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L'Architecte de la vengeance

Titre VO: Riot Baby

Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Onyebuchi, Tochi
Traduction : Homassel, Anne-Sylvie

Ella a un don.
Quand elle regarde un enfant, et avant que son nez ne se mette à saigner, elle sait s’il va devenir infirmier en gériatrie ou s’il va mourir avant l’âge de onze ans, étendu sur un trottoir, les yeux vers le ciel, fauché par l’incompréhensible guerre des gangs qui ensanglante son quartier depuis toujours.
Pirus, Crips, Bloods… la violence a tant de noms à Compton.
Quand Kevin, son frère, voit le jour en 1992, pendant les émeutes provoquées par l’acquittement des policiers impliqués dans l’affaire Rodney King, Ella sait déjà que sa famille va déménager de la Californie pour Harlem et qu’elle tiendra bientôt dans sa main sa première boule de neige. Mais quitter l’endroit d’où l’on vient ne permet pas toujours d’échapper à la violence et à l’injustice.
Ella a un don ; pour elle, pour Kevin, pour l’Amérique, sans doute le temps est-il venu de l’utiliser.

Critique

Par Gillossen, le 30/03/2022

Le nouveau texte de Tochi Onyebuchi, L’architecte de la vengeance, d’ailleurs bien davantage une novella, se révèle aussi concis que percutant.
C’est un récit âpre, qui nous laisse volontairement sans repères. Y compris avec cette traduction, comme l’explique même Gilles Dumay dans son introduction : pas de notes de la traductrice, qu’il soit question de remise en contexte historique (les émeutes de Los Angeles en 1992) ou plus culturelle (la définition du tchip), à l’image de ce que nous propose l’auteur ici, qui se concentre sur son histoire et son histoire seule.
Les premières pages, à l’écriture dépouillée de tout artifice, impose un rythme saccadé qui peut déconcerter, même si l’on s’y fait rapidement. La plume de Tochi Onyebuchi restera quant à elle à la fois crue et sèche du début à la fin, même si certains passages, souvent lorsque le Don d’Ella est impliqué, se font un peu plus évocateur. 
L’architecte de la vengeance s’interroge sur le poids du racisme à travers le parcours de Kev et de sa sœur, leur mère, mais surtout ce fils cadet donc, et ses longues années en prison. Des conditions de survie évoquées sans détour, l’ancrant dans un futur blême qui parait malheureusement si proche par certains aspects (surveillance permanente, puce implantée sous la peau pour suivre les délinquants une fois libérés, régime policier de plus en plus dur, etc…).  Et bien sûr, il est question de colère. Une colère que l’auteur décrit comme malgré tout teintée d’un peu d’amour, même s’il faut bien avouer, et c’est peut-être le seul écueil, que cette dimension n’est guère perceptible. Le personnage d’Ella, braise toujours brûlante, prête à entraîner encore et encore son frère avec elle, et pas seulement à lui ouvrir les yeux, inspire surtout la crainte. Mais, comme Onyebuchi le dit lui-même, comment ne pas être en colère dans cette société qui cherche encore à priver d’espoir toute une partie de sa population ?
A noter que l’ouvrage de moins de 200 pages contient également deux articles passionnants et terribles, signés du même auteur, se questionnant notamment sur la responsabilité de l’écrivain noir à l’heure des émeutes en Amérique, et comment aller au-delà des témoignages et des simples marques de soutien derrière son écran. On peut en ressortir facilement groggy. Mais pour paraphraser Onyebuchi, les mots peuvent constituer un refuge, lorsque l’on doit affronter ce qui nous trouble et nous blesse. 

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