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Why Are Critics Afraid Of Dragons?

ISBN : 978-383649785-5
Catégorie : Roman connexe
Auteur/Autrice : Kim Selling (Proposer une Biographie)

La fantasy est un genre maudit, méprisé par la critique en dépit de son immense popularité dans le monde entier. Why Are Critics Afraid of Dragons? propose d’examiner les fondements historiques et idéologiques de cette hostilité, et présente un nouveau paradigme critique qui permette de comprendre et d’estimer la fantasy à sa juste valeur.
Cet ouvrage répond à un grand nombre de questions, telles que « quels sont les liens entre fantasy et romance médiéval ? » ; « pourquoi certains critiques comparent-ils la fantasy à une secte ? » ; « y a-t-il un rapport entre fantasy et environnementalisme ? »… En examinant le contexte socioculturel de la fantasy, depuis les contes de fées jusqu’aux productions de masse, l’ouvrage propose des conclusions novatrices quant à la place du genre dans le champ de la littérature et à sa pertinence pour le public contemporain.
Il s’agit d’un ouvrage pionnier dans son approche : la production critique consacrée à la fantasy, de Coleridge à Tolkien, de Todorov à LeGuin, y est confrontée à la sociologie de la culture et l’écoféminisme, ce qui mène Selling à appréhender la fantasy comme un champ de production culturelle complexe et dynamique.
Cet ouvrage constitue une contribution majeure aux études consacrées à la fantasy. Offrant à la fois une perspective historique et une critique minutieuse de l’héritage académique de la fantasy, il sera une ressource indispensable pour les étudiants, les chercheurs et tous les passionnés de la fantasy et de la culture populaire.

Critique

Par Akashar, le 27/05/2010

Kim Selling est un nom qui, pour beaucoup d’entre nous, n’évoque pas grand-chose. D’autres, laissant flâner leur esprit, imagineront peut-être une jeune femme aux traits asiatiques, une amoureuse de la nature sillonnant le Pacifique, de l’Australie au Vanuatu, publiant sa thèse de doctorat en études médiévales entre un week-end de plongée sous-marine et la visite d’une galerie d’art.
Ils pourront peut-être pousser plus loin leur rêverie, et donner à cette publication le titre éloquent Why Are Critics Afraid Of Dragons?. Il s’agirait, bien entendu, d’un clin d’œil intertextuel au célèbre article d’Ursula Le Guin Why Are Americans Afraid Of Dragons?, ce qui annoncerait d’emblée le caractère offensif dudit livre.
Ainsi, cet ouvrage, véritable pavé dans la mare, s’avérerait indispensable à tout défenseur de la fantasy maîtrisant l’anglais, et trônerait fièrement au sommet des bibliothèques consacrées aux genres de l’imaginaire, sa couverture bleu nuit attirant le regard du quidam innocent.
Mais nos lecteurs à l’imagination fertile ne s’arrêteront sans doute pas en si bon chemin : cet ouvrage, refonte d’une thèse, pourrait partir d’un constat interpellant : la fantasy, extrêmement populaire auprès des lecteurs du monde entier, demeure, au mieux, boudée par la critique littéraire. Examinant les différents contextes – historique, socioculturel et critique – de cette littérature de l’imaginaire, de ses origines romantiques à nos jours, Selling débusquerait et mettrait alors en lumière les fondements idéologiques de cet ostracisme afin de leur substituer un nouveau paradigme critique qui permette de comprendre la fantasy, et d’aborder sa richesse loin de toute doxa réductrice.
Laissons la rêverie tourner les pages de cet l’ouvrage : il pourrait compter six chapitres présentés en diptyque. Le premier aborderait la dévaluation de l’imaginaire et de la culture populaire telle que l’a exacerbée l’élitisme dualiste de la modernité : productions populaires, culture de masse, irrationalité féminine, nature ont été opposées à l’art authentique, à la culture élitiste, au discernement masculin et à la raison. Selling pourrait de la sorte mettre en exergue la prégnance de cette idéologie dans le discours critique, ainsi que la partialité a priori des jugements qui en découlent.
Dans le deuxième chapitre, l’auteur remettrait en question la conception de la littérature de genre comme formulaïque, (où le genre se caractérise par l’application et la reprise d’une recette thématico-structurelle) au profit d’une approche du genre littéraire comme champ culturel. La fantasy, ô riche idée, apparaîtrait avant tout comme le résultat d’interactions entre auteurs, critiques, lecteurs, éditeurs, fans, cinéphiles, joueurs…
Selling, au fil du troisième chapitre, examinerait, disons, trois textes critiques fondamentaux pour la fantasy : On Fairy-Stories de Tolkien, Morphologie du conte de Propp et Introduction à la littérature fantastique de Todorov. Elle montrerait que, si le premier reste marqué du sceau romantique, les « Recovery, Escape and Consolation » (v.) tolkieniens s’articulant au sublime de Coleridge, les deux autres, par leur focalisation structuraliste, occultent cet héritage pourtant essentiel à la compréhension du genre.
Laissant vagabonder leur esprit, les lecteurs inventifs observeraient que l’imaginaire médiévalisant, largement dominant dans la fantasy contemporaine, se trouve au cœur du quatrième chapitre. Selling en chercherait l’origine dans les antécédents du genre, et plus particulièrement aux XVIIIe et XIXe siècles.
Le Romantisme témoignerait en effet d’un engouement retrouvé pour le romance médiéval et l’héritage culturel d’Europe du Nord, tout particulièrement le gothique tardif. Selling, dans la fiction mentale de nos fabulateurs, soulignerait la fracture qui se fait jour à cette époque entre la Raison des Lumières et ce que celle-ci tend à stigmatiser comme l’irrationnel, le superstitieux, avec son cortège sémantique : l’émotion, la nature, la femme, la spiritualité, l’obscurantisme médiéval. Ainsi, la fascination des romantiques pour les romans fantastiques du Moyen Âge gothique serait à relier avec l’esthétique du sublime, version littéraire de l’expérience religieuse.
Les deux derniers chapitres se focaliseraient sur l’émergence de la fantasy comme phénomène littéraire de la seconde moitié du XXe, témoin d’importants changements socioculturels, en particulier aux États-Unis et en Grande-Bretagne, marqués par l’émergence du New Age et de l’environnementalisme.
Poursuivant ce scénario, l’on verrait que Selling, dans le cinquième chapitre, démontre que, face à la modernisation galopante, à la bureaucratisation de la vie, aux développements techniques et scientifiques frénétiques, aux injustices de la (l’im ?)mobilité sociale, et aux aliénations de notre société mondialiste, capitaliste et consumériste, une congère romantique neigée de longue date s’est développée à travers de nombreuses ramifications. Pour la chercheuse, la fantasy permettrait donc d’observer les traces d’une Weltanschauung romantique à l’aube du troisième millénaire.
Il ne s’agirait pas de traces isolées, bien entendu, mais prises dans une constellation socioculturelle où se croiseraient environnementalisme, spiritualités alternatives, pacifisme, féminisme… Selling défendrait la thèse selon laquelle la fantasy prendrait part à une plus large réaction contre les discours et idéologies modernistes, antihéroïques, matérialistes et empiristes de l’Occident contemporain.
Le lecteur pourrait imaginer que le sixième chapitre, dans une même perspective, aborderait l’analyse des discours et des forces socioculturelles qui se tissent et s’entrelacent dans ce genre protéiforme qu’est la fantasy. Selling y soulignerait que la fantasy fait partie d’un système dynamique, fluctuant, caractérisé par une interaction constante de valeurs, d’idées et de groupes marginalisés par les idéologies dominantes. Ce chapitre se clorait sur un véritable plaidoyer pour une culture plurielle, et pour des paradigmes de recherche qui soient holistiques, dynamiques et socialement contextualisés, afin de dépasser les clivages doxiques d’un autre âge.
Il va de soi qu’un tel ouvrage s’avérerait extrêmement précieux à plusieurs égards.
D’abord, le lecteur, le passionné et la victime de quolibets trouveraient en ces pages des arguments particulièrement puissants à opposer aux détracteurs du genre – ces gens qui, souvent, ne savent même pas prononcer « fantasy ». Des arguments historiques et sociologiques particulièrement éclairants donc, mais qui pourraient parfois surprendre le lecteur : Selling, se réclamant d’une approche bourdieusienne des champs culturels – ce qui n’est pas banal pour un ouvrage anglophone rédigé à l’autre bout du monde –, et s’intéressant à plusieurs auteurs classiques francophones, s’engagerait dans des champs et des paradigmes de recherche auxquels le lecteur francophone n’est pas toujours habitué : gender studies, écoféminisme…
Ensuite, l’approche de Selling, plongeant dans les eaux vives des mouvances socioculturelles et artistiques, se montrerait salutaire par son refus de l’essentialisme qui, malheureusement, fournit trop souvent encore la base théorique des ouvrages francophones sur le sujet. Laissant de côté les considérations normatives sans cesse battues en brèche par la dynamique propre aux œuvres, cet ouvrage permettrait d’attirer l’attention sur les vecteurs sociaux et culturels, ainsi que sur les acteurs qui confèrent à la fois sa cohérence et sa dynamique à la fantasy.
Enfin, un livre tel que Why Are Critics Afraid Of Dragons? mettrait en évidence, à travers un bel exemple d’utilisation anglo-saxonne de la sociologie de la culture envisagée par Bourdieu, les aspects idéologiques de la critique universitaire, qui biaisent les travaux de nombreux chercheurs, parfois à leur insu, et les empêche d’imaginer qu’il puisse y avoir, au-delà des catalogues thématiques et des chronologies instituées, quelque chose de vraiment intéressant dans la fantasy.
Cependant, ce qu’oublie le lecteur à l’esprit vagabond, c’est que le rêve, toujours, peut tourner au cauchemar. En effet, si l’on peut parfois reprocher à Kim Selling son manque de pédagogie – on aurait aimé quelques synthèses intermédiaires afin de faire le point, car il n’est pas rare de se perdre en ces pages très denses –, c’est à VDM, l’éditeur, que l’on décernera un carton rouge virulent. Non content de proposer l’ouvrage à un prix ionosphérique (comptez entre 70 et 170 €) heureusement réduit aujourd’hui (environ 45 €), VDM a eu la joyeuse et finaude idée de condenser, par un processus magique aux secrets jalousement gardés, une massive thèse de doctorat en livrounet inoffensif de 180 pages. Mais comme pour tous les régimes minceur, il y a un prix à payer : le texte entier est rédigé dans une police de taille 8,5, qui rend la lecture extrêmement inconfortable !
Il est donc malaisé de noter ce livre. Comme bien des trésors extraordinaires, WACAOD? se mérite. Deux épreuves terrifiantes, le prix et la police d’écriture, attendent le lecteur lambda. Qui, probablement, donnera au livre un 6 ou un 7 sur dix, après avoir trop souffert de ces contraintes éditoriales.
Toutefois, c’est au texte de Kim Selling que j’attribuerai une note, car j’estime qu’elle n’a pas à subir de préjudice pour des erreurs de jugement qui ne sont pas de son fait. Et ce texte nous fait découvrir une recherche extraordinairement minutieuse, ainsi qu’une approche pertinente et novatrice dont gagneraient à s’inspirer bien des critiques, tant francophones qu’anglo-saxons d’ailleurs.

9.0/10

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