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Scott Lynch et les clichés en fantasy

Par Alice, le lundi 2 mars 2015 à 19:46:56

SLScott Lynch passe en revue les clichés qu'il déteste le plus en fantasy.
Dans le cadre d'un texte désormais traduit pour vous, à retrouver ci-dessous.

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Donc, truepenny et matociquala ont fait ces listes il y a quelques jours (Sarah Monette et Elizabeth Bear), basées sur cette phrase : Onze choses que je ne mettrais jamais dans un roman de fantasy, sauf si c'est pour essayer de les dynamiter, et en fait je pourrais très bien m’en passer à partir de maintenant, merci.
Et, alors qu’en les lisant je me disais D’accord pour la plupart, j’ai toujours peur de ce genre de déclaration jamais, jamais !. Pour autant que je le sache, l’exécution l’emporte toujours sur la conception et les plus horribles clichés peuvent être magiques s'ils sont écrits par un écrivain talentueux et passionné, alors que les idées originales les plus saisissantes peuvent être transformées en nuggets du Kentucky, frits et ennuyeux, par un condensé de tout ce qui peut être complètement naze dans l’écriture (et si vous pensez que je suis en train de démolir Penny et Quala, vous avez raison). Donc je ne vais pas refaire exactement ce qu’ils ont fait… d’abord, je ne vais pas faire une liste de onze choses, et ensuite, je vais appeler ma propre liste : Toute la m.... qui a tendance à m’ennuyer dans la fantasy, donc, si vous la voyez dans mon propre livre, vous saurez que je suis à la hauteur :

1. Fétichisation irréfléchie de l’aristocratie héréditaire. C’est beaucoup moins fréquent que cela ne l'a été dans la fantasy, et je suis le premier à admettre qu’il y a d’excellentes raisons d’utiliser les aristocrates comme personnages majeurs de temps en temps. C’est une évidence, puisque la plupart des environnements de fantasy font appel à notre propre passé, les nobles héréditaires, et autres riches, sont généralement les seuls à avoir l’éducation et les ressources pour faire face à la Grande Menace qui descend sur le monde. Néanmoins, j’ai toujours roulé des yeux en tombant par hasard sur ce que j’appelle un « Intrépide Prince Prétentieux », dont la description est la suivante : Un Intrépide Prince Prétentieux chevauche son majestueux étalon comme un éclair déchirant le ciel et Ô, il est si grand, si gigantesque, si étonnamment bien habillé avec une musculature pectorale si effarante qu’une cuirasse d’acier est tout à fait superflue et il porte donc uniquement de la soie. Mmmm, de la soie légèrement humide qui moule sa robuste musculature et, par-dessus le marché, c’est un expert des lépidoptères et de la biologie marine… 

2. Les sorciers blablateurs, c’est-à-dire les mentors doté de grands pouvoirs et d’une profonde connaissance de la situation qui ont tendance à seulement apparaître quand c’est Dramatiquement Convenable™, qui utilisent rarement leurs pouvoirs pour combattre le(s) personnage(s) antagoniste(s) et qui inventent toujours quelque excuse vaseuse pour ne pas dire pourquoi ils ne peuvent pas expliquer les choses, même un petit peu. Les excuses du genre Je n’ai pas le temps d’expliquer ce qui se passe, surtout, sont particulièrement pénibles quand il est évident qu’il y a beaucoup de temps à tuer comme, par exemple, quand les personnages passent des semaines à chevaucher ou à naviguer. Sur tous les plagiats des œuvres de J.R.R Tolkien, l’une des scènes que j’aurais aimé que davantage d’auteurs volent est celle de La Communauté de l’Anneau dans laquelle Gandalf explique exactement pourquoi il n’a pas tout dit à propos de l’Anneau Unique lors des années précédentes. Son explication a un sens et correspond parfaitement au personnage.

3. Les Élus ou les prophéties de prédestination. Je les admire presque autant que je les hais, et ce pour la même raison : ils demandent -110% de réflexion et peuvent être exploités ad infinitum avec une efficacité totale en lieu et place d’une véritable intrigue. Quand la destinée guide toujours votre personnage à travers les principaux événements et révélations et lui accorde tous les pouvoirs et alliés requis juste à temps pour chaque confrontation successive, vous n’avez jamais à doter votre personnage d’une quelconque intelligence pour franchir le prochain obstacle, voire même, si vous allez jusqu’au bout, vous n’avez même pas à leur faire prendre la moindre décision. N’est-ce pas insidieux ça ? L’histoire s’écrit toute seule et chaque coïncidence ridicule et paresseuse, chaque supposition, est expliquée avec une parfaite cohérence interne parce que, eh ! c’est de la P..... de Prédestination™.

4. Les Méchantes Menaces à Temps Partiel, c’est-à-dire les forces antagonistes qui sortent de l’ombre seulement lors de moments très arbitraires, parce que, si elles avaient un peu plus de liberté pour se balader, les personnages seraient à leur merci. C’est vraiment commun dans la fantasy urbaine que j’ai lu : Non ! On ne peut pas assassiner le personnage avant le bon moment et le bon moment est seulement entre 23h36 et 1h14. En règle générale, si un escroc standard avec une batte de base-ball peut se charger des personnages en vingt minutes alors qu’une horde de menaces surnaturelles surgissant de nulle part est totalement incapable de faire de même, je ne peux pas prendre le procédé au sérieux.

5. La crainte générale de la sexualité féminine et/ou l’utilisation d’un truc tordu pour suggérer la dépravation d’un personnage. Il y a au moins deux principaux auteurs de grosse fantasy que je pourrais nommer (bien, l’un est indéniablement important et l’autre dont le spectacle du prochain grand truc est une sorte d’enterrement dans le cimetière de sa propre horreur.) qui aiment indiquer la peeeeeeerversité de leurs méchants féminins en les faisant porter des habits moulants en cuir noir et qui, occasionnellement, fouettent les gens. Horreur ! Parlons un peu de votre manque d’imagination. Un problème connexe est manifestement le viol ou la menace du viol, dans des scènes richement détaillées, chapitre après chapitre et livre après livre, l’auteur a des problèmes. C’est le niveau de richesse des détails qui l’indique.

6. L’art et la création décrits comme les choses les plus précieuses et les plus bouleversantes qui aient jamais existé ! Beurk. Je n’ai aucune patience pour les descriptions de la créativité avec un ton des plus enthousiastes et prétentieux, car l’adoration devant l’étincelle de l’inspiration sans mentionner les longues et difficiles heures de pratique, de production et d’erreurs, est une imposture. Une terrible imposture. J’adore les sentiments qui viennent titiller mon cerveau quand vraiment je suis emporté et quand les mots semblent s’éjecter tout seul du bout de mes doigts sur le clavier et puis sur l’écran. Je ne dis pas que ce n’est pas cool, je dis simplement que, environ 98% du temps, ce n’est pas comme cela que ça marche. 98% du temps, je soupçonne que même le plus inspiré des auteurs garde opiniâtrement la tête dans son travail, attendant que sa prochaine dose de Muse-héroïne tombe du ciel. Assiduité, compétence, et énormément de pratique sont ce qui fait avancer un artiste, et non pas le lutin magique de la créativité qui transforme la vie en une danse d’éternelle passion romantique 24h/24 et 7j/7. Mon Dieu, vous voulez réellement vivre avec une personne comme ça ?

7. L’Exception Morale du Héros qui est un terme que j’ai emprunté à Jabootu’s Bad Movie Dimension. Ils aiment particulièrement le terme de la Dispense de la Bataille Mortelle du Héros qui définit une scène d’un film dans lequel la P..... de Mort Instantanée, précédemment établie, échoue à simplement égratigner le héros parce que celui-ci a une dispense magique contre la mort. Par exemple, les vélociraptors dans Jurassic Park II : Le défilé des bouses, déchiquettent les êtres humains avec un simple contact, jusqu’au moment où ils tombent sur l’héroïne à la fin du film, à ce moment là ils…la font juste rouler par terre et lui font quelques bleus. Ouaf, ouaf, bon chienraptor !
De même, l’Exception Morale du Héros c’est quand un héros fait quelque chose de vraiment très vilain, quelque chose qui, venant d’un méchant, serait la preuve irréfutable de sa méchanceté et personne ne le remarque ou s’en soucie et l’auteur n’y fait jamais vraiment attention sauf pour continuer l’intrigue, parce que ce sont les héros, non ? Truepenny le mentionne dans sa liste et fait un peu de va-et-vient avec les gens jusqu’à redéfinir un peu ce qu’elle veut dire. Je n’ai aucun problème avec les prédateurs sociaux comme personnages, c’est évident, étant donné que les personnages principaux de Les Mensonges de Locke Lamora sont des voleurs et des meurtriers. Mais si vous pensez qu’ils ont cette Exception Morale du Héros, c’est que vous n’avez pas lu le livre.

8. La psychique floue des adorables animaux de compagnie. Je les atomise. Une préférence personnelle, je deviens mesquin maintenant. J’admets avoir créé un jeu de rôle pour Jen dans lequel les mages seraient proches des loups, mais c’est parce qu’elle est ma future femme. Je lui ai aussi offert des tribus ennemies amies avec des serpents et des araignées géantes. Parce que les hommes et les femmes qui se trimbalent avec dix kilos de tarentules psychiques dans leur sac à dos sont d’enfer.

9. Les orthographes complètement fantaisistes de coffee. Comme khaff’ee, ou caff, ou c’khaugh’hey ou… toutes les autres. Ca m’énerve vraiment. Truc personnel. Ecrivez coffee, coffee. Ecrivez tables, tables. Si vous appelez un cheval un bong-bong, vaudrait mieux que ce soit parce que ce p..... de truc n’est pas un cheval : il a un cou de girafe, six pénis et des tympans lance-flammes. Ça, vous pouvez l’appeler comme vous voulez, même bong-bong.


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