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Plus les choses changent, et plus…

Par Raven, le dimanche 25 novembre 2007 à 13:06:42

Michael Moorcock, l'un des "Grands Anciens" encore présents de nos jours à la surface de la planète Fantasy, a toujours eu la langue bien pendue, et aime par-dessus tout disserter de son genre favori !
Il le prouve une fois de plus dans l'article reproduit ci-dessous. Attention, autant vous prévenir tout de suite qu'il s'agit d'une lecture copieuse. Non seulement parce que cet article est long, mais également très touffu.
Bonne lecture !

Michael Moorcock s'exprime pour Heliotrope

“En dépit de leur réputation de foyer des avancées culturelles, les Sixties n'ont pas été une période promotrice de la fiction.”
Jonathan Green, préface de l'édition de 1997 de Groupie par Jennie Fabian et Johnny Byrne.

Je me demande si cette citation merveilleusement stupide est devenue aujourd'hui une notion dominante et acceptée. Green, qui fut brièvement éditeur du journal underground FRENDZ et semblait, de même que sa co-éditrice Rosie Boycott, nettement plus intéressé de savoir quels clubs chics le mettraient en contact avec les têtes les plus connues du rock 'n roll, a réellement partagé pendant un temps les vues de NEW WORLDS, et a effectivement publié mon travail, ainsi que celui de Harrison, Delany et d'autres, lequel travail était en fait commandé par John Trux, un éditeur qui est devenu le personnage central de the Centauri Device de Harrison.
Certainement, Mr Green, s'il n'avait pas eu tant de distractions, aurait eu la possibilité de lire pendant cette période des travaux de Ballard, Zoline, Disch, Sladek, M.J.Harrison, moi-même et d'autres publiés à deux pas de ses bureaux de Portobello Road. Tous ont étendu les limites de la fiction contemporaine et développé de nouvelles techniques.

Mis à part William Burroughs, qui produisit la plus grande part de ses meilleures oeuvres pendant les années soixante et commença à publier des livres tels que le Festin Nu pour la première fois en Angleterre et en Amérique (auparavant, ils étaient apparus à Paris dans Olympia Press), la décennie a vu défiler des oeuvres de Pynchon (V et The Crying of Lot 49), Ballard (The Atrocity Exhibition et Crash dans sa première version) et Donald Barthelme (Come Back Dr Caligari, Unspeakable Practices, Unnatural Acts, Snow White). Alexander Trocchi publiait alors le Jeune Adam et le Livre de Cain. Hubert Selby nous a donné Last Exit to Brooklyn. Gaddis avait déjà sorti The Recognitions et travaillait à son second roman. In the Heart of the Country de William Gass, Lonesome Wife de Willie Master et Wide Sargasso Sea de Jean Rhys paraissaient également. Garcia Marquez publiait Cent Ans de Solitude. Bien qu'écrivant surtout pour l'écran pendant cette période, Terry Southern a vu apparaître Red Dirt, Marijuana. Kurt Vonnegut publia Slaughterhouse 5. Nous avions Catch-22 de Joseph Heller, Ne tirez pas sur l’Oiseau Moqueur de Harper Lee, Myra Breckenridge de Vidal et De Sang Froid de Capote. De Beauvoir nous a donné, entre autres, Les Belles Images. Nous avions le Maître du Haut Château de Philip K. Dick, Pnin et Pale Fire par Nabokov, Vol au-dessus d'un Nid de Coucou de Kesey et la Complainte de Portnoy de Roth. Doris Lessing a publié The Golden Notebook, Joanna Russ, son premier livre un Pique-Nique au Paradis, Günter Grass a sorti Les Années de Chien. Ailleurs, les émules de B.S.Johnson, Anna Kavan, Ursula K. Le Guin, John Fowles, Giuseppe di Lampedusa, Samuel Beckett, John Banville produisaient tous des oeuvres, la plupart représentant une avancée par rapport à leurs fictions précédentes et dont une bonne partie était totalement expérimentale. Les pairs de Borges et Vian sont tout d'abord apparu en langue anglaise à cette époque.

         

Les années soixante et le début des années soixante-dix furent, en fait, une période très riche pour la fiction, un moment excitant pour en écrire, avec des éditeurs prêts à soutenir de nouvelles expérimentations. La plupart de ces oeuvres avaient déjà commencé à intégrer les éléments de la science-fiction dans le réalisme plus conventionnel. Les premières expériences post-modernes des années soixante nous ont donné les oeuvres de maturité des années soixante-dix. Beaucoup de ces expériences, selon moi, ont été imprimées parce que volet économique de l'édition à cette époque permettait plus de risques et donc générait une plus grande variété de fiction disponible pour le public. Depuis les années 1980, nous avons été témoins d'une diminution de la fiction expérimentale à grand tirage et de la nouveauté, bien que les conventions des éléments les plus évidents du soi-disant post-modernisme aient été incorporées dans quelque chose d'assez proche d'un nouveau genre, tandis que le public semble avoir développé des attentes quelque peu conservatrices, incluant un goût pour les émules de Ian MacEwan, dont les romans ne contiennent aucune surprise et sont profondément rassurant pour le lecteur moyen. Le ton de la fiction et des films jusqu'aux années 80 était plus porté à la confrontation et bien plus à même de prendre des risques qu'aujourd'hui.

           

Bien que certaines techniques empruntées à la science-fiction commerciale et à la fantasy aient été employées dans le courant principal de la littérature, elles ont d'abord servi à donner une étincelle de vie à des formes populaires déjà existantes, par exemple la magie a été introduite dans les histoires d'écoles anglaises un peu passées de mode pour donner Harry Potter. Je crois que le succès du Seigneur des Anneaux est symptomatique du conservatisme moyen en lecture. Fondamentalement, de tels livres avec, disons, le rendement actuel de Martin Amis, sont des génériques, à peu près aussi rigides dans ce qu'ils peuvent ou essayent de dire que l'œuvre populaire générique de Ian Rankin ou Iain Banks. En effet, à part Iain Sinclair, de moins en moins de romanciers techniquement ambitieux sont publiés dans le courant principal au Royaume-Uni et même ceux que l'on associe à l'innovation semblent être tombés dans l'auto-imitation. Il n'y a qu'en Amérique que quelques romanciers ambitieux comme Roth, DeLillo, Eggers et Chabon continuent à offrir des oeuvres questionnant les affirmations de l'homme moyen et trouvant un large lectorat mais même en Amérique il existe une tendance à retourner à des formes plus sécurisantes et prévisibles. Si, comme je le crois, le mode de transmission est le message, cela signifie que dans la publication conventionnelle nous voyons peu d'idées innovantes ou d'analyses et sommes forcés de plus en plus à chercher via internet pour trouver de petits éditeurs sur papier ou directement sur le web, dont bien peu peuvent se permettre de payer à un auteur une avance raisonnable.

           

En 1964, quand NEW WORLDS a commencé à tourner sous ma direction et que Ballard avait écrit notre premier éditorial dédié à un invité sur William Burroughs et ce que signifiait son oeuvre, Stephen Spender déclarait que le Mouvement Moderne était mort (cf The Struggle of the Moderns).

           

Bien sûr, le cadavre du Modernisme – un genre de pseudo-modernisme – bien que n'étant plus animé par la vitalité qui nous avait donné James, Ford, Lawrence, Pound, Eliot et Mann, parmi tant d'autres, continuait à marcher et à parler, et parce qu'il avait à présent la familiarité d'un genre établi, réussissait à réconforter le même public qui achetait des histoires de meurtres à la campagne, des romans historiques et des westerns, mais il offrait bien peu aux écrivains, en incluant quelques rares rescapés Modernistes véritables, et aux lecteurs qui voulaient quelque chose qui affrontait et illuminait le monde avec lequel ils étaient en contact.


Aux temps des débuts du Mouvement Moderne, certains Edouardiens, comme Wells ou Bennett, ont continué à utiliser les éléments victoriens, mais les ont affûtés avec un style influencé par le nouveau journalisme et ont regardé avec plus d'acuité des parties du monde auparavant dédaignées par la plupart des grands romanciers. Wells a bien sûr introduit un genre de nouveau sujet couplé à une forme de réalisme plus ancienne. De la même façon, des romanciers contemporains offrent de nouvelles rides à la vieille formule réaliste : des sagas familiales indiennes, par exemple, plutôt que des sagas familiales galloises, exactement comme des auteurs policiers sortent des personnages handicapés, ou bossant à l'ancienne mode, ou provenant d'une minorité, et ainsi de suite. Ceci est principalement le travail de ceux qui ont été entraînés ou embrigadés à travailler dans des modes existants et qui peuvent seulement continuer à travailler en trouvant de nouvelles méthodes pour raconter la même histoire de la même façon. Tout ce qui change sont les accessoires superficiels de l'arrière-plan.

           

Le genre dicte la direction d'une histoire, peut déformer certains types d'observation et sans doute diluer le pouvoir d'une nouvelle expérience. Ce fut la raison pour laquelle Ballard et ses émules, et moi-même, rejoints plus tard par Aldiss, Brunner, Disch et le reste de la bande, sentirent le besoin non seulement d'apporter certaines vertus du Modernisme à la sf, pas simplement d'améliorer les ambitions du style et de la langue, mais d'inventer des conventions personnelles toutes fraîches qui ne déformeraient pas ce que nous souhaitions dire. Ces conventions étaient bien sûr inspirées par celles que nous trouvions dans la fiction populaire, spécialement la science-fiction, mais modifiées pour correspondre à nos intentions. Ce procédé – qui impliquait des expérimentations plutôt radicales – fut qualifié de Nouvelle Vague de la sf. Nous n'avons pas appliqué cette étiquette nous-mêmes, ça va de soi, pas plus qu'une équipe d'auteurs britanniques à la mode comme Kingsley Amis, John Osbourne, John Braine, Alan Sillitoe et Colin Wilson ne se référaient à eux-mêmes comme les Jeunes Gens en Colère.

Nous n'avions aucune volonté d'ôter le pain de la bouche des écrivains de genre qui faisaient toujours du bon boulot en utilisant les conventions à leurs propres intentions, mais nous répondions aux exigences de l'expérience personnelle.

De ce grand mouvement a émergé un genre de fiction que certains ont appelé post-modernisme et d'autres “réalisme magique” mais qui est maintenant si complètement absorbé dans la culture qu'il en est familier et n'a pas besoin d'un identifiant. Durant les dernières années, beaucoup de nos meilleurs romanciers ont utilisé les conventions de la science-fiction. La fiction d'un monde alternatif, courante dans les magazines sf depuis les années 80, s'est avérée un des outils les plus utiles depuis que le Maître du Haut Château de Philip K. Dick a gagné le prix Hugo et a été publié en Grande-Bretagne par Penguin Books qui avait depuis peu acquis plusieurs nouveaux éditeurs courageux comme Tony Godwin et Giles Gordon (qui devint plus tard un régulier de NEW WORLDS). Tom Maschler de Cape, encouragé par moi-même et d'autres, a commencé à publier Dick comme romancier, tandis que Kingsley Amis nous donnait l'Altération, inspiré par Pavane de Keith Robert. Aux Etats-Unis, Nabokov nous a offert Ada, pendant que Kurt Vonnegut devenait l'un des premiers écrivains américains à faire régulièrement un usage idiosyncratique des éléments de la sf. Margaret Atwood, Philip Roth, Thomas Pynchon, Don DeLillo et Michael Chabon sont juste quelques-uns parmi les romanciers ambitieux et originaux à n'avoir aucune difficulté à trouver des lecteurs parfaitement à l'aise avec leurs romans d'histoire alternative.

           

Bien que tout ceci soit encourageant pour ceux d'entre nous qui, dans les sixties, ont rejoint les artistes pop tels que Paolozzi, Hamilton et Warhol dans un effort pour réunir l'art 'élevé' et l'art populaire dans toutes les formes d'expression créatrice et tenter d'apporter de nouvelles idées scientifiques dans la sphère littéraire, il y a toujours le souci que la majorité de cette oeuvre récente, aussi bonne soit-elle, ne fait pas vraiment avancer l'éventail de méthodes qui nous sont ouvertes, méthodes indiquées par William Burroughs, Ballard (dans ses romans condensés réunis sous le titre The Atrocity Exhibition) ou même Pynchon (qui a admis être porté à emprunter et synthétiser plutôt qu'à offrir de nouvelles méthodes).

           

Et en effet, nous avons récemment traversé une période de restauration et de reconsidération plutôt que d'expériences et je pense qu'il y a de vraies raisons économiques et sociales pour cela. Alors que les principaux éditeurs sont devenus plus ouverts à l'idée de publier des oeuvres synthétiques, incluant la fantasy et la sf, ils se devenus moins réceptifs pour encourager ou supporter l'expérimentation. Toujours quelque peu méfiants, pour ne pas dire mous, quand il s'agit de publier un travail nouveau, ils sont encore plus découragés par la répugnance croissante des libraires à mettre de la fiction idiosyncratique sur leurs étagères. Ils sont parfaitement heureux de garder des centaines de copies de bestsellers, comme Susannah Clarke or Michael Chabon (qui tous les deux, je l'avoue, sont de très haute qualité) mais n'offrent aucun espace à des auteurs comme Steve Aylett, Stuart Hall, Samit Basu, Sebastian Doubinsky, Zoran Zivkovic et des tas d'autres qui n'utilisent pas tant d'éléments familiers de la sf ou de la fiction littéraires. De plus, ces corporations de libraires dictent de plus en plus aux éditeurs ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas publier s'ils veulent rester dans la course.

Pour promouvoir un livre durant les années où j'ai commencé ma carrière, les éditeurs avaient seulement à trouver des libraires aussi prêts qu'eux à donner une chance à un jeune auteur. Quand, à la fin des années 60, le nouvel éditeur Clive Allison de Allison et Busby a commencé sa liste avec mon Voici l'homme, il a persuadé les principaux libraires et critiques de donner une chance au livre, avec comme résultats qu'il s'est très bien vendu en tant que titre n'appartenant à aucun genre. Cette expérience était familière à chaque nouvel éditeur dynamique, qu'il soit indépendant (et bien entendu, la plupart l'étaient) et nouvellement établie ou qu'il travaille pour de plus grands groupes comme Gollancz, Cape ou Secker et Warburg. Quand l'indépendant et preneur de risques John Calder (ou aux Etats-Unis, disons, Grove Press) a publié Beckett ou Burroughs, il pouvait compter au moins sur quelques alliés dans le commerce du livre.

           

Avec l'abolition du Net Book Agreement et d'autres systèmes de régulation - à laquelle bon nombre d'entre nous ont résisté car nous pouvions voir ce qui arriverait dans un marché totalement libre de réglementation, les libraires ont commencé à vendre les titres moins cher. Plus la chaîne de librairies est grande, plus le prix est cassé. Ceci a causé presque immédiatement la chute d'un grand nombre de libraires indépendants, qui existent à présent en bien peu d'exemplaires dans le monde anglophone. Souvent, les prix réduits sur les bestsellers étant devenus la règle ont conduit à une perte de lecteurs, de la même façon que les supermarchés offraient du sucre de grande marque en-dessous du prix normal. Ces pratiques ont placé de plus en plus de pouvoir entre les mains des corporations de libraires (qui achetaient les boutiques qui survivaient), et entre les mains des supermarchés qui ont commencé à faire des réserves des derniers Jackie Collins ou Thomas Harris, de telle façon que les libraires se sentaient forcés de se conduire comme des chaînes d'épicerie. Leur réserve était flottante par rapport au marché (avec la conséquence que ceux qui détenaient les stocks exigeaient des profits de plus en plus gros) et le goût individuel des managers et des assistants était activement découragé.

           

Petit à petit durant les années 90, les libraires ont commencé à exercer le pouvoir autrefois détenu par les bibliothèques privées victoriennes en Angleterre et en Amérique quand Mudies, par exemple, pouvait exiger que les livres soient publiés en plusieurs (souvent trois) volumes parce que les souscripteurs devaient payer par volume individuel, non pour une oeuvre complète. De là, la majorité des romanciers victoriens furent forcés de produire ce que George Eliot appelait 'le volume du milieu', essentiellement la section qui fait le pont entre le début et la fin d'un livre. Dickens fut le premier auteur littéraire à résister au pouvoir des bibliothèques en publiant via ce qui était considéré comme la méthode vulgaire des épisodes à un shilling (notant son succès, l'imposant Thackeray, qui l'avait mis en garde contre cette façon de faire, suivit rapidement son exemple), mais généralement, durant la majeure partie du 19ème siècle, le romancier était forcé de s'incliner devant la règle de Mudies et Bentley, l'éditeur qui fournissait la majeure partie du stock de Mudies et dominait la période. Les éditeurs se voyaient même indiquer comment mettre le prix de leurs livres à 10 shillings et 6 pence (une demi-guinée) le volume, ce qui mettait, disons, Middlemarch ou Jude the Obscure loin hors de portée de la bourse du lecteur moyen.

           

En 1895, encouragé par le pouvoir croissant du système de bibliothèques publiques gratuites, quelques éditeur courageux et souvent débutants, décidèrent de briser la mainmise de Bentleys et Mudies et de publier des romans en un seul volume à six shillings, les rendant meilleur marché pour les bibliothèques publiques, permettant à l'éditeur d'imprimer, de distribuer et de vendre via des librairies aux lecteurs des classes moyennes qui pouvait se les offrir. Les éditions moins chères suivirent bientôt à 3 shillings et 6 pence et même seulement un shilling ou 6 pence. Mudies dut s'adapter à cette révolution ou couler et Bentley disparut rapidement corps et biens.

           

Parmi ces premiers romans à six shillings publiés en 1895 figuraient Almayer’s Folly de Conrad, Jude the Obscure de Hardy et la Machine à Voyager dans le Temps de H.G.Wells. En une année, le roman en trois volumes avait quasiment disparu et James, Hardy, Meredith d'autres commencèrent tous à voir apparaître leur travail en un seul volume. La révolution fut rapide, populaire et profitable. S'en suivit ce que beaucoup regardent comme l'âge d'or de la publication, depuis les années 1890 jusqu'aux année 1930, qui coïncida presque exactement avec l'âge d'or du Modernisme, avec la parution de Lord Jim, du Bon Soldat de Ford et du James tardif comme The Golden Bowl, bientôt suivi par Proust, Joyce, Pound, Eliot, Kafka, Woolf, Hemingway, Fitzgerald, Faulkner et tous les grands noms du mouvement qui ne furent en aucun cas célébrés immédiatement. Un coup d'œil à la sélection de John Gross dans THE TIMES LITERARY SUPPLEMENT, Le Mouvement Moderne, montrera que les réputations n'étaient pas toujours aussi assurées qu'elles le semblent aujourd'hui.

           

Ainsi le problème de promouvoir les auteurs du Mouvement Moderne dans un marché encore dominé par des écrivains victoriens génériques comme Ouida ou Anthony Hope fut résolu avec l'aide de libraires enthousiastes et des bibliothèques publiques. J'ai d'abord lu tous mes auteurs modernes préférés dans des librairies publiques : Firbank, Mann, Huxley, Waugh, Eliot, pendant que je laissais libre cours à mon goût pour les auteurs populaires tels que Wodehouse, Edgar Rice Burroughs et Clarence E. Mulford en sortant leur travail à deux pence la semaine dans nos bibliothèques commerciales toujours florissantes, indépendantes et attachées à la fois à des chaînes comme Boots ou W.H.Smith. Quand mon deuxième roman, Stormbringer, a été publié, on m'a demandé de le couper parce que le volet économique était ainsi fait qu'il fallait vendre un livre 12 shillings et 6 pence pour le rendre attractif pour les bibliothèques. Au fur et à mesure que l'économie de l'édition et de la librairie changeait, que le livre de poche remplaçait le volume emprunté, nous avons commencé à voir l'annonce de notre problème actuel avec la fin des bibliothèques commerciales et le fait que les bibliothèques publiques faisaient de plus en plus de réserves de bestsellers qu'elles ne voyaient pas auparavant l'intérêt d'acheter pour leurs emprunteurs. Des éditeurs qui dépendaient du commerce en bibliothèque, qui permettait de faire des commandes de plusieurs milliers de copies de n'importe quel titre, se trouvèrent à cours de bonnes affaires ou obligés de s'amalgamer avec d'autres firmes.

           

Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation presque similaire, bien qu'il soit plus coûteux d'acheter des livres d'un genre nouveau et plus difficile de trouver les auteurs à la plume affûtée qui nous stimulent. Comment brisons-nous le pouvoir de Waterstones ou de Barnes et Noble, qui prennent la part du lion sur les profits et le moins de risques ? En 1970, le décompte normal pour les éditeurs était de 33%, considéré comme une assez jolie somme à l'époque, et parfois un peu moins (disons 25%). En 2007, les éditeurs exigent et obtiennent fréquemment 55%. Cela signifie, comme Allan Massie l'a noté dans un article récent du Spectator (si vous ne suivez pas sa chronique inspirée ‘Life and Letters', je vous recommande de l'essayer), que les libraires décrochent la part du lion tout en prenant le moins de risques et en fournissant le moindre effort. L'auteur, naturellement, obtient la plus petite part.

           

Etant donné que cette situation est l'antithèse de la publication de bons livres osant prendre des risques, comment allons-nous abattre ce pouvoir et renverser la situation en payant à l'auteur une bonne part pour son investissement et au libraire une plus petite (quoique tout aussi juste). La réponse, bien sûr, est claire pour ceux d'entre nous qui ont travaillé pour des éditeurs en ligne depuis quelques années, spécialement ceux qui ont payé les auteurs pour leur travail ou ont été payés.

           

Avec des débouchés de vente au détail pour les éditeurs de POD, où un lecteur peut physiquement feuilleter et commander des livres s'ils ne sont pas encore prêts à visiter des librairies virtuelles, nous devrions pourvoir offrir une plus large sélection de livres et de magazines qu'avant et, en supprimant les intermédiaires, les vendre à un meilleur prix qui assurera tout de même que celui qui réalise le plus grand investissement en temps et en énergie reçoive la récompense la plus élevée. Plus l'édition électronique promeut ses marchandises de façon agressive et enthousiaste, plus elle défie les conglomérats et offre au public un plus grand nombre de titres véritablement expérimentaux. Tout cela mène à une vie littéraire bien plus saine.

Il me semble que les auteurs aussi bien que les éditeurs vont prendre les mêmes risques. Dickens a pris, quand il a publié ses livres en feuilletons pas chers, les mêmes risques que les auteurs ont pris quand ils ont laissé publier leurs livres à 6 shillings au lieu d'une demi-guinée, les mêmes risques qu'ont pris certains d'entre nous quand nous avons ignoré les magazines littéraires chics de notre époque et préféré voir notre travail apparaître dans de vulgaires magazines de gare aux couvertures exotiques et bariolées. A présent, POD et les autres éditions électroniques sont considérées par les chroniqueurs littéraires et d'autres comme une forme inférieure de distribution de fiction aux lecteurs, et comme une édition futile. Cela peut changer rapidement si nous faisons en sorte que ça change. De mon point de vue, nous ne devrions pas simplement chercher de nouveaux marchés par des formes existantes de fiction, telles que la nouvelle. Nous devrions recherches des formes personnelles d'expression en prenant des risques égaux à eux des éditeurs par voie électronique qui nous présentent les moyens d'atteindre un public populaire croissant. Cela aurait du sens que parmi les premières publications à réussir cette révolution, et à menacer sérieusement le pouvoir des corporations de libraires et d'éditeurs, se trouvent celles dont les racines plongent dans le genre qui a eu son premier départ en tant que forme indépendante quand Hugo Gernsback, usant de son propre argent et le medium populaire et bon marché du magazine 'pulp', a lancé AMAZING STORIES il y a quelque quatre-vingts ans.

Article originel.


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