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Science versus magie

Par Lisbei, le dimanche 20 juillet 2008 à 22:15:24

L'un des plus gros débats chez les amateurs de SF (hormis celui qui oppose Star Wars et Star Trek) est celui qui cherche à tracer une frontière entre science et magie. Certains adhèrent à l'idée que la magie n'est rien d'autre qu'une science que nous ne comprenons pas encore, et d'autres pensent que la magie représente un mystère fondamental qui ne peut être expliqué rationnellement. Bien sûr l'autre grosse différence qui existe entre science et magie est en rapport avec le genre : la magie apparaît principalement dans les histoires de fantasy, et la science, bien sûr, dans la science-fiction. Et pourtant il y a actuellement une tendance dans le monde de la SF à créer des histoires qui brouillent les frontières entre science et magie : un bon nombre de romans de steampunk marient technologie et sorcellerie (prenez par exemple New Amsterdam d'Elizabeth Bear, où l'un des personnages est une "sorcière-légiste"). Et des séries télés comme Lost ou X-Files ont fréquemment mélangé le mystique et le rationnel. Cinq auteurs dont les fictions brouillent les frontières entre magie et science nous donnent ici leur sentiment sur cette question.

Débat traduit

Jeff VanderMeer, auteur de La Cité des Saints et des Fous
Jef VanderMeerLa plus grande différence est que la science existe, pas la magie. Et même si dans un roman tout est inventé, dans un sens, cela fait quand même une différence, en créant des responsabilités différentes. Si, par exemple, les lois physiques d'un monde fantastique ou de SF sont différentes des nôtres, il doit y avoir une explication, aussi improvisée soit-elle. Et si ce monde contient de la magie, je pense que l'auteur doit être encore plus rigoureux dans la conception et le fonctionnement de son système de magie, même si ce fonctionnement n'est pas explicite dans le texte. C'est parce que nous sommes habitués aux contraintes. Nous sommes des mondes de sang et d'eau, vivant dans un réseau plus large de personnes et de lieux, eux-mêmes contenus dans cette coquille d'œuf qu'est la Terre. Si même quelque chose d'aussi arbitraire et récent que le sonnet obéit à des contraintes, alors il ne peut en être autrement pour la magie.
Bien sûr, si vous êtes un surréaliste ou un écrivain de l'absurde, vous ne vous préoccupez pas souvent de la différence entre science et magie puisque la barrière entre les deux va être renversée et joyeusement piétinée. Et c'est tant mieux. Rien de plus ennuyeux que de laisser un peu de réalité vous gâcher le plaisir. Si vous assez d'imagination pour vous en tirer.
Ou, si vous êtes Jack Vance, vous vous contentez de situer vos histoires dans un futur si lointain que la science ressemble à de la magie et que vous pouvez vous asseoir sur votre trône doré, vous croiser les bras et déblatérer comme un savant fou ou un sorcier toqué, c'est vous qui choisissez.
L'une des raisons pour laquelle il n'y a pas de magie dans la plupart des mes histoires est que je n'y crois pas, et que par conséquent je suis incapable d'écrire à son propos de façon convaincante. C'est pour cette même raison que vous ne trouvez pas de licorne dans mes livres. Ou de Smurfs. Ou de Républicains. En revanche, je peux croire et je crois en d'énormes poulpes doués d'intelligence qui se baladent pompeusement dans les rues d'une cité étrange, protégés par des scaphandres remplis d'eau. Je peux aussi croire en des formes de vie intelligentes en forme de champignons vénéneux vivant dans des cavernes souterraines bizarres. Toutefois, comme tout cela n'est qu'une extrapolation audacieuse de théories actuelles sur la biologie et les systèmes biologiques, cela revient à être de la science bonne et honorable.
Elizabeth Bear, auteur de New Amsterdam et Dust (ndt : aucune traduction française pour l'instant)
Elizabeth BearC'est une question vraiment intéressante, surtout dans la mesure où, que ce soit pour la SF ou la fantasy, j'ai tendance à tirer mes "règles" de sources extérieures, qu'il s'agisse des règles de la physique ou de celles de la magie. Fondamentalement, en terme d'écriture, pour la SF ou la fantasy, la science et la magie servent toutes deux (pour moi) à créer un cadre auquel accrocher le reste de l'histoire. Elles sont un élément structurel. Et donc j'essaye de trouver les meilleurs morceaux de chaque.
Stephen Hunt, auteur de The Court of the Air
Stephen HuntUn auteur de fantasy crée un monstre en créant un personnage portant des robes d'une couleur précise qui marmonne un sort, alors que les règles stipulent que l'auteur de science-fiction doit vêtir son personnage de blanc et lui faire marmonner quelque chose à propos de l'ingénierie génétique et de la façon dont la dissolution d'une protéine de synthèse type I libère des facteurs qui déclenchent l'hydrolyse de l'ARN messager par mutation peptidique lors du décryptage d'un triplet de nucléotides. Pour le lecteur non-averti, cependant, les deux semblent aussi magiques l'un que l'autre.
Ted Chiang, auteur de La Tour de Babylone
Ted ChiangPour faire court, si vous pouvez le produire en masse, c’est de la science, si vous ne pouvez pas, c’est de la magie. Prenons un exemple : supposons qu’une personne dise qu’elle peut transformer le plomb en or. Si on peut utiliser sa technique pour construire des usines qui transformeront le plomb en or par tonnes, alors elle aura fait une incroyable découverte scientifique. D’un autre côté, si elle est la seule à pouvoir le faire, et seulement sous certaines conditions, alors c’est une magicienne. Et je ne veux pas dire par là qu’elle ne sera qu’un charlatan ; il se peut qu’elle soit effectivement capable de transformer le plomb en or. Mais les phénomènes scientifiques sont reproductibles par d’autres chercheurs ; ils ne sont pas tributaires d’une personne spécifique.
L’électricité a pu être considérée comme magique à une époque, mais cela fonctionne pour tout le monde ; vous n’avez pas besoin d’avoir un talent inné, ou d’être le descendant d’une personne spéciale pour qu’une ampoule électrique s’allume quand vous appuyez sur l’interrupteur. Cela a nécessité le travail de personnes très intelligentes pour nous amener au point où nous pouvons tous avoir l’électricité, mais aucune d’entre elles n’était magicienne, justement parce qu’elles ont été capables de faire fonctionner leur découverte pour tout le monde.
Pour entrer un peu plus en détail dans les choses, la raison pour laquelle la magie ne peut pas être produite en masse est qu’elle repose habituellement sur une qualité propre à celui qui la pratique : son intense concentration, sa pureté spirituelle, quelque chose qu’on ne peut pas remplacer par une autre personne ou par une machine. La magie, en un sens, est une preuve que l’univers vous connaît en tant que personne. Quand les gens disent que le point de vue scientifique implique un univers froid et impersonnel, c’est de cela qu’ils parlent. La magie c’est quand l’univers vous répond de façon personnelle.
China Miéville, auteur de Perdido Street Station et Un Lun Dun
China MiévilleQuelle est la différence entre la science et la magie ? Dans la vie réelle, il y en a plein. En SF, je pense que cette question est trompeuse, parce que je pense que quoi que la SF puisse penser et afficher, et bien que certains livres puissent se targuer à juste titre de précision scientifique, fondamentalement, le genre n’est pas basée sur la vraie science du tout. C’est plutôt une question d’un usage pseudo-autorisé de langage pseudo-scientifique, ou, pour le dire autrement, de dire des conneries. Et ce n’est pas (nécessairement) une critique.

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