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Les films de fantasy, miroir de la réalité ?

Par Raven, le samedi 15 décembre 2007 à 18:10:35

Alors que les films fantasy de ces dernières semaines continuent de cartonner au box-office, le Los Angeles Times revenait en début de semaine sur les raisons du succès du genre. L'article traduit mets ainsi en avant le point de vue de plusieurs réalisateurs (Guillermo del Toro, Chris Weitz, David Heyman) pour tenter d'expliquer cet état de fait.

La Boussole d'Or

La traduction de l'article

La réalité est en filigrane dans les films de fantasy les plus fantastiques, disent les producteurs, et le public se rue pour les voir.

Si on leur donne le choix entre l'Irak et le pays des fées, on voit très bien où les cinéphiles préfèreraient passer leur temps.

En dépit de la saturation de films à thème politique proposés cette saison, le public s'est tourné vers un menu plus savoureux : La Boussole d'Or, située dans un univers parallèle peuplé de sorcières attirantes et d'animaux parlants, la douce romance musicale Il Etait une Fois, qui emmène une intrigue classique de Disney dans la New York moderne et la sombre aventure en images de synthèse Beowulf, où règnent les monstres en décomposition et les dragons d'or bruni.

La Boussole d'Or était n°1 au box-office cette fin de semaine. Le film a poussé Il Etait une Fois à la deuxième place en rapportant environ 26,1 millions de dollars aux Etats-Unis et au Canada, selon les ventes de billets citées dimanche par New Line Cinema.

Et tout cela arrive sur les talons de l'énorme succès du Seigneur des Anneaux, de la franchise Harry Potter et des Chroniques de Narnia : le Lion, la Sorcière et l'Armoire Magique de 2005.

Un film fantastique à succès mélange le familier et l'imaginaire. Par tous leurs éléments extraordinaires, les mondes de Harry Potter et de la Terre du Milieu semblent tangibles et habitables, souvent plus que l'univers dépeint à coups d'aérographe des X-Men ou de Superman. Mariant l'émerveillement de l'enfance à des thèmes plus adultes (avec en cours de route des combats propres à ravir les adolescents), le résultat, du moins les studios l'espèrent, est une bombe démographique intelligente dont les pouvoirs de génération de revenus ne retombent jamais.

La fin façon conte de fées mise à part, le monde de fantasy n'est pas toujours un endroit agréable. Harry Potter a perdu un camarade de classe et un père adoptif, et les lecteurs savent que le pire du carnage est encore à venir. Même la paisible Narnia est assaillie par la guerre.

On est toujours tenté de retomber dans les lieux communs en disant que c'est de l'évasion loin du réel, et que nous avons vraiment besoin de ça maintenant, dit l'auteur-réalisteur de la Boussole d'Or Chris Weitz, qui a adapté le script du film à partir du roman de Philip Pullman, premier tome de la série A la Croisée des Mondes. Mais si vous regardez bien le Seigneur des Anneaux ou A la Croisée des Mondes, ils ne parlent pas d'évasion autant qu'ils traitent, au moins par analogie, des choses qui se produisent en politique et dans la société.

Les meilleurs films de fantasy reflètent ce qui se passe aujourd'hui, ajoute David Heyman, qui produit actuellement Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, qui sort l'année prochaine. Je pense que les films de Harry Potter reflètent, d'une certaine façon, les problèmes de loyauté, de confiance et d'amitié, de la propagande et de la désinformation, et des gens qui ne sont pas préparés à voir ce qui est juste sous leur nez, qui désirent voir uniquement ce qu'ils ont envie de voir.

Générer de l'authenticité

L'explosion des films de fantasy doit en partie son existence à la puissance grandissante de l'imagerie de synthèse. Il est difficile d'imaginer de quoi le combat d'ours polaires de la Boussole d'Or aurait eu l'air il y a dix ans, et les précédents essais d'adaptation cinéma des livres de Narnia écrits par C.S. Lewis ont vu leur sort scellé par l'aspect maladroit et mal fichu de leur personnages animaux.

Mais le scénariste-réalisateur Guillermo del Toro pense que cette poussée a moins à avoir avec la technologie qu'avec le sujet abordé. Del Toro, qui situe sa fable violente Le Labyrinthe de Pan durant la guerre civile espagnole, affirme que les traumatismes sociaux trouvent souvent leur plus puissant exutoire dans le monde de la fantasy.

Les genres fantastiques ont véritablement un effet de valve de pression, dit-il. "Tous - horreur, fantasy, science-fiction - servent à la fois à faire face à de graves problèmes et/ou à leur échapper. Mais je pense que les films de fantasy réalisés à une époque donnée sont une image soit déformée soit fidèle du temps où ils ont été créés. Ils sont un miroir de la réalité, même si vous essayez de lui échapper.

Les histoires derrière les franchises épiques brodent souvent autour des mêmes archétypes, ce qui signifie une certaine redondance. Le Lion, la Sorcière et l'Armoire Magique et La Boussole d'Or montrent tous les deux des bêtes amicales mais imposantes auxquelles des comédiens britanniques prêtent leur voix, et le Jordan College de La Boussole d'Or présente plus qu'une simple ressemblance avec Poudlard.

De façon plus pratique, La Boussole, comme les films de Potter et Narnia, a été tournée à Londres et les trois font usage de la même école de talents londoniens. Par chance, vous n'êtes jamais à court de grands acteurs de théâtre britanniques, assure Weitz.

De loin, Weitz parvient à établir une distribution distincte de personnages, bien que les magiciens antagonistes du Seigneur des Anneaux refassent une apparition : Ian McKellen prête sa voix à l'ours en armure Iorek Byrnison, et Christopher Lee joue un grand conseiller venimeux à souhait.

Le Seigneur des Anneaux a été le premier à démontrer la puissance du genre fantasy au box-office, mais le producteur Mark Johnson affirme que la série des Narnia doit la vie, et en particulier sa fidélité à sa source, aux films de Harry Potter.

Durant l'ère pré-Potter, raconte Johnson, les studios supposaient que les enfants américains étaient incapables de se sentir proches de personnages britanniques. Son adaptation de La Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett en 1995 a été délocalisée de Londres à New York de façon forcée.

Après ça, Harry Potter est arrivée, et toutes ces lignes culturelles ou géographiques ont été brisées, dit-il. Quand Le Lion, la Sorcière et l'Armoire Magique était en développement à la Paramount, l'impératif était de le situer aux Etats-Unis, et ça n'allait tout simplement pas. Vous pouvez trouver une façon de l'adapter, mais ce n'est pas le livre.

Si les recettes du théâtre sont une bonne indication, le public américain préfèrent sa fantasy avec un accent britannique. Une franchise maison comme Eragon et A Series of Unfortunate Events ont réalisé une sous-performance et une version américanisée des Portes du Temps de Susan Copper s'est joliment plantée au décollage.

Pullman, comme C.S. Lewis et J.R.R. Tolkien avant lui, a étudié à Oxford et a réalisé A la Croisée des mondes comme une attaque contre la religiosité dissimulée de la série Narnia. Mais bien que des observateurs culturels aient eu très envie d'analyser La Boussole sous l'angle de l'athéisme reconnu de Pullman, l'ironie est que, dépouillée de ses références les plus marquées à l'Eglise catholique, La Boussole ressemble beaucoup au Lion, la Sorcière et l'Armoire Magique, qui lui-même a subi un coup de chirurgie plastique pour éviter de choquer tel ou tel spectateur.

Essayons de ne pas insulter

Les affreux de La Boussole portent toujours des vêtements ecclésiastiques, mais l'autorité qu'ils représentent à été reconfigurée en une collection de moralistes totalitaires, plus comme un parent sévère que comme un prêtre désapprobateur.

C'est là pour les gens qui veulent le voir, mais pas d'une façon qui agresse le spectateur qui se trouve être une personne religieuse, dit Weitz.

Mais Del Toro affirme que les films de fantasy sont inextricablement liés aux questions spirituelles, peu importe à quel point les producteurs tentent de les noyer. De la même façon qu'aucun film ne peut être apolitique, ces films de genre ne peuvent éviter d'être quelque peu spirituels. Ils peuvent être un exercice mal tourné de spiritualité. Mais peu importe qu'ils essayent de l'éviter, ils touchent à des sujets... enracinés dans la spiritualité.

Dans un monde dominé par la rationalité, Del Toro voit la fantasy comme le dernier refuge de l'inconnu, un lieu où poser des questions qui échappent encore à la science.

Plus nous faisons entrer la technologie dans nos vies et plus nous démythifions nos croyances, plus nous créons un vide, dit-il. En tant qu'entités spirituelles, nous avons besoin de le remplir avec quelque chose, une mythologie ou cosmologie qui nous permet de croire à quelque chose au-delà de notre prochaine facture de téléphone portable... et du dernier jeu sur Nintendo. Je pense que les films de ce genre font cela. Ils rendent le surnaturel ou le magique abordables pour la génération du 'ici, maintenant' supposée fatiguée de tout.


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