Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Kristine Kathryn Rush parle des attentes des lecteurs

Par Ithildor, le dimanche 17 mai 2009 à 23:36:26

Kristine Kathryn RushKristine Kathryn Rush au travers d'un article sur son blog revenait il y a quelque temps sur le contrat qu'un auteur passait avec ses lecteurs au démarrage d'un livre. Il s'agit là d'un point très sensible puisque si l'auteur ne tient pas ses promesses, il risque de décevoir ses lecteurs. Kristine Kathryn Rush explique alors les différentes façons dont il peut s'y prendre pour s'y conformer ou alors s'en libérer de manière élégante.

Et vous que cherchez-vous dans un livre de fantasy ? Qu'est-ce qui vous plait tant dans cette littérature ?

L'article traduit

Comme je l’ai mentionné dans les « Recommandations de lecture » du mois de septembre, un livre que j’ai lu m’a donné l’idée d’écrire un article sur les attentes des lecteurs. [...]

Avant d’écrire cet article, je devais attendre que mes réactions face au livre se soient calmées. Comme je l’ai déjà mentionné auparavant, je ne crois pas à l’utilité de démolir le travail d’un autre écrivain. Au final, cela revient toujours à une question de goût. J’aime entendre que quelqu’un aime mon travail, et je suis sûre que c’est aussi le cas d’autres auteurs. J’aime aussi quand quelqu’un me fait remarquer un livre que je pourrais apprécier. C’est l’idée qui est derrière la partie « Recommandations de lecture » de ce site.

Le livre qui m’a fait penser à écrire cet article est l’œuvre d’un écrivain dont j’adore le travail. L’auteur (auquel je ferai référence en tant que A) a écrit un roman qui est un de mes livres préférés. Quand A a publié un nouveau roman après une trop longue absence, je l’ai immédiatement acheté.

Ce roman est un hybride de fiction historique et de fantasy. Il prend un évènement historique et promet d’y ajouter de la magie. Cet évènement est tellement important que même les plus ignorants en histoire d’entre nous en auront entendu parler. Pour les besoins de cet article, je vais dire que cet évènement est le bombardement de Pearl Harbor. Ce n’est pas le cas. Ce n’en est même pas proche (ni par l’époque, ni par le lieu, ni par l’engagement). Mais ils ont en commun d’être des évènements soudains, du genre de ceux qui changent l’histoire en un instant.

Le roman que A a écrit décrit Pearl Harbor. On rencontre les personnages. On voit la magie. On commence même à comprendre à quel point elle sera importante.

Puis notre héros est attaqué. Il sauve le monde tel que nous le connaissons - hors-scène ! - ce qui était gênant, mais il reste encore 10 pages. J’imagine qu’on n’a pas besoin de savoir comment il change le monde puisqu’on va traverser Pearl Harbor avec lui. Mais…non. On atteint les limites de Pearl Harbor, puis il y a un espace blanc et on retrouve une jolie petite scène avec l’objet de l’amour du héros pensant combien le monde a changé.

J’étais teeeellement furieuse ! J’ai lu tout ça pour le Pearl Harbor alternatif. J’attendais une grande bataille magique. Le livre m’avais promis tout ça et encore plus. Et il ne l’a pas fourni DU TOUT !

Quelques jours après, l’atelier de nouvelles a commencé et nous avons parlé des attentes des lecteurs. Voilà ce que je dis habituellement aux étudiants :

Au début de chaque histoire, l’auteur fait une promesse au lecteur. Il doit respecter cette promesse d’ici la fin de l’histoire. C’est ce que le lecteur attends et ce qu’il mérite.

Alors comment l’écrivain fait-il cette promesse ? D’abord, par le genre. Un lecteur de romans d’amour sera extrêmement déçu s’il n’y a pas de « happy end ». Un lecteur de polar s’énervera si le crime n’est pas résolu à la fin. Un lecteur de fantasy sera furieux s’il n’y a, après tout, pas de magie.

Que promet d’autre un écrivain ? Bon, habituellement, une histoire commence par le protagoniste. On s’attend à traverser l’histoire avec cette personne, à la voir changer et grandir et survivre à l’histoire. Si le protagoniste ne survit pas, on doit le savoir sur la première page :

Le jour de sa mort, Joe Sixpack alla au supermarché du coin pour sa caisse de bière habituelle.

Beaucoup de livres commencent ainsi. Là, le lecteur s’attend à lire l’histoire de la mort de Joe.

Les bons écrivains savent comment satisfaire ce genre d’attente. Les grands écrivains peuvent les détourner. Une des raisons pour lesquelles Psychose d’Alfred Hitchcock était si choquant à sa sortie était qu’il promettait de raconter l’histoire de Janet Leigh, voleuse notoire, et qu’à la place il la tue de façon spectaculaire 20 minutes après le début. Il avait renforcé ces attentes en confiant à une star de premier plan le rôle qu’on pensait être principal.

C’est un hommage à ses capacités de conteur que nous avons suivi le film jusqu’au bout – et qu’il est devenu un classique. Les livres font cela souvent et bien (Robert Crais l’a fait dans son L.A Requiem). Pour le faire, vous devez comprendre les attentes des lecteurs et leurs réactions, comme ça vous pouvez les compenser.

Comment apprenez-vous tout cela ? En lisant beaucoup et en jugeant vos réactions. J’ai relu le livre de A et j’ai essayé de déterminer pourquoi il m’avait tellement mis en colère. Et c’était parce que A n’avait respecté aucune des promesses qu’il avait faites. J’ai lu 317 pages d’un monde de fantasy créé de toutes pièces sans récompense. En bref, c’est devenu un mauvais roman littéraire (les romans littéraires ont des attentes aussi : tout doit se résoudre d’une manière intellectuellement ou émotionnellement satisfaisante. Quand je dis « mauvais », je veux dire que le livre se perd entre le décor et les personnages et n’a aucun objectif.)

En lisant beaucoup, vous apprendrez au fil du temps à jauger les réactions des lecteurs. Vous apprendrez que les livres dans lesquels le protagoniste meurt à la fin - sans aucun avertissement - vous déçoivent. Vous verrez comment d’autres écrivains ont réussi à contourner ce problème et à tuer leur personnage quand même. Vous remarquerez de quelle manière les bons écrivains parviennent à raconter l’histoire qu’ils veulent tout en répondant aux attentes des lecteurs.

L’exemple que je préfère (et avec lequel tout le monde devrai être familier) provient d’un autre film. Dans la scène la plus connue du Fugitif, le personnage incarné par Harrison Ford saute du haut d’un barrage dans le réservoir en contrebas. Il aurait du mourir. Le spectateur pense : Personne ne peut survivre à ça. Je n’y crois pas.

Que se passe-t-il dans la scène suivante ? Tommy Lee Jones parle à un de ses assistants. L’assistant dit Eh bien l’enquête est bouclée. Un homme sur un million peut survivre à ça.

Et Tommy Lee Jones dit : Jusqu’à ce qu’on trouve le corps, faisons comme si c’était cet homme-là.

Et, bien sûr, c’est le cas.

Problème des attentes du lecteur (du spectateur) résolu. On peut continuer l’histoire maintenant.

Vous voyez comme c’est facile ? Et comme c’est difficile en même temps ?

Plus tard, je signalerai de bons exemples de respect des attentes des lecteurs lorsque j’en trouverai.

Article originel
Traduction réalisée par Ithildor


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :