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G.G Kay se demande : croyez-vous en la magie ?

Par Thys, le samedi 21 juillet 2007 à 14:21:14

Guy Gavriel Kay, dont on attend avec impatience la traduction du dernier roman en date par chez nous, s'est récemment fendu d'un article dans la presse canadienne revenant sur la magie en littérature, alors que le dernier Harry Potter s'apprêtait à être publié.
A présent que c'est le cas, revenons donc sur cette intéressante intervention, qui revient également sur notre propre perception de la magie. La voici maintenant intégralement traduite pour vous, par nos soins.
Bonne lecture !

L'article en lui-même

C’est devenu un sacré défi d’éviter Harry Potter ce mois-ci, entre la sortie du 5ème film et la très médiatisée publication du 7ème et dernier tome de la série (le chiffre 7 est très important dans les mythes).
Les bookmakers prennent les paris pour savoir si le garçon à la cicatrice survivra à la dernière page – et si oui, quel personnage secondaire va y rester. Il semble que tout le monde soit d’accord pour dire que tout le monde ne sortira pas vivant de ce roman. JK Rowling, aussi douée en marketing qu’en écriture (oui, on peut lier les deux), a laissé passer des indices pour nourrissent les spéculations – et l’anxiété.
Ceci dit, il semble évident que la magie et la sorcellerie sont dans l’air du temps et que c’est le moment est idéal pour en étudier le contexte et les antécédents – avant que tout le monde se mettent à courir autour d’un chêne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (ce qui était une action magique il fût un temps).
Il fût un temps, comme le dit Keith Thomas dans son remarquable Religion and the Decline of Magic (Scribner's, 1971), à peu près tout le monde aurait observé ce rituel, ou une variante locale, lorsqu’ils faisaient face à un événement dramatique ou menaçant. Si une vache était malade, une grossesse difficile, ou que le fils du voisin ne voulait pas nous remarquer, il y avait des herbes, des amulettes, des charmes – et des lanceurs de charmes qui savaient quoi faire. Cela remonte à un passé ancien, poussiéreux. Thomas montre comment des systèmes de croyance du 17ème siècle impliquaient l’acceptation d’un élément surnaturel et la nécessité pour les hommes et les femmes de faire preuve de prudence. Pour calmer les esprits, ou les invoquer, un sorcier, une sorcière, ou une sage femme pouvaient être appelés. Les religions organisées étaient au courant de tout cela, et livraient un combat féroce pour l’assimilation, en réponse. Nombre des plus anciennes églises en Angleterre ou ailleurs (Thomas se concentre sur l’Angleterre) se situent sur des sols déjà sacrés pour les cultes pré-Chrétiens – des étangs, des chênaies, des collines – pour qu’il soit plus facile pour les gens de transférer leur allégeance dans une nouvelle foi.
Keith Thomas parle également des tensions issues des Lumières, lorsque la science est venue ajouter sa voix à celle du clergé en dénonçant des rituels, des croyances et des traditions « primitives ». L’ironie ? La science a elle-même été dénoncée, bien entendu, alors que son histoire ancienne émergeait d’études, telle que l’astrologie, ou l’alchimie interdite : des hommes tentant – tels des sorciers – de transmuter un élément en un autre à la recherche de l’élixir de vie, ou de changer le plomb en or.
En lisant le travail de Thomas, on constate à quel point l’idée puissante de la persistance de la magie dans le monde est présente aux portes de notre âge moderne. Avant Potter, il y a eu le Seigneur des Anneaux évidemment. Toutes les discussions sur les sorciers dans la littérature contemporaine évoquent rapidement les personnages de Tolkien. Ce que peu de lecteurs réalisent, surtout ceux qui ne connaissent de sa vision que la version (ou distorsion) Hollywoodienne, est l’efficacité avec la quelle Tolkien le romancier s’est servi de Tolkien l’érudit. Cet homme a passé sa vie à étudier les mythes et le folklore. La magie chez Tolkien n’a rien d’arbitraire. Elle dérive élégamment des traditions qui remontent aux poèmes épiques Anglo-Saxons (et aux énigmes !), aux sagas islandaises, aux épopées finlandaises, The Kalevala entre autres. Les sorciers et la magie de Tolkien sont fondés dans des éléments de notre culture qui remontent à loin. Il n’y a rien d’enfantin dans la conscience de ces racines. Les mythes et légendes, les traditions sont les bases d’une société. On pourrait même dire que n’en avoir pas conscience nous expose à rester tels des enfants, ignorants des origines de notre propre monde et de notre vision de celui-ci.
En termes purement littéraires, depuis, aucun écrivain de fiction dans le genre, aucun de ceux qui ont utilisé l’idée d’un magicien, ne peut honnêtement dire qu’il n’a pas été influencé – directement ou indirectement – par le travail de Tolkien. Mais une grande partie de ses hordes d’imitateurs n’a pas pris la peine de remonter aux sources comme lui. C’est ce qui fait la différence.
Il y a bien sûr de petits bijoux au milieu de tout ce qui a suivi. Il y a encore des secteurs à explorer par la suite, après la fin de Harry Potter quelle qu’elle soit. Laissez-moi souligner d’un de ces bijoux. Il semble qu’il soit un peu tard, hélas, car l’auteur, Lloyd Alexander, est décédé le mois dernier. Alexander était un écrivain pour enfants doué, prolifique et généreux, il a eu une carrière qui a couvert un demi-siècle et qui a été plusieurs fois récompensée. Son œuvre majeure est The Chronicles of Prydain (Holt, Rinehart & Winston, 1964, 1965, 1966, 1967, 1968), une série de livres pour pré-adolescents que j’ai achetée pour mon jeune frère alors qu’il avait 8 ou 9 ans, et que j’ai lu avec mon plus jeune fils quand il a eu le même âge. A partir des mêmes traditions que Tolkien, vues à travers une plus grande sensibilité et pour un lectorat plus jeune, Alexander a créé un monde inspiré du Pays de Gales médiéval et l’a empli de musique et d’humour. Son Prydain est un endroit où les frontières entre « l’ordinaire » et le surnaturel sont…perméables, et le défi pour ses jeunes héros (garçons et filles) est de distinguer l’un de l’autre, peut-être autant que de gérer les quêtes dans lesquelles ils se lancent.
Dans les livres d’Alexander, les sorciers et leur relation au pouvoir offrent souvent une porte – petite mais non sans périls et leçons à en tirer – qui peut mener le jeune lecteur sur la route d’une plus grande connaissance du monde réel. Il y a une autre sorte de magie là-dedans.

Article originel.


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