Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Une pluie de récompenses pour l’étrange vie de Nobody Owens

Par Julie, le dimanche 14 mars 2010 à 11:18:39

La couvertureLe dernier roman en date de Neil Gaiman est arrivé il y a déjà presque un an en version française.
Au cours de ces derniers mois, on ne compte plus les prix en tous genres qui l'ont salué. Dans cet article traduit pour vous, le célèbre auteur revient sur toute cette agitation et ses sentiments à ce sujet, tout en se projetant sur l'avenir.
A découvrir !

En discuter sur le forum

L'article

Alors que l’homme du renouveau du monde de la fantasy vient de recevoir une nouvelle récompense, il se livre à Michel Pauli.

Le conte funeste de Gaiman, l’histoire d’un garçon élevé par des fantômes dans un cimetière après les meurtres de ses parents et de sa sœur par un serial killer, a déjà remporté la plupart des prix de fiction pour enfants aux Etats-Unis, la Médaille Newbery, le prix Locus catégorie jeune adulte et le prix Hugo du meilleur roman. Il est également nommé pour la Médaille Carnegie et le prix World Fantasy. Ce qui peut se comprendre pour un homme aussi occupé que lui, il a accepté ce prix par contumace.
Depuis les Etats-Unis, ou il vit depuis 1992, Gaiman a déclaré être « ravi et très surpris » de gagner, mais a avoué que «  l e problème lorsqu’on dit ça c’est que l’on n’a l’air qu’à moitié sincère, les gens doivent penser que, pour chaque prix récolté avec L’étrange vie de Nobody Owens, déclarer être surpris est de moins en moins crédible ».

Pour Gaiman, le bon vieux dicton selon lequel l’important est de participer et non pas de gagner sonne pourtant juste, comme il l’explique. « L’étrange vie de Nobody Owens a perdu autant de récompenses pour lesquelles il était nommé qu’il en a gagné. En vérité, ce qui me réjouit le plus en ce moment c’est qu’il soit nommé et qu’il soit sur les listes des potentiels vainqueurs » déclare Gaiman. « Il y a de cela des années, je me suis retrouvé juge dans un jury pour un prix, et j’ai pu voir ce que les gens disent et que vous ne devriez jamais voir. Comme s’intéresser de près à la loi ou à la façon dont sont faites les saucisses, vous ne devriez jamais vous retrouver dans les coulisses lors d’une remise de prix, ni voir comment les livres sont jugés, vu que les juges négocient leur favori et que finalement c’est leur second choix qui l’emporte. Alors le peu pour lequel je prends un plaisir immense, pur et véritable s’avère être simplement la nomination, du fait que tout ce qui peut se passer après ressemble à un étrange champ de course.

« Je crois que le Booktrust Prize fait partie des meilleurs. Je m’y suis intéressé l’année dernière quand j’ai acheté le livre du lauréat, La voix du couteau, de Patrick Ness, que j’ai adoré. Et j’ai été vraiment content des nommés de cette année. Le meilleur lorsqu’on est sur la liste des nommés, c’est de voir vos concurrents, et de vous dire qu’il n’y aurait aucune honte à perdre face à l’un d’entre eux. » Gaiman a battu Ness cette année. Le gagnant de l’année passée était de nouveau dans la course, ce qui est assez inhabituel, avec le second tome de sa trilogie Le chaos en marche, face à de très sérieux concurrents tels que Paul Dowswell avec Etranger à Berlin et Jenny Valentine avec The Ant Colony. Selon Judy James, présidente du jury, et contrairement aux prédictions de marchandage qu’avait faites Gaiman, « L’étrange vie de Nobody Owens a remporté le prix à l’unanimité. Nobody Owens (le personnage principal) a séduit tous les juges, jeunes et plus âgés, tout comme les réconfortants habitants du cimetière, délicieusement sinistres, généreux et excentriques. L’écriture de Gaiman est douce, fluide et pleine d’humour, et fondamentalement positive. » Gaiman lui-même a déclaré qu’il était difficile d’expliquer le succès de ce livre, tant auprès des lecteurs que des critiques, et qui a d’ailleurs inspiré une succession de fêtes d’Halloween sur le thème du cimetière dans de nombreuses petites librairies le mois dernier. Pour rester fidèle à sa réputation de « rock star du monde de la littérature », il a comparé la situation à la déclaration de George Harrison dans les années 60 : les seules personnes qui n’avaient pas entendu parler des Beatles étaient les Beatles.

« Je ne l’ai jamais lu, je l’ai écrit », a-t-il déclaré. « Vu les critiques et l’enthousiasme avec lequel les gens m’abordent pour discuter de l’histoire, c’est sur que ça fait plaisir. C’est un livre sur la communauté et la famille et le fait de grandir, et sur la vie et tout ce qui en fait partie. De mon point de vue d’auteur, c’est le livre que j’ai mis le plus longtemps à écrire, 25 ans se sont écoulés depuis que j’ai eu l’idée de ce livre. J’ai eu l’idée, et j’ai écrit une page, je l’ai regardée et j’ai décidé que c’était un bien meilleur livre que je n’étais un auteur et qu’il fallait que je m’améliore d’abord, car ce livre en valait la peine. Je me suis amélioré, et j’ai écrit tout un tas de choses et en 2004, à peu près 19 ou 20 ans après avoir eu l’idée pour la première fois, j’ai réalisé que je ne m’améliorerais probablement plus et qu’il était temps que je commence à l’écrire.  Tout ce que je devais faire c’était faire face aux choses un peu inhabituelles, comme le fait que c’était une suite de nouvelles, qui, à deux ans d’intervalle, formeraient un roman. Il y avait tous ces problèmes qui s’étaient posés au début et qui sont finalement devenus très importants. Mais ça m’a toujours paru être un cadre parfait pour les histoires et une parfaite forme d’histoire. » Avec, en guise d’introduction, une communauté « étrangère » qui réussit à élever un enfant, L’étrange vie de Nobody Owens est très redevable au Livre de la jungle de Rudyard Kipling, ce que Gaiman reconnait. « J’ai dû m’appuyer sur les épaules de géants pour pouvoir l’écrire » a-t-il déclaré, citant également PL Travers pour ses histoires de Mary Poppins.

Cela dit, L’étrange vie de Nobody Owens est bien plus sombre que tout ce qui a pu surgir de l’esprit de Kipling ou Travers, tel qu’on pouvait l’espérer de l’auteur qui est à l’origine du tout aussi effrayant Coraline. Tout comme dans Coraline, et comme tout bon auteur « aux inspirations multiples » qui traite à la fois des adultes et des enfants, le talent de Gaiman dans L’étrange vie de Nobody Owens est de sous-entendre énormément en en montrant très peu. Il ne décrit pas en détail l’horreur mais sème des indices et laisse la part d’ombre de l’imagination des lecteurs faire le reste. « J’adore l’impression que laissent les trois premières pages de L’étrange vie de Nobody Owens aux gens » dit Gaiman. « J’adore lire les critiques de gens qui ont lu ces trois premières pages et qui ont déclaré, en colère : « Oh mon dieu, on se croirait dans un film d’horreur, avec tous ces meurtres et ce sang » et là je me dis « non, c’est vous qui avez fait ça. Moi j’ai juste parlé d’un homme qui se promène avec un couteau, c’est vous qui avez tué tous ces gens dans votre tête. Ça en dit plus sur vous que tout ce que j’ai pu écrire dans cette page. »

Gaiman a utilisé les 2500£ de sa récompense dans ce qu’il appelle de l’ « art cool », car il a réalisé qu’en dépensant de l’argent pour quelque chose à accrocher à son mur, « à chaque fois que je le regarde, ça me rappelle la récompense. Ce qui ne serait pas le cas si je l’avais dépensé pour faire des courses. » Un autre des prix qu’il a reçu pour L’étrange vie de Nobody Owens lui a permis de s’offrir The Murder Re-Enacted, une illustration de EH Shepard (illustrateur de Winnie l’Ourson) , et son Bokktrust Prize lui servira probablement à s’offrir une autre illustration pour enfants. « Il y a quelque chose d’assez extraordinaire dans le fait de posséder une illustration originale que vous avez pu voir en reproduction lorsque vous étiez enfant, et là elle est accrochée à votre mur et vous savez qu’elle sera là longtemps après que vous soyez parti, et avec un peu de chance, ce sera aussi le cas pour les livres », songe-t-il.

Cependant, ce sont les recherches pour le prochain livre qui passent en priorité dans l’emploi du temps de l’auteur éclectique et prolifique devenu célèbre en tant qu’auteur de bandes dessinées avec la série de comics Le Marchand de Sable, avant son succès en tant qu’auteur de romans de SF et fantasy pour adultes et enfants. Son prochain livre est « un travelogue (récit de voyage), une histoire vraie, mêlant fiction et réalité », qui se déroule en Chine. S’inspirant du roman épique chinois Le Voyage en Occident, avec les protagonistes du livre, Sun Wukong, connu sous le nom du Singe de la Montagne, et Xuanzang, moine du 7éme siècle qui voyagea de la Chine jusqu’en Inde pour rapporter les textes sacrés bouddhistes.

« Ce sera aussi en partie mon histoire, voyageant à travers la Chine et faisant face à tout un tas de choses bizarres qui m’arrivent, le genre de choses impossible à prévoir », explique Gaiman. « Comme le fait d’être sur le point d’acheter une épaule humaine. Elle était vendue par dans une boutique pour touristes par un petit vieillard. Après n’avoir réussi à me vendre aucun des articles qu’il avait, il a farfouillé sous son étal et a sorti cet os, emballé dans du papier journal, qui s’est avéré être la moitié d’un bras humain, sûrement vieux de plusieurs centaines d’années, et qu’il avait trouvé après le départ d’archéologues… »

Article originel dans The Guardian.


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :