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Quelle définition pour la Sword & Sorcery ?

Par Julie, le lundi 27 septembre 2010 à 15:19:46

Houla...C'est la question posée à toute une ribambelle d'auteurs parmi les plus côtés de la sphère fantasy par le site SF Signal.
Et ce sont les réponses des auteurs en question que vous pouvez maintenant découvrir ci-dessous, intégralement traduites pour vous bien sûr. Bonne lecture, et n'hésitez pas à venir débattre de la question sur le forum !

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Les définitions

Michael Moorcock

Michael Moorcock est l’auteur de plus de 70 romans, incluant plusieurs séries se déroulant dans un multivers commun : Les Aventures de Jerry Cornelius, Les Danseurs de la fin des temps, La Quête d'Erekosë, Les Livres de Corum, La Légende de Hawkmoon : Les chroniques du Comte Airain, Hawkmoon : L'histoire du secret des Runes, et la fameuse saga Le Cycle d'Elric. Il a également travaillé comme éditeur, notamment pendant 27 années discontinues pour la publication New Worlds. Moorock a remporté de nombreux prix tout au long de sa carrière, dont entre autres : le World Fantasy Award life achievement, le Stoker lifetime achievement, le SFWA Grand Master, le SF Hall of Fame Living Inductee, et le Prix Utopia.

Je n’ai pas trop compris la première fois. J’ai écrit tout un livre appelé Wizardly And Wild Romance qui ne répond toujours probablement pas à la question. En résumé, je vois ça comme un bon vieux péplum, ou un film de cape et d’épée avec d’importants éléments surnaturels. La rencontre de Capitaine Blood et Cthulhu. Il semblerait, en fait, que ça ait remplacé le vieux mélodrame historique dans la plupart de ses aspects. Ou que l’on y soit revenu, si on regarde ses origines dans les derniers romans médiévaux aux alentours de 1450.

Joe Abercrombie

Joe Abercrombie est un ancien monteur de films anglais, auteur de la trilogie d’unheroic fantasy La Première Loi, et du toujours moins héroïque Best Served Cold. Encore moins héroïque, The Heroes, qui doit sortir en janvier 2011. Il est nommé pour le Prix John W. Campbell du meilleur nouveau romancier, le British Fantasy Award, et le David Gemmell Legend Award, mais il est cruellement controversé. Il vit à Bath avec sa femme, ses deux filles, et un interminable projet de construction.


C’est une question piège de définir un genre. Tellement subjectif, on en arrive facilement à des choses arbitraires qui n’ont rien à voir avec le contenu, comme qui publie quoi, et comment ils présentent ça, et sur quels rayons ça finit. Les zones floues ont tendances à être bien plus grandes que les certitudes, et bien souvent on finit par dire, « tu le reconnais quand tu le vois ».
Les frontières entre Sword & Sorcery, Epic Fantasy, High Fantasy, et Heroic Fantasy m’ont toujours semblées êtres particulièrement floues. Il existe probablement quelques livres qui rentrent dans ces quatre catégories. C’est tous ce truc avec les épées et les sorciers et les noms inventés avec tout ça. Mais il y a certainement des tendances dont je dirais qu’elles pourraient quelque part glisser vers la zone Sword & Sorcery du diagramme de Venn, si vous voulez. . .
Les histoires de Sword & Sorcery ont tendance à être courtes. Leurs origines viennent évidemment des Pulp Magazines, ou tout était en format court, mais ça a tendance à rester un défaut. Un roman de Sword & Sorcery semble presque être une contradiction de termes, et ces longs livres qui sont indubitablement de la Sword & Sorcery (comme Elric et Corum de Moorock) ont tendance à être assez fins, certainement, comparés aux behemoths de Epic Fantasy. Ils sont aussi généralement limités en ce qui concerne les points de vue. Ils portent sur un personnage unique ou un petit groupe, agissant souvent à une échelle limitée. Ça parle moins de gens qui sauvent le monde, plutôt de gens qui se sauvent eux-mêmes. Ou peut-être qui gagnent de l’argent. Il n’y a pas vraiment de batailles épiques, plus des bagarres de soulards.
La Sword & Sorcery présente souvent des héros moralement ambigus - des beaux gosses qui fanfaronnent comme Conan, des voleurs intéressés comme Fafhrd et le Souricier Gris, des antihéros mélancoliques comme Elric. Ils sont rarement motivés par la vertu. Mais plus par eux. Il s’agit moins du Bien contre le Mal que d’un fumier qui en vole un autre.
La Sword & Sorcery se passe souvent dans des endroits plus miteux, plus crasseux, plus puants, plus minables que dans l’Epic Fantasy. Moins de tours blanches, plus de bordels lugubres. Moins de paysages montagneux à perte de vue, plus d’allées malodorantes.
Et puis à part ça, et bien, il faut des épées. Et probablement de la sorcellerie. Et peut-être du sens de l’humour. Lisez Le Royaume de Lankhmar de Read Fritz. Vous le reconnaitrez quand vous le verrez…

Garth Nix

Garth Nix est né en 1963 à Melbourne, en Australie. Écrivain à temps-plein depuis 2001, il a travaillé comme agent littéraire, consultant marketing, éditeur littéraire, publiciste littéraire, commercial littéraire, libraire, et soldat à temps-partiel dans l’Armée de Réserve Australienne. On compte parmi les livres de Garth les romans Fantasy primés Sabrïel, Liraël, et Abhorsen, et le roman culte pour Jeune Adulte Shade's Children. Ses romans pour enfants incluent The Ragwitch ; la série de six livres The Seventh Tower, et la série Les Sept Clés du Pouvoir. Plus de 5 millions d’exemplaires de ses livres ont été vendus à travers le monde, ses livres ont fait partie des listes des bestsellers du New York Times, du Publishers Weekly, du Guardian et de The Australian, et ses travaux ont été traduits dans 38 langues. Il vit dans une banlieue côtière de Sydney avec sa femme et ses deux enfants.

Une Définition de Sword and Sorcery par Garth Nix
Dorés les vêtements de la femme sirène
Attirant la vigoureuse dans son pagne clouté
Oublié dans son pichet
Affrontant le cruel enchantement de l’ennemi
Apeurés les démons dans l’obscurité
Bientôt découpés en tranches par son épée
Hagarde la troupe d’un dieu devenu fou
Surprise de voir un héros si fort
Terrible l’angoisse de l’ancien
Quand l’arme oubliée renforce le sorcier
Destructrices les affres de la mort
Preste est leur fuite
Grande est la gloire
Elle sera bientôt une histoire
Indéniable est l’issue
Or et femme disparus
Demain est demain
Ne pensez qu’à aujourd’hui
Cela dit, ce poème ne fait vraiment qu’essayer de définir le genre de S &S que nous connaissons de Robert E. Howard et personnellement je pense qu’en tant que sous-genre, la S&S peut englober bien d’autres récits, y compris ceux qui font brièvement référence aux thèmes essentiels, tropes et tonalités. En général, je ne suis pas pour les définitions strictes des genres et sous-genres. Je crois que Gary K. Wolfe a dit que les frontières entre les genres étaient comme des murs de brouillard qui se déplacent, et j’adhère à cette notion.

C.J. Cherryh

C.J. Cherry a écrit plus de 60 livres depuis le milieu des années 70, dont les romans récompensés par le Prix Hugo Forteresse des étoiles (1981) et Cyteen(1988), qui se déroulent tous deux dans l'univers Alliance-Union. Ses derniers romans sont Conspirator et Regenesis. En plus de l’écriture, C.J aime voyager et essayer de nouvelles choses, telles que l’escrime, l’équitation, le tir à l’arc, les armes anciennes, la peinture et les jeux vidéo. On a également donné son nom à un astéroïde.

La Sword & Sorcery c’est…
1. …situé quelque part dans quelque chose qui ne ressemble pas à l’histoire
2. …quand il y a des dieux, ou de la sorcellerie
3. … quand il y a du conflit, n’impliquant souvent rien de plus que la survie
4. …quand le héros/ l’héroïne peut être ou pas du mauvais côté de la loi, et
5. …quand il y a des sous-genres :
a. des temples, des serpents et des vierges
b. l’empereur idiot et le méchant conseiller
c. la princesse en mal d’amour qui veut s’échapper de la ville
d. retrouver l’objet magique
Il y a bien plus que ça, mais ce sont généralement des histoires simples situées dans des lieux généralement mythiques, impliquant un héros/une héroïne intelligent(e) et une récompense/ une issue favorable.

Glen Cook

Le premier roman de Glen Cook, The Heirs of Babylon, est sorti en 1972. Il a depuis lors écrit de très nombreux livres dans plusieurs séries dont Garrett Détective Privé, Dread Empire, Starfishers, et Dark War. Mais Cook est peut-être plus connu pour La Compagnie Noire, sa série de Fantasy épique à propos d’une bande de mercenaires. A venir, Gilded Latten Bones, un nouveau tome de Garrett Détective Privé.

Je vois la Sword & Sorcery comme une espèce de fiction prolétaire. Les héros sont des gars de la classe ouvrière, dans le contexte de l’histoire et des mœurs de l’époque où ça a été écrit. Ce sont des gars qui font leur boulot mais dont on ne voudrait pas dans son salon pour le thé parce qu’ils sentent mauvais, cassent tout, et laissent un sacré désordre derrière eux. Malgré leur classe, ou plutôt leur manque de classe, ils ne sont pas vraiment pour la politique progressive, voyant cela un peu comme quelque chose de facile à avoir.

Bill Willingham

Bill Willingham écrit des bandes dessinées, dont une série, Fables, et un peu de prose, par-ci par-là. Il a été arrêté une fois à Burlington, dans le Wisconsin, pour un impayé dans une librairie.


Comment je définis le sous-genre de la Sword & Sorcery ? Ma meilleure idée c’est : une sous-division du genre Fantasy (ou peut-être plus précisément, dérivé de ce qu’Hollywood appelle le genre péplum) dont le ton est généralement plus sombre, plus méchant et plus vulgaire, dans lequel il y a à la fois de la sorcellerie et des épées, et dans lequel ceux qui en brandissent une sont généralement en conflit avec ceux qui emploient l’autre. Mais ce ne sont que des foutaises bien sûr, vu que chacune de ces règles ont été brisées dans les histoires de S & S que j’aime, alors que le récit semblait toujours s’inscrire dans le champ du sous-genre. C’est de la Low Fantasy, sans licornes, sans elfes (à moins peut-être que les elfes soient des malfrats), ni quoi que ce soit qui pourrait être décrit comme cucul. Bon Dieu, je ne sais pas. Par chance je n’ai pas à m’inquiéter de choses comme ça. Tout ce que je dois faire c’est écrire des histoires que j’aime et laisser les autres se battre pour savoir dans quel genre classer ça.

K.J. Parker

K.J. Parker est l’auteur de La Trilogie Loredan, de la trilogie du Charognard, de The Engineer Trilogy, ainsi que des romans The Company, et The Folding Knife.

J’ai toujours pensé que la S&S était un raccourci pour la Fantasy traditionnelle, la tradition en question remontant au loup-garou et au-delà. Les récits héroïques prennent de nombreuses formes, mais ça marche particulièrement bien dans un domaine non restreint par les règles du réalisme naturaliste. Vous pouvez avoir de la magie, des dragons et des trucs comme ça si vous en avez besoin (j’insiste bien sur le mot « besoin ») pour créer une situation dans laquelle votre héros peut montrer le meilleur de son potentiel en tant que personnage humain, digne de l’implication du lecteur. La Heroic Fantasy traditionnelle vous permet de plonger la tête la première dans de très grands thèmes, invitant le lecteur à imaginer un casting hors de prix et des effets spéciaux incroyables. C’est une de ses forces. L’autre bien sûr, ce sont ses conventions.
La S&S est un genre très formel, avec des conventions très fortes, et bien définies. Comme pour le théâtre Nô, ou la Commedia dell’arte, vous savez immédiatement où vous êtes et ce qu’il se passe. Elle possède un vocabulaire très varié des archétypes (ce ne sont des stéréotypes que si l’auteur les utilise mal). L’avantage avec ça c’est que les auteurs peuvent faire de nombreuses ellipses et références, ils n’ont pas à réinventer la roue à chaque fois.
(L’avantage des conventions et archétypes de la S&S pour un hooligan comme moi, bien sûr, c’est les possibilités qu’elles offrent pour la subversion créative. Mais attention, c’est très important : vous ne pouvez être subversif que là où il y a un fort et vigoureux conformisme. Vous ne pouvez jouer avec les règles que si celles-ci sont claires et complètement acceptées. La contestation des règles et des conventions n’est, bien sûr, en aucun cas, un rejet de ces règles et conventions. Les règles et les conventions sont pour moi une bénédiction, parce que sans elles, je ne pourrais pas me faire comprendre. J’écris des récits héroïques sans héros ni méchant. J’écris sur la magie comme un outil banal des professionnels las et cyniques. Je ne pourrais pas faire ça sans les conventions. De la même façon, le Diable fait autant partie de l'ordre établi que le séraphin, finalement, ils travaillent tous pour Dieu et servent la même cause, même s’ils sont chacun à des extrémités totalement opposées.
Ce qu’on appelle Fantasy est la plus ancienne et, je crois, la plus fondamentale forme de littérature, et la S&S n’est qu’une partie de la Fantasy, même si c’en est un élément fondamental. Cela englobe également beaucoup de choses, et tant que l’on reconnait qu’il y a des règles et des conventions (ce que je fais, comme je le dis plus tôt, en jouant avec). Je crois qu’il y a beaucoup de liberté et de possibilités avec la S&S, assez pour en faire ce que l’on veut, à condition que ça fonctionne et que les gens aiment le lire. Par-dessus tout, je pense, le mot d’ordre de la S&S au 21ème siècle doit être les dernières paroles du plus grand partisan de Fantasy en tout genre : Kinde, schaf' neues. Précisément parce que ses racines remontent à si loin, la S&S a la force de produire des fruits nouveaux, étranges et merveilleux.
Cela dit, En réalité j’ai un problème avec les épées, du moins les épées telles qu’elles sont décrites par la plupart des auteurs de S&S. Malheureusement, les critères exacts sont rares, mais tels qu’ils sont établis, elles sont bien trop lourdes – aucune épée ne devrait peser plus de 3 livres, maximum – et horriblement proportionnées, avec des bijoux sur la poignée, ce qui vous tailladerait la main lors d’un combat. Ce n’est pas surprenant qu’ils aient surtout besoin d’un plein seau de magie pour pouvoir faire le bien. Alors vous pouvez garder vos moonblades enchantées. Donnez-moi une épée à une main et demie de type 18, avec lame de 80 cm, en acier 5160, 1,25 kg, point d’équilibre à 4 cm de la poignée, centre de percussion à 1 empan (20 cm) de la pointe, pas de runes mystiques, et sous aucun prétexte trempée dans du sang (une huile minérale est la seule solution pour l’acier trempé), et je serai heureux de combattre n’importe quel orc dans l’assemblée.

Tanith Lee

Tanith Lee est l'auteur de plus de 70 romans et 250 nouvelles, d'un livre illustré pour enfants (Animal Castle) et de nombreux poèmes. On compte parmi ses livres La saga d’Uasti, Le Dit de la Terre Plate (dont Le Maitre des ténèbres, qui remporta le Prix August Derleth), The Secret Books of Paradys, The Unicorn Series, L’Opéra de sang, The Secret Books of Venus, la trilogie Piratica (une série pour jeune adulte) ainsi que plusieurs collections de nouvelles. Tanith a aussi écrit 2 épisodes de la série SF de la BBC Blake’s 7. Un nouveau tome de la série Le Dit de la Terre Plate va sortir.

'Sword and Sorcery' – C’est pour moi un grand et flamboyant sauvetage de mon équilibre mental à un stade difficile de ma vie, lorsque j’avais entre 17 et 24 ans. D’autres choses, et d’autres genres de livres y ont aussi participé. Mais ce genre exotique qui ouvre l’esprit m’a éloignée d’une foutue « vie normale » très éprouvante et déprimante. (Franchement, j’imagine faire partir d’une grande multitude qui était dans ce cas.) Des Maitres extraordinaires comme Leiber et Vance m’ont propulsée dans un ailleurs étincelant, où la vie et la mort étaient sculptées à la pointe de l’épée, où l’intelligence déjoue le corrompu et le mal, sans parler de la beauté assommante et surnaturelle suffisamment souvent présente pour garder l’œil et le cœur agréablement purs. Leiber, bien sûr, avait un acteur shakespearien pour père, et Vance avait été témoin de nombreuses choses rares et fabuleuses en ce monde. Mais enrôlée par leurs intrigues uniques, leur humour et leur somptueuse prose, ces Dieux du genre, et d’autres comme eux, ont sauvé ma santé mentale. Je suppose que ça doit vouloir dire, alors, que pour moi, « Sword & Sorcery » ça représente quelque chose de colossal.

Tim Lebbon

Tim Lebbon est un auteur qui figure parmi les meilleures ventes du  New York Times, ayant écrit plus de trente livres, dont  The Island, Bar None, The Map of Moments (avec Christopher Golden), Last Exit for the Lost, et The Chamber of Ten. Visitez son site ici www.timlebbon.net

Pour moi, la Sword & Sorcery a généralement besoin…d’épées. Et de sorcellerie. Au-delà de cette réponse un peu facile, c’est généralement plus réaliste que l’Epic Fantasy, et il y est plus souvent question de buts personnels que dans les conflits généraux des autres romans Fantasy. Il serait difficile de définir ça d’une façon plus concrète, parce que généralement, je n’essaie pas de compartimenter les livres quand je les lis.

James Enge

James Enge est l’auteur de Le sang des Ambrose (qui figurait sur la liste des lectures recommandées par LOCUS en 2009) et de This Crooked Way. Ses nouvelles ont été publiées dans Black Gate, Flashing Swords et Every Day Fiction. Son histoire "The Singing Spear" a été publiée dans l’antologie éditée par Strahan & Anders Swords and Dark Magic: the New Sword and Sorcery. Son troisième roman, The Wolf Age, doit sortir chez Pyr en octobre 2010. Il blogue sur jamesenge.com, se montre à l’occasion sur Facebook, et maintenant on peut même le voir sur Twitter.

La meilleure définition de « Sword & Sorcery », et la plus concise, est celle que McCullough a formulée : « De la Fantasy en plus sale ». Dans la Epic Fantasy, même les hobbits dorment dans des palaces sur leur route vers l’ultime confrontation entre le Bien et le Mal. Dans la S&S, Fafhrd et le Souricier Gris se tapissent dans les rues de Lankhmar et se battent avec des monstres, et ensuite pillent des personnes errantes pour quelques pièces.
En des termes plus spécifiques, je favorise les larges limites au genre. Si la Sword & Sorcery c’est juste le Conan de Robert E. Howard ou des imitations de cela, ce n’est pas un genre mais une sorte de pastiche, comme Sherlock Holmes et « Solar Pons ». Et ce serait bizarre si le héros de S&S originel, Solomon Kane, ne comptait pas vraiment comme de la Sword & Sorcery parce qu’il ne courrait pas partout dans un string en fourrure. (« Sol. Mec. Sérieusement. Mets un pantalon. Personne ne veut voir ça. » « Pécheur ! Tu seras châtié, une fois que je me serais occupé de ce problème d’irritation. »)
Mais s’il faut pouvoir différencier la S&S de L’epic Fantasy, il faut qu’il y ait des caractéristiques distinctives. Il me semble (comme à beaucoup d’autres) que le héros doit être une sorte d'étranger, le genre équivalent au bandit solitaire. Il ou elle peut se retrouver mêlé(e) aux problèmes des autres, mais ils y verront leur propre intérêt, et tout impact sur une intrigue à plus grande échelle entre le Bien et le Mal, entre deux empires, entre un humain et un rat (etc.) devra être digressif, presque accidentel. Et il doit y avoir de la magie : Swordspoint de Ellen Kushner, ainsi que les autres livres de cette série, sont des récits de combats à l’épée et d’aventure magnifiquement écrits, mais il n’y a pas d’élément de l’impossible. Je crois que de ce fait ils rentrent dans un genre différent.
Un élément d’horreur me semble également être crucial. Peut-être que là je suis trop sous l’influence de Robert E. Howard, mais depuis que sa définition de la S&S est apparue dans Weird Tales, ils ont tous eu quelque chose d’étrange et effrayant. (C’est du Viel Étrange Je n’ai rien contre le nouvel Étrange, quand on me montre des exemples. Je ne suis simplement pas sûr de ce que c’est comme sous-genre.) Les autres classiques du genre qui suivent marchent : Moore, Leiber, Kuttner, Vance et Moorcock utilisent tous des éléments d’horreur et de d’angoisse dans leurs histoires de S&S.
Roger Zelazny, dans un célèbre passage de la série originale du Cycle des Princes d’Ambre, explique au héros inconscient qu’il est en train d’écrire « une romance philosophique mêlée d’horreur et de morbidité. » (Il ne fait aucun doute que Zelany considérait Le Cycle des Princes d’Ambre, et même Seigneur de Lumière comme de la S&S, et pour moi son avis fait taire tous les sceptiques.) La majorité de la S&S n'atteint pas ce niveau, mais peut-être est-ce la définition qu’il faut s’efforcer d’atteindre.

Scott Lynch

Né en 1978 à St Paul dans le Minnesota, Scott Lynch est l’auteur de la série de romans policiers Fantasy Les Salauds Gentilshommes, qui a commencé avec Les Mensonges de Locke Lamora , puis avec Des Horizons rouge sang, et le tome à venir The Republic of Thieves. Son œuvre a été publiée dans plus de quinze langues et plus de vingt pays, et il a été finaliste dans la catégorie Meilleur Roman au World Fantasy Award. Scott vit actuellement dans le Wisconsin et est pompier volontaire depuis 2005.

Tout d’abord, je crois qu’il est important de se rappeler qu’il n’y a pas de bonne réponse à ce genre de question. L’expression que j’aime utiliser c’est que toutes les étiquettes de notre genre sont des connotations sans l’avantage des dénotations. Ce sont des modes et des tendances, et pas des frontières strictes et formelles.
Maintenant que ça c’est dit, « Sword & Sorcery » me fait penser à un style de Fantasy dans lequel les protagonistes ont tendance à avoir un assez haut niveau d'intérêt personnel ou même d’intérêt égoïste. Ils se retrouvent surement à sauver le monde, mais il y a presque toujours un degré de cupidité ou d’ambition personnelle qui mène aussi l’histoire.
Cela suggère également un style narratif dans lequel la construction du monde est volontairement nébuleuse et secondaire à l’action menée par le personnage. La richesse de la description a tendance à être plus valorisée que la simple plausibilité. Les décors de la Sword & Sorcery sont des environnements qui peuvent supporter la déformation et l’exagération, souvent c’est un atout.
Ce que je considère comme étant de la Sword & Sorcery a aussi tendance à ne pas posséder cette nostalgie pastorale comme on peut en voir dans la Fantasy du style de Tolkien. Les grandes étendues sauvages de S&S sont les lieus des ambitions perdues, des dangers cachés, et des mystères insoutenables plutôt que le domaine sacré de la beauté idyllique.
Enfin, une des tendances classiques la plus intéressante en Sword & Sorcery c’est que la magie y est rarement vue comme une pratique fiable et sans conséquences. La plupart du temps, elle est décrite comme quelque chose nécessitant des transactions sinistres et des compromis, aux nombreuses conséquences inattendues et inopinées pour ses protagonistes.

Jonathan Strahan

Jonathan Strahan est le co-fondateur de Eidolon : The Journal of Australian Science Fiction and Fantasy et y a travaillé comme éditeur et publieur associé de 1990 à1999. Il travaille pour le magazine Locus comme rédacteur de la revue de presse. En tant qu’éditeur freelance, Jonathan a coédité The Year's Best Australian Science Fiction and Fantasy (Volumes 1 et 2), Science Fiction: Best of 2003, le Prix Locus: Thirty Years of the Best in Science Fiction and Fantasy, et la série Best Short Novels pour le Science Fiction Book Club, parmi tant d’autres. Sa dernière anthologie est The Starry Rift, une collection d’histoires pour jeunes adultes écrites par les meilleurs écrivains du genre. The Best Science Fiction and Fantasy of the Year et Eclipse (tous deux maintenant à leur troisième volume et disponibles chez Night Shade Books) ; The New Space Opera (second volume maintenant disponible chez HarperCollins et co-édité avec Gardner Dozois) ; et Swords and Dark Magic, coédité avec Lou Anders.

On m’a posé la question récemment et j’ ai répondu, de façon assez désinvolte, que c’était n’importe quelle histoire où il y avait à la fois une épées et de la magie. Bien sûr, il s’agissait d’un cas de simplification à l’excès complètement ridicule.
La première fois que je suis tombé sur de la fiction de Sword & Sorcery, c’était avec Swords and Deviltry de Fritz Leiber. Ce livre, et les aventures subsistantes de Fafhrd et Le Souricier Gris, ont toujours été la référence pour moi, et définissent assez bien le genre.
Cela dit, si on doit définir "sword & sorcery" je dirais qu’il s’agit des récits d’aventure Fantasy se déroulant dans un monde secondaire exotique et qui se focalise sur les actions d’un personnage héroïque unique. Le récit doit inclure des éléments magiques et surnaturels, ainsi que beaucoup de combats à mains nues, et traitera souvent de questions d’honneur. Les récits de Sword & Sorcery comprendront aussi souvent des éléments de romance, mais le premier centre d’intérêt est le triomphe du Bien sur le Mal par l’intervention directe et personnelle des protagonistes.
Il y a eu de très nombreux bons exemples de Sword & Sorcery qui définissent le sous-genre, parmi lesquels les œuvres de Howard, Leiber, Moore, Moorcock et autres, qui font maintenant école. Cela dit, je conseillerais également aux lecteurs Nifft the Lean de Michael Shea et The Adventures of Alyx de Joanna Russ, tous deux étant assez représentatifs du genre.

Lou Anders

Nommé pour le Prix Hugo en 2010/2009/2008/2007, pour le Prix Philip K. Dick en 2008, nommé pour le Prix Chelsea en 2006 et vainqueur en 2008, et nommé pour le World Fantasy Award en 2006, Lou Anders est le directeur éditorial de la collection SF et Fantasy Prometheus Books chez Pyr, et également de sept anthologies acclamées par les critiques, les dernières étant Fast Forward 2 (Pyr, Octobre 2008) et Sideways in Crime (Solaris, Juin 2008). Il est également l’auteur de The Making of Star Trek : First Contact (Titan Books, 1996), et a publié plus de 500 articles dans des magazines tels que The Believer,Publishers Weekly, Dreamwatch, DeathRay, free inquiry, Star Trek Monthly, Star Wars Monthly, Babylon 5 Magazine, Sci Fi Universe, Doctor Who Magazine, et Manga Max. Ses dernières anthologies sont Swords and Dark Magic, coédité avec Jonathan Strahan, et Masked!.

Tout d’abord, un mot sur les définitions. Les définitions des genres et sous-genres existent en tant que catégories marketing dans les librairies, comme une façon de dire aux lecteurs : « si tu aimes ce genre de trucs, alors c’est le genre que tu aimes ». C’est leur fonction première. Les définitions sont plus appropriées quand une œuvre tombe en plein dedans, s’y brouille et s’y imbrique au fur et à mesure qu’on approche les limites. Certains sont en plein dedans, d’autres gravitent aux frontières. Personnellement, je crois que c’est stupide de ne pas reconnaitre que les bonnes histoires existent partout, et une bonne histoire dépasse les définitions. Ça a déjà été dit, mais il est sage de le répéter, que les meilleures définitions de genre sont « descriptives et non prescriptives », et je suis d’accord. Vous vous rappelez de la réplique dans le film d’Alan Parker de 1987 Angel Heart ? « Le Mal est un tas de fumier M. Angel. Tout le monde grimpe sur le sien pour critiquer celui des autres. » C’est ce que je ressens à propos de la guerre des genres. Ça va si un auteur se limite à une série de règles. Mais ça ne va pas du tout s’il insiste pour que qui que ce soit d’autre se conforme à ces règles. Ces définitions peuvent être instructives et amusantes pour les éditeurs, les critiques, et les fans de débats. Mais quand quelqu’un grimpe sur leur tas de fumier et commence à prêcher ce que tous les autres ont le droit ou non de faire, il est temps de se diriger vers la sortie.
Avec cette mise en garde, Jonathan Strahan et moi avons écrit dans notre introduction de Swords & Dark Magic, « Laissez votre Seigneur des Ténèbres à l’entrée », que  « Si la High Fantasy c’est de vastes armées divisées le long des lignes ennemies entre le Bien indéniable et le Mal suprême, des batailles épiques pour vaincre de sombres seigneurs voulant à tout prix dominer le monde, alors la Sword & Sorcery est son antithèse. Des passages sur les personnages plus réduits, mettant souvent en scène des protagonistes compromis, dont l’héroïsme consiste seulement à sauver leur peau d’un piège dans lequel ils se sont eux-mêmes fourrés en recherchant un butin. La Swords & Sorcery c’est quand la Fantasy rencontre le western, avec son emphase sur le chevalier solitaire errant dans un paysage exotique où il se retrouve mêlé à un conflit inattendu. Là où la High Fantasy traite de nations en guerre et de batailles finales, la Sword & Sorcery se concentre sur des batailles personnelles, disputées dans les arrières-rues de villes exotiques, dans les chambres secrètes de mystérieux temples, dans les profondeurs de sombres donjons. Si la High Fantasy est l’enfant de L’Iliade, alors la Sword & Sorcery est le fruit de l’Odyssée.
C’est une définition assez bonne, et qui fonctionne plutôt bien en terme général, mais si jamais je dois grimper sur un tas de fumier, alors mieux vaut le vérifier de fond en comble et s’assurer qu’il ne s’effondre pas.
Les héros de S&S sont moralement compromis : En général, mais qu’en est-il du Solomon Kane de Robert E. Howard's (puritain) ou du Docteur Adoulla Makhslood de Saladin Ahmed (un chasseur de goule dont les pouvoirs lui viennent de Dieux) ?
La Sword & Sorcery, c’est des voyageurs solitaires : En général, mais qu’en est-il de la Jirel of Joiry de CL Moore, qui était la dirigeante d’un royaume médiéval français, avec une armée sous ses ordres . La deuxième histoire de Conan de Robert E. Howard à être publiée dans Weird Tales, "The Scarlet Citadel," met en scène Conan en Roi d’Aquilonia, où il chevauche vers des batailles à la tête d’une armée de cinq-milles chevaliers.
La Sword & Sorcery parle de conflits à petite échelle et personnels : En général, mais regardez Conan dont on vient de parler. Et qu’en est-il d’Elric de Melniboné, qui se retrouve souvent dans des batailles pour sauver un royaume, un monde ou même tout un multivers. Dans Stormbringer, un des textes S&S de référence, Elric détruit et reconstruit carrément le monde entier ! Et Hawkmoon de Moorcock est mélé à un conflit international contre un empire du mal.
Les personnages de Sword & Sorcery sont motivés par la cupidité : En général, mais qu’en est-il encore une fois de Jirel of Joirey, qui en tant que dirigeante d’un empire est plutôt bien lotie, ou du Morlock Ambrosius de James Enge, qui en tant qu’alchimiste peut fabriquer son propre or, ce qu’il fait d’ailleurs, souvent à l’abri des regards ?
Franchement, toute définition qui exclue Solomon Kane, Doctor Adoulla Makhslood, Conan, Jirel of Joiry, Elric of Melniboné, Hawkmoon, et Morlock Ambrosius n’est pas du tout une définition. Ou plutôt, toute définition qui vise à être prescriptive n’est pas une définition. On peut seulement dire ce que la Sword & Sorcery est en général, ce vers quoi elle tend, mais pas ce qu’elle est toujours. Je pense qu’il est important de se souvenir que ce sous-genre n’a même pas été nommé avant 1961 (par Fritz Leiber), et le créateur de Conan Robert E. Howard est mort un quart de siècle avant ça en 1936. Une grande partie des fondements du sous-genre a été posée avant même que qui que ce soit ne pense à lui donner un nom. Ça a toujours été un sous-genre nébuleux, changeant. La plupart d’entre nous sont d’accord à propos du centre de ce territoire, mais ne mettons pas de barrières autour. Chaque auteur, éditeur, et finalement lecteur aura sa propre définition. Mais si on a une épée et si on a de la magie, on en est forcément proche. En règle générale.


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