était totalement unique » tandis que Kushner a déclaré qu’elle avait l’impression de « trahir son peuple (fans de Tolkien) en préférant « Le sorcier de Terremer » au « Seigneur des Anneaux ». Le panel a montré du doigt le fait qu’ils aimaient les travaux de J. R. R. Tolkien, mais comme Jemisin l’avait noté plus tôt dans la soirée, un lecteur peut se reconnaitre dans les pages de le Guin, et peut-être pas dans « Le Retour du Roi ».
Cela semble plutôt plausible que Le Guin ait vraiment tout bouleversé à la fois pour la science-fiction et la fantasy, et un univers dans lequel nous n’aurions pas eu droit à son travail serait une dimension parallèle avec bien moins d’innovation, et avec peut-être une fiction spéculative progressiste socialement moins profonde.
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