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Salon du Livre : interview de Mélusine Vaglio

Par Aléthia, le mercredi 15 avril 2009 à 23:47:31

Mélusine VaglioLors du Salon du Livre, nous avons eu la chance de rencontrer Mélusine Vaglio, juste après sa séance de dédicaces. Réfugiées dans le Salon Hachette, nous avons du lutter pour nous entendre face à un Guy Bedos très en forme et très en poumons ! Un souvenir mémorable !
Lors de cet entretien, nous sommes revenues sur le succès de Kitty Lord, mais nous avons également évoqué les futurs projets de son auteur.
Je tenais à remercier Mélusine Vaglio pour sa gentillesse et sa disponibilité, ainsi que l'équipe d'Hachette qui a organisé cette rencontre.

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Interview de Mélusine Vaglio

Après le Salon du livre de Montreuil vous voici au Salon du Livre. Comment vivez-vous ce genre d’évènements, notamment au niveau du contact avec les fans ? Maintenant que la série des Kitty Lord est terminée, est-ce que les questions que vous posent les fans sont différentes ?
C’est agréable de retrouver les mêmes fans de salon en salon parce qu’un vrai dialogue et une complicité s’installent au fil des rencontres. Il y a une continuité et une pertinence dans les remarques qui me sont faites par ces lecteurs attentifs, critiques et curieux. En ce moment, une question les intéresse beaucoup : comment discerner la part de réalité et de fiction dans Kitty Lord ?
Surtout que vos romans mélangent effectivement mythes existants et création littéraire et que vos lecteurs n’ont pas toujours les références culturelles nécessaires.
Il est vrai que la part du mythe avec la création littéraire qu’il génère est très importante dans la série. Le mythe qui sous tend la trame narrative de Kitty Lord est issu des Apocryphes retrouvés à Qumran. Mais, le lecteur n’a nullement besoin d’avoir un bagage culturel pour comprendre mon intrigue et mes idées. Je ne veux pas me contenter d’un univers purement imaginaire, parce que je trouve que le recours à un mythe existant permet d’enrichir l’univers fictionnel : un des rôles essentiels du mythe est de proposer des réponses aux questions essentielles qui ne manquent pas de se poser au cours d’une vie.
Votre tétralogie a eu beaucoup de succès. Comment avez-vous géré l’attente des fans au fil des sorties ? Est-ce que le poids de cette attente fut parfois difficile?
J’avoue que je tiens peu compte des avis extérieurs. Lorsque je suis dans la phase d’écriture, je reste concentrée sur mon histoire ; je travaille avant tout pour mon plaisir et, à ce moment-là, je ne me pose aucune question. Ce serait exagéré de parler du poids de l’attente.
La publication de Kitty Lord et l’Arcane cosmique a donc marqué la fin de votre tétralogie. Quel regard portez-vous sur votre parcours ? Avez-vous l’impression que votre regard d’écrivain a changé au fil des tomes ?
J’ai l’impression que je ne réécrirais peut-être pas la série de la même manière, je mettrais davantage l’accent sur les personnages secondaires, qui disparaissent progressivement de la série au profit de la seule Kitty. Au terme de cette première expérience, je dirai que la pratique de l’écriture relève tout autant de la rigueur dans son exercice que de la pure inspiration.
Kitty Lord, votre héroine, descend des Nephilim, des êtres issus de l’union des hommes et des Anges déchus. Ce mythe biblique pourtant fascinant était peu connu jusqu'à lors et peu utilisé dans la littérature. Pourquoi avec choisi d’axer votre série autour des Nephilim ?
Il s’agissait de trouver un terrain un peu vierge pour éviter les incontournables vampires, sorciers, dragons and co ! Les Néphilim constituaient le sujet le plus intéressant pour élaborer mon intrigue, parce qu’ils me permettaient de parler des mutants, une question qui me passionne. Dès les grandes épopées de la Grèce antique, on constate que les héros sont des êtres portant le poids d’une double hérédité, divine et humaine difficile à gérer, déjà des sortes de mutants. Descendante des Néphilim, Kitty est porteuse d’un questionnement sur le Mal : si elle est issue d’une lignée maléfique, elle découvre au fil de la série, à son grand soulagement, qu’elle est missionnée pour faire le Bien. Cette ambigüité intrinsèque dont elle est porteuse, attire d’ailleurs l’attention de Von Cramm, le savant fou du Centre Genesis, qui ne manque pas de remarquer que c’est sous l’effet de crises de colère qu’elle déclenche involontairement des phénomènes. Une telle contradiction rend à plus d’un titre l’héroïne fascinante.
Lorsqu’on lit votre série, l’on sent que le travail de recherche préparatoire a été considérable. Vous avez d’ailleurs entamé la rédaction d’un écrit historique sur les Nephilim en vous basant sur les manuscrits de Qumram. Pourquoi avoir décidé de poursuivre l’aventure au-delà de la fiction ?
J’ai souhaité écrire un ouvrage documenté pour faire connaître les Néphilim au grand public, quand j’ai réalisé que ce mythe n’était répertorié que par une poignée de spécialistes. Mon étude m’a permis de découvrir qu’il existait un véritable cycle concernant les Néphilim, dont fait partie le Livre d’Hénoch que je mentionne à plusieurs reprises dans Kitty Lord. Cela me plaisait de faire découvrir ces créatures que je trouve fabuleuses. Comment ne pas s’étonner d’apprendre que les Chrétiens ont longtemps cru qu’en des temps reculés de l’histoire humaine des Anges de la catégorie des Veilleurs étaient descendus sur Terre, attirés par la beauté des femmes et que de leurs accouplements était issue une lignée d’êtres hybrides dangereux : les Néphilim ? Plus incroyable encore ! Les théories du complot actuelles, qui fleurissent sur la toile, se nourrissent du mythe des Néphilim pour accréditer des délires sur des créatures inhumaines qui trameraient un complot mondial. À travers mon étude sur les Néphilim, j’ai donc cherché à montrer qu’un nombre non négligent de structures psychoculturelles de l’imaginaire moderne puisaient leurs sources dans de vieux textes oubliés.
La série des Kitty Lord mélange les genres. On retrouve Les Nephilim bien sûr, mais aussi des soucoupes volantes, des humains possédant des pouvoirs psi, on y parle aussi de manipulations génétiques. A vous lire, on sent que tout cela vous fascine. D’où vous vient cette passion pour l’ésotérisme ?
Aussi loin que je m’en souvienne, je me suis toujours intéressée aux phénomènes paranormaux. Quand j’avais onze ans, je lisais notamment Inexpliqué, une revue hebdomadaire dont je n’aurais manqué un numéro à aucun prix. Il se trouve que les grands écrivains, Balzac, Dumas, Hugo se sont eux aussi intéressés à l’ésotérisme, ce qui me déculpabilise un peu de cette marotte.
Certains critiques ont relevé une certaine noirceur dans votre écrit. En effet, les enfants doivent souvent faire face à des adultes qui les manipulent au nom de la science ou qui les poussent à subir ou à infliger les pires violences, notamment lors de l’affrontement entre les Alphas et les Omégas au Centre Genesis où un seul d’entre eux doit s’en sortir. Êtes-vous d’accord avec ce commentaire ? Considérez-vous cette part de « noirceur » comme nécessaire dans la littérature jeunesse ?
Il est vrai que dans le premier volume, Von Cramm légitime par le « struggle for life » ces expérimentations illégales sur les enfants. La littérature ne peut se permettre d’ignorer le contexte social, et le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus violent et fondé sur la rivalité. La noirceur dans Kitty Lord n’est pas gratuite, elle relève d’une véritable nécessité narrative qui s’apparente à celle des contes. Comme le montre Bettelheim dans son admirable analyse des contes de fées, les contes destinés aux enfants sont très noirs, à base de récits de prédation et de dévoration extrêmement violents. Or, cette violence a une fonction bien précise : elle permet d’exorciser les peurs et les angoisses dès lors que la démarcation entre le Bien et le Mal est nette et que la fin du récit apporte une résolution positive. Je remercie mon éditrice de m’avoir permis de m’exprimer sans contrainte. Mais, je dois dire que je lis peu de littérature jeunesse, j’ai donc beaucoup de difficulté à évaluer le degré de noirceur dans Kitty Lord.
Comment réagissez-vous aux critiques de livres ? Sont-elles toujours importantes pour vous ? Cela vous a-t-il parfois gênée dans votre travail d’écrivain ?
Il est vrai qu’au début, certaines critiques désobligeantes m’ont affectée, surtout lorsqu’on m’a accusée de m’être inspirée du jeu de rôles Néphilim, que je ne connaissais pas au moment où j’écrivais mon premier tome. C’était une allégation infondée, preuve que le critique ne m’avait pas lu, car si le jeu de rôles porte bien le nom de Néphilim, il en méconnaît totalement le mythe. Il suffit de consulter le site référent pour s’en persuader tout de suite. En réalité, j’ai surtout trouvé l’auteur de cette critique stupide. D’autres ont fait des parallèles entre Kitty Lord et des épisodes de séries télévisées dont j’ignorais jusqu’à l’existence. Par ailleurs, c’est vraiment méconnaître le travail d’écriture que de croire qu’une intrigue peut se constituer à partir d’un patchwork hétéroclite. Si ces remarques me touchaient au début de ma carrière, cela me laisse maintenant surtout perplexe quant à la pertinence d’une certaine critique littéraire.
Internet est devenu un outil indispensable pour la promotion des livres. Est-ce que pour vous le web est important pour communiquer avec vos lecteurs ? Comment jugez-vous l’émergence de ce nouveau média et son influence sur la littérature ?
La toile est un moyen de communication génial car, en tant que média planétaire, elle apporte un plus inestimable aux réseaux de publicité traditionnels. Avec l’ouverture récente du site de Kitty Lord, je réalise chaque jour davantage l’impact de ce média au niveau mondial et son caractère nécessaire. Je suis heureuse de savoir que j’ai des fans au Canada, en Belgique et dans les pays les plus éloignés. Même pour mon propre compte, je trouve jubilatoire l’immédiateté de l’accès aux données les plus diverses grâce à Internet.
Et avec votre site, vous pouvez interagir directement avec vos lecteurs.
Tout à fait. Cela crée une interaction réciproque qui permet de poursuivre une relation réelle avec les lecteurs en dehors des salons.
Quels sont vos projets à présent que votre tétralogie est achevée ? J’ai ouï dire que vous travailliez sur une nouvelle trilogie. Pouvez-vous nous en parler ?
Je travaille effectivement sur une nouvelle trilogie mais le thème doit en rester secret et je préfère ménager le suspense pour mes lecteurs.
Merci Mélusine Vaglio pour cette interview.
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