Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Redécouvrez Sandman !

Par Luigi Brosse, le jeudi 2 octobre 2003 à 21:50:06

Neil GaimanNeil Gaiman envisage de poursuivre sa série phare The Sandman, qui est probablement l'un des meilleurs comics au monde, ou du moins considéré comme tel par de nombreux fans. Difficile donc de passer inaperçu après une telle annonce, surtout dans les allées de la Comic-Con de San Diego. C'est ce qu'illustre bien cet article d' Entertainment Weekly, traduit pour vous.

L'article traduit

Demandez à n'importe quel Dieu, demi-Dieu ou manifestation divine, et ils vous diront tous la même chose : ce qui est difficile c'est l'omniprésence. Neil Gaiman sait ça mieux que la plupart d'entre eux, surtout aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, cet auteur de 42 ans doit achever un travail épique : il doit se rendre d'un bout à l'autre de la Comic-Con International de San Diego sans être, comme il dit, adoré à mort.

C'est plus dur que ça en a l'air. Dans ce genre de conventions les croyants sont très croyants - s'en est même effrayant si vous n'êtes pas habitués à voir des hommes adultes habillés en Elfes des Bois ou en Wookies. Et à cette convention en particulier, la plus grande du monde, les croyants sont légions : on en attend 75000. Les fidèles de Gaiman - souvent jeunes, féminines, et gothiques, mais qui incluent aussi des familles de classes moyennes et des personnes âgées en chaises roulantes - reconnaissent son blouson en cuir et ses cheveux noirs en un clin d'oeil. Certains viennent de tout le pays juste pour être en sa présence. D'autres - comme Tori Amos - ont le plaisir d'être ses amis. D'autres encore - comme Robert Zemeckis et Harvey Weinstein - se contentent d'être en affaires avec lui. Et un petit nombre d'entre eux veulent avoir son nom incrit en permanence sur leur corps. (Un jour, Gaiman a signé le bras d'un homme, pour le voir revenir quelques heures plus tard avec l'autographe fraichement tatoué, quelques gouttes de sang s'écoulant du 'i'). La ferveur n'est pas entièrement imméritée : Gaiman leur a donné à tous quelque chose en quoi croire.

Plus précisément, il leur a donné The Sandman, d'abord publié par DC Comics (propriété de EW, une filiale de la Time Warner) en 1988, arrêté en 1996, et qui a hanté les libraires dans 10 éditions depuis. C'est l'un des premiers comics à trouver un large public féminin : Gaiman clame que ça a été "sexuellement transmis" quand les garçons l'ont passé à leur petites-amies pour leur prouver que les comics étaient pour les adultes, aussi. Sandman était parmi les premiers à inclure quelques personnages gay. Et c'est le seul comic a avoir jamais gagné un prix de littérature fiction (la récompense du World Fantasy pour les nouvelles de 1991).

Sandman essaye d'expliquer les joies en dent de scie et les horreurs arbitraires de la vie humaine : le cosmos est dirigé par une famille dérangée. (Maintenant tout prend son sens, n'est-ce pas ?) Ce sont les Infinis - pas exactement des Dieux, mais des aspects inéluctables de l'existence, personnifiés : le Rêve solitaire, la Mort joyeuse, la Destinée flegmatique, le Désir traître et androgyne, le Desespoir morbide et obèse, le Destruction sur le fil du rasoir, et le Délire loufoque punk (qui était la Joie auparavant, mais vous savez comment sont les choses).

Gaiman aurait probablement pu créer une église avec les fidèles de Sandman. Mais, béni soit-il, l'homme préfère les histoires aux écritures. Son imagination infatigable a forgé la comédie apocalyptique Good Omens (co-écrite avec Terry Pratchett), le best-seller du New-York Times Américan Gods, et le livre pour enfants lauréat du prix Hugo Coraline, sans parler de ses nouvelles, poèmes, pièces audio, et de la mini-série de la BBC qui est devenue un roman, Neverwhere. Il vient aussi de sortir un livre pour enfants qui remporte un grand succès, The Wolves in the Walls. Et ça ne concerne même pas la demi-douzaine de projets de Gaiman qui parcourent Hollywood. Mais ce dont on se réjouit c'est Sandman : Endless Nights - un roman graphique de 160 pages qui marque le seul vrai retour de Gaiman au Sandman depuis qu'il avait arrêté la série il y a sept ans.

Donnez quelque crédit à cette omniprésence. Sans parler de l'adoration universelle. Neil est le genre d'homme qui inspire les autres, moi y compris, avec de forts sentiments d'affection, et même d'amour, dit Michael Chabon, auteur de The Amazing Adventures of Kavalier & Clay. Il a une grande âme. Et il est aussi, vraiment, vraiment adorable.

Mais pas trop adorable, souligne Amos. Neil l'écrivain peut être un homme bien - mais il est aussi dangereux dit la chanteuse, qui fut l'une des inspirations de Gaiman pour le Délire maniaque. Je pense que le gars bien est une couverture pour que l'écrivain soit protégé du public, et le public de l'écrivain.

Mais il y a bien peu de protection aujourd'hui à la Comic Con : on approche de la fin, et même si l'esprit de Gaiman est fringuant, son corp est épuisé et a désespéremment besoin de sushi. Concluant un discours devant un auditoire de milliers de fans, il doit être escorté hors de la salle par un petit groupe de Klingons (les Hell's Angels des conventions Comic-Con). Il passe rapidement à une table d'autographes, où un milliers d'autres adorateurs font la queue. Mais en chemin, il prend un moment pour contempler la Mort. Dans le monde de {Sandman}} - et celui de Gaiman - c'est une chose plaisante, car la Mort des Infinis est une adorable jeune fille pâle et habillée de noir.

Hello, tu es superbe! s'exclame-t-il, posant sur une photo avec un fan habillé comme le Pays Inconnu Duquel Aucun Voyageur Ne Revient. La Mort rie, mais ne rougit pas. Bien sûr, un observateur pourrait penser que tout ça n'est qu'un culte. Mais quelle taille doit atteindre un culte avant de devenir une religion ?

L'une des choses que les gens oublient à propos des systèmes de croyances est qu'ils sont vrais. Absolument vrais.
Gaiman se rappelle son éducation religieuse, qu'il caractérise de désordonnée, et principalement juive. Après une enfance studieuse passée à étudier la religion dans une école anglicane, à inhaler du C.S. Lewis et du Tolkien, Gaiman a été envoyé à Londres pour s'entraîner à la barmitzvah avec un orthodoxe. Il découvre qu'il a une mémoire comme une éponge au sujet de la Judée mythique, et incorpore plus tard ce savoir dans les mythes de Sandman. (Il y a des gens qui viennent me voir et disent 'Comment savez-vous ça ?' Je pensais juste que tout le monde savait qu'Adam a eu trois femmes et que la deuxième n'avait même pas de nom...).

Plus tard, en tant que jeune journaliste à Londres, Gaiman a découvert un support qui conviendrait à cette confusion : les comics. Il s'émerveillait devant le travail de Alan Moore, l'auteur de Watchmen et V comme Vendetta. Les comics de Moore ont poussé Gaiman à s'essayer à l'exercice. En 1986, Gaiman s'associe avec l'artiste Dave Mc Kean (qui deviendra un collaborateur fidèle) pour publier la roman graphique Violent Cases, à propos des mémoires sombres de l'enfance. Le livre attire l'attention de Karen Berger, l'éditeur de Moore, et qui fait la liaison entre DC Comic et le milieu littéraire anglais. Elle motive l'envie de Gaiman de revisiter le thème d'un osbcur combattant du crime des années 1940 appelé le Sandman, qui endort ses ennemis avec des gaz soporifiques.

Le Sandman de Gaiman - d'abord dépeint par les artistes Mike Dringenberg et Sam Kieth comme pâle, fin, avec des cheveux noirs de corbeau, avec creux étoilés à la place des yeux - ne collait pas vraiment avec le wham ! pow ! et les coups de poings. En tant que seigneur des rêves et des histoires (appelée Rêve, Morphée, et de beaucoup d'autres noms), il se trouve embarqué dans la politique cosmique, se démêlant avec des notables éthérés depuis Lucifer jusqu'à des Dieux nordiques comme Odin ou Thor.
Je ne faisais que rajouter des choses, pour voir si ça marchait, se rappelle Gaiman, qui a approché le comic avec un esprit tout est vrai, tout est maintenant. Je pensais, mettons un peu de Shakespeare là-dedans. Okay, ça marche. Bien, je ne vais sûrement pas pouvoir y mettre les Dieux nordiques...si, ça marche aussi. Mais je ne m'en sortirais sans doute pas avec les anges....

Il s'en est sorti avec les anges, et plus encore. Dans une histoire typique du Sandman (si tant est qu'une telle chose existe), un calife dirigeant le Baghdad magique des légendes demande à Rêve de préserver son royaume parfait pour l'éternité. Son souhait est exhaussé : sa cité merveilleuse demeure uniquement en rêve, laissant la Baghdad en ruine de nos jours au regard des yeux éveillés. C'est une légende parfaite dit Moore. C'est tellement parfait que ça ne doit jamais avoir eu d'écrivain. Ca doit être l'une de ces histoires qui a simplement toujours été là.

Neil a un brevet de mythologie, dit son ami et admirateur Stephin Merritt, de Magnetic Fields. Connaître Neil, c'est comme connaître Thor. Je ne dis jamais à personne que je suis ami avec lui parce qu'ils pensent que je délire.

Connaître Thor - vraiment le connaître - signifie visiter l'ouest du Wisconsin, et trouver une maison qui ne veut pas qu'on la trouve : une maison Victorienne avec un porche qui en fait tout le tour et une meute de chats de garde. Gaiman vit ici depuis 1992 avec Mary McGrath, sa femme américaine depuis 18 ans, et leur fille de 9 ans, Maddy. (Holly, âgée de 20 ans, et Mike, 18 ans, ont déjà quitté le nid). Gaiman aime l'éloignement et évite souvent de prendre l'avion pour privilégier le train et avoir un sens de l'immensité du pays.

Aux alentours, il y a une ville, mais à peine : c'est à peine plus qu'une bourgade dans la campagne avec de petites routes qui la traversent. Gaiman arpente ces routes bordées de maïs dans son nouveau Mini Cooper noir, qui semble étranger à ce lieu, de la même manière qu'un anglais pâle et habillé de noir. Vous êtes sur une route non-digitalisée l'informe son système de GPS. Etrange, dit-il, je pensais que toutes les routes étaient digitalisées de nos jours.

Faire le point sur l'homme qu'Alan Moore appelle un papillon gothique doit être un vrai défi pour un GPS : c'est à nouveau cette omniprésence. Après avoir vu Endless Nights sortir à plus de 100 000 exemplaires pour DC, Gaiman va (a) diriger un film basé sur le sénario de son Sandman, Death: The High Cost of Living pour Warner Bros. ; (b) travailler sur une adaptation du roman érotique de Nicholson Baker The Fermata avec Zemeckis ; et (c) travailler à un nouveau livre, Anansi Boys. Pendant ce temps, la Jim Henson Company est en post-production sur son script fantasy MirrorMask. Harvey Weinstein veut adapter la nouvelle de Gaiman Chivalry, que le boss lui-même envisage de diriger. A chaque instant, semble-t-il, Gaiman sera partout, une super-âme médiatisée.

Vous êtes arrivé l'informe le GPS. Il ne l'est pas cependant. La Mini passe un croisement. Vous êtes arrivé répète l'ordinateur. Gaiman n'écoute pas. Il se contente de sourire et de conduire.

L'article originel Traduction par Thys


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :