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Ouvrir de nouvelles portes dans l’édition en temps de crise

Par Julie, le jeudi 29 avril 2010 à 15:08:15

PWL’année passée, les ventes de livres ont stagné, ce fut une période sombre pour le monde de l’édition : record absolu des licenciements, du gel des embauches et des réductions de moyens en tous genres.
La récession étant loin d’être finie, il semble risqué de se lancer dans l’aventure d’une nouvelle publication, même pour les maisons d’éditions les plus stables. Malgré cela, plusieurs éditeurs tentent le coup.
Retrouvez ci-dessous la traduction complète de cet article de JoSelle Vanderhoof paru sur le site de Publishers Weekly, et concernant l'édition américaine.

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L'article complet traduit

Alors que les failles de l’économie se sont creusées en 2008 pour devenir un véritable gouffre en 2009, un certain nombre de nouvelles collections audacieuses et de sociétés d’éditions et filiales ont vu le jour. Certaines ont été lancées par de gros éditeurs, conscients du potentiel de développement, et d’autres par des compagnies plus modestes, prenant le risque de produire ce que n’auraient osé faire de nombreux éditeurs, à l’heure où les livres qui ont fait leurs preuves permettent de payer les factures. Quelle que soit leur importance, ils ont tous une chose en commun : un énorme intérêt pour la science fiction et la fantasy.   Tout comme les romans à l’eau de rose, insensibles à la récession, ces deux genres ont pu compter sur des ventes constantes et un lectorat fidèle tout au long de la crise, particulièrement pour les classiques du genre, comme la High fantasy, le Space opéra, ou le mastodonte Star Trek, à qui J.J Abrahams a insufflé une nouvelle vie avec son remake en 2009.   « Notre publication de longue date dans l'univers Star Trek suit son cours », déclare Anthony Ziccardi, vice président et éditeur adjoint chez Simons & Schuster’s Gallery Book, qui a lancé en septembre 2009 une sorte de combinaison entre le livre de poche et la réédition à couverture souple ainsi que la ligne Simon Spotlight Entertainment. « Plus de 35 ans après le lancement de la franchise, nous publions toujours un nouveau Star Trek chaque mois. Les ventes de nos ouvrages sont en hausse et nos intrigues sont sans cesse renouvelées, plus en adéquation avec ce que veulent les fans ».  

High Fantasy et Angry Robots

  Alors que des genres aussi variés que la littérature féminine, les mémoires, et les livres de culture populaire tombent sous l’égide de Gallery, les gammes de SF et fantasy sont puissantes, surtout quand il est question de titres de jeux vidéo. Avec sa gamme Star Trek, la collection entretient, selon Ziccardi, « une relation de longue date avec Blizzard Entertainment» compagnie à qui l’on doit les jeux World of Warcraft et Diablo, au succès retentissant.   « Ce qui était autrefois considéré comme le seul genre grand public est devenu aujourd’hui ce qui se vend le mieux en terme de livres reliés, de vente et de programme grand public pour Gallery, » déclare-t-il. « En fait, notre première édition reliée de World of Warcraft a été un bestseller du New York Times, et nous sommes sur le point de sortir notre première édition de Star Craft. » De plus en plus de titres de fantasy traditionnelle et de SF attirent les fans des adaptations de jeux vidéo. Ziccardi déclare que Gallery se plonge également dans l’heroic Fantasy.
En ce moment, la collection s’intéresse à des auteurs comme Chris Evans, dont la série des Elfes de Fer, qui s’est très bien vendue, a été saluée par les critiques. C’est très stimulant de percer le marché de l’heroic fantasy et de prendre le temps de voir évoluer les auteurs » explique Ziccardi. Cela dit, nous pensons avoir une bonne équipe d’auteurs avec le potentiel pour exploser dans cette catégorie. »   De nouvelles collections sont sur le point de sortir dans différents domaines, y compris dans la catégorie très sensible des « jeunes adultes », que l’assistant d'édition de chez Angry Robot Books qualifie de « post YA » (post jeune adulte). Pour attirer l’intérêt de ces lecteurs, Harper Collins UK a lancé Angry Robot en mars 2009, spécialisé dans ce qu’Harris décrit comme de « la littérature avec de l’adrénaline, pour la génération Xbox », des livres qui n’ont pas vraiment de place dans les catégories qui régissent depuis longtemps les publications SF et fantasy. « En tant que lecteurs, le directeur de publication Marc Gascoigne et moi voulons publier des livres pour lesquels nous pourrons nous passionner, et le fait de découvrir des styles nouveaux et excitants contribue à alimenter cette passion ».   Jusque là, ces nouveautés sont le conte chimérique de Kaaron Warren, Walking the Tree, le premier roman de Ian Whates, The City of Dreams and Nightmares, retraçant l’histoire d’un jeune gamin des rues à travers une ville de dédales et de secrets, et King Maker de Maurice Broaddus, une réinterprétation du mythe Arthurien, impliquant des gangs de rue. King Maker a suscité beaucoup d’attention grâce à l’illustration de sa couverture, où son protagoniste noir est représenté en pied. Suite aux scandales de censure raciste autour de Bloomsbury USA, des illustrations de couvertures explicites peuvent poser problème. Ce dernier a en effet illustré les couvertures des romans Liar de Justine Larbalestier et Magic Under Glass de Jaclyn Delamore par des jeunes filles blanches, alors que leurs héroïnes ont la peau noire. Mais Harris a déclaré que personne chez Angry Robot n’avait eu l’impression de faire quoi que soit de politique.   « Lorsqu’une décision est prise quant à la représentation d’un personnage sur une couverture, bien sûr nous tachons de le faire aussi fidèlement que possible. Pour quelle raison ne le ferions-nous pas ? » demande-t-il. « Lorsque la couverture de King Maker a commencé à suscité autant d’attention positive, naturellement nous avons été ravis, mais aussi déconcertés, mais nous n’avons jamais songé à faire les choses différemment.  Et nous ne méritons pas les honneurs qui nous ont été adressés car ce n'était pas volontaire. »  

Atteindre les lecteurs de couleur.

  Les débats animés sur les forums à propos du racisme dans la fiction spéculative ont donné naissance à Tu Books en 2009. Les discussions sur le RaceFail (ou appropriation culturelle dans la SF), m’ont aidé à déterminer pourquoi en tant qu’éditeur j’étais tellement attiré par des histoires plus multiculturelles », déclare Stacy Whitman, éditeur de livres YA, ancienne de chez Mirrorstone Books, qui a lancé Tu Books avec une petite société d’édition dédiée à la SF et à la fantasy pour jeunes adultes dépeignant des personnages de couleur. Whitman, qui a récemment été licenciée, remarque qu’il s’agissait également d’un moyen de créer « mon propre emploi dans un marché sans emploi. »   Alors que les propos de Whitman se répandaient sur Facebook,  Twitter, et autres sites de réseaux sociaux, les donations ont commencé à arriver via Kickstarter, un site web de collecte de fonds. « Les blogueurs y ont vu une nécessité, ont vu que nous nous installions pour combler ce besoin, et en ont parlé avec leurs amis et followers, » raconte Whitman. « Je pense que leur enthousiasme est la preuve du nombre de gens qui pensent qu’il y a une place pour ce que nous sommes en train de faire. »   La campagne Kickstarter a attiré l’attention de l’éditeur Lee & Low, spécialisé dans les livres pour enfants, et la société a acheté Tu Books pour en faire une filiale le mois dernier. « L’acquisition était la chose idéale à faire », déclare Whitman. Travailler avec un éditeur établi qui partage ses valeurs lui permet de produire plus de livres tout en gardant l’indépendance qu’elle avait en tant que propriétaire de Tu, indépendance lui permettant de chercher et d’accepter des livres d’auteurs débutants.   « Nous espérons que la variété des auteurs que nous publions sera aussi diversifiée que les personnages sur lesquels ils écrivent », explique Whitman. « Je veux m’assurer, surtout pour les groupes sous-représentés qui ont été historiquement privés moyens de s’exprimer (je pense aux tribus des natifs américains) que nos livres respectent leurs idées. Mais je pense aussi qu’il est possible et bienvenu pour des écrivains d’écrire à travers les cultures, car qui voudraient des livres complètement ségrégationnistes sur la race ou la culture ? »  

Petite société d’édition, grande famille.

  Toutes les nouvelles catégories de maison d’édition  ne sont pas des filiales de maisons plus importantes. Les publications canadiennes indépendantes ChiZine ont été lancées comme une ramification du Chiaroscuro Webzine (ou ChiZine), quand son éditeur associé Brett Alexander Savory a perdu son emploi d’éditeur chez Scholastic Canada. Tout comme Whitman, Savory et sa femme, Sandra Kasturi, ont senti que c’était l'électrochoc qu’il leur fallait pour devenir leur propre patron.   « A l’origine, nous envisagions CZP comme une boite d’édition où nous imprimerions à la demande tous les trois mois, de quoi compléter nos emplois à temps plein », explique Savory. « Mais avec la récession, c’est devenu très compliqué de trouver un autre emploi dans l’édition éducative, alors nous avons décidé que si nous voulions faire marcher cette histoire d’édition de fiction, (nous) ferions aussi bien de nous y investir totalement. » CZP est maintenant passé à l’offset et peut s’enorgueillir d’avoir aujourd’hui 13 titres à l’impression, avec six de plus à sortir à l’automne 2010.   CZP se focalise sur ce que Savory appelle  un «style littéraire aux influences dark. » Il explique : « je suppose que ce que nous essayons de faire c’est de généraliser l’idée selon laquelle l’horreur, la SF et la fantasy n’ont pas à être aussi cliché, regorgeant de personnages invraisemblables. Nous essayons d’éviter le genre métaphorique, en mettant l’accent sur les personnages et la voix narrative en elle-même. »   En tant qu’indépendants, Savory et Kasturi disent qu’ils peuvent d’avantage se concentrer sur chaque livre qu’ils publient, du design au marketing. « Il est évident que nous avons des relations plus privilégiées avec nos auteurs que les grosses maisons d’édition, étant donné le nombre d’auteurs avec qui ils travaillent ». Nos auteurs ont une plus grande implication vis-à-vis de leur couverture, et nous pouvons nous permettre plusieurs rendez-vous pour tout ce qui concerne la publicité et le marketing », explique Savory. « Nos auteurs ont souvent trouvé que CZP était comme une famille, et nous faisons tout pour perpétuer ce sentiment ».  

Ô numérique, meilleur des mondes.

  Peu importe leur mission ou le marché visé, ces nouveaux arrivants partagent tous une compréhension des nouveaux moyens technologiques, qui ont drastiquement remodelé la publication au cours des cinq dernières années. Whitman a initialement fait la promotion de Tu Books par le biais de son blog et d’une vidéo en ligne où des enfants de couleur et des auteurs parlent de l’importance de la diversité raciale et culturelle dans la fantasy. En tant qu’employée de Lee & Low, elle est dorénavant présente sur les pages Facebook et Twitter de la filiale. Fidèle à l’image jeune et tendance de Angry Robot, Harris et Gascoigne on créé Robot Army, qui tente d’utiliser le bouche à oreille pour faire sa pub, en offrant des livres gratuits et des scoops en avant-première aux bloggeurs critiques.   “Il est bien sûr impossible contrôler la publicité par le bouche à oreille, mais créer une liste de blogueurs et de sites de critique et développer une relation avec eux permet d’entamer le processus de bouche à oreille, » déclare Harris. « Le budget marketing est très serré pour de nombreuses collections, surtout pour les filiales intermédiaires comme les nôtres. C’est une question de concentration, et Robot Army est un moyen formidable de canaliser l’enthousiasme de tous les bons blogs littéraires qui sont nés au cours des dernières années. »

Une autre méthode au coût limité a gagné en popularité ces dix dernières années : l’e-book. Autrefois stigmatisé comme l’apanage bourré de fautes des auteurs auto-publiés et des petites sociétés d’éditions douteuses, du fait de ses coûts limités, l’e-book a pris de l’ascendance grâce à l’avènement de dispositifs tels que Kindle chez Amazon ou le Sonny Reader. Les e-books sont devenus des produits courants pour de nombreux éditeurs, bien que représentant typiquement une source de revenus secondaire. A ce jour, le système ne s’est réellement banalisé que dans le genre romanesque.   « Ca va changer », explique Angela James, éditrice exécutive de Carina Press, nouvelle filiale entièrement numérique des Editions Harlequin. « Cela fait plusieurs années que je pense qu’il y a des opportunités dans le genre SF et fantasy numérique, surtout pour un éditeur prêt à créer ce marché, » dit-elle. « Nous sommes vraiment intéressés. »   Alors que la plupart des lecteurs connaissent d’abord Harlequin pour ses romans à l’eau de roses et érotiques, Carina, qui publiera son premier titre en juin, est en train de s’emparer de différents genres : thriller, horreur, SF et fantasy. Les avantages d’utiliser la publication numérique dans ce but, explique James, sont nombreux.   « Une première édition numérique permet de mesurer un marché en quelques mois plutôt qu’en années, de publier une œuvre intéressant un public particulier, de réagir rapidement face aux tendances et intérêts des lecteurs, qu’un livre ne soit jamais épuisé après sa première édition ou lors des premiers mois de vente», explique James. « Je crois que tous ces principes peuvent s’appliquer à la SF et à la fantasy car ils sont universels dans la publication. Si vous avez essayé de vous faire publier, ou avez été publié, il y a des chances que vous ayez eu à vous soucier de l’un ou de plusieurs de ces aspects. »   Les auteurs et éditeurs ont également tous du souci à se faire avec le marketing, procédé de plus en plus contrarié par les licenciements et la restriction des budgets, même dans les maisons d’édition les plus solides. « Puisque chez Carina ce sont tous des vétérans aguerris de la publication numérique, déclare James, ils sont prêts à relever le défi. »   « Les éditeurs numériques ont développé leur propre stratégie et se sont familiarisés avec les blogueurs, les sites de critique, ainsi que les réseaux sociaux depuis des années, alors que beaucoup d’éditeurs traditionnels entrent tout juste dans l’ère du numérique », explique-t-elle. « Chez Carina, nous avons déjà commencé à travailler avec les auteurs sur le marketing et la promotion. Notre but n’est pas nécessairement de le faire pour eux, mais de les aider à découvrir, construire et utiliser les outils qui leur conviennent, de façon à leur donner des bases solides pour créer leur style et se connecter avec les lecteurs. Nous occupons-nous également du marketing ciblé et la promotion ? Oui, mais dans le marché actuel de l’édition, nous reconnaissons que les auteurs tireront aussi profit des outils et des idées qui leur auront été donnés pour pouvoir également se promouvoir eux-mêmes. »  

Le chemin à parcourir

  Alors que l’économie se dirige lentement vers une amélioration, seul le temps nous dira comment ces entreprises évolueront sur le marché. Mais le fait que toutes soient nées dans le pire climat financier que nous ayons connu depuis la Grande Dépression n’est pas forcément synonyme d’un échec inévitable, tout comme un contexte de boom économique ne garantit pas le succès.   Harris chez Angry Robot déclare : « Je ne suis pas sûr qu’il y ait un bon ou un mauvais moment pour lancer une entreprise de ce genre. A l’inverse, je ne suis pas convaincu que n’importe quand soit un moment particulièrement mauvais. S’il n’y avait pas eu la crise, il y aurait tout un tas d’autres raisons pour ne pas le faire, la récession en soi n’a pas tellement de pertinence. Le meilleur moment pour créer n’importe quel nouveau business, et cela vaut aussi pour l’édition, c’est quand vous êtes transporté par votre idée et que vous êtes sûr d’avoir les bonnes personnes à vos côtés. »

Article originel.


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