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Nouvelle traduction du Silmarillion

Par Foradan, le mardi 30 novembre 2021 à 22:36:51

SilmarillionLe Silmarillion vient de re-paraître chez Christian Bourgois Editions, ce 14 octobre 2021, dans une nouvelle traduction de Daniel Lauzon et une édition de belle facture (ce n’est pas un coffret Deluxe en tirage ultra limité, mais la catégorie « beau livre », avec un tirage proche des 10 000 exemplaires). Au-delà de cela, qu’y a-t-il à retenir de cette sortie ?
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Silmarillion 2021, quel contenu ?

De manière paradoxale, le Silmarillion est le titre du Légendaire (avant les années 1990) le plus rapidement accessible au public francophone : alors qu’il a fallu 32 ans (1937 – 1969) pour le Hobbit et 18 ans (1954 – 1972) pour le Seigneur des anneaux, la première traduction française est arrivée juste un an après la parution en anglais (1977 – 1978).
Autant dire que le lecteur anglais du Hobbit en 1937 a attendu 40 ans (1977) pour savoir où était Gondolin, lieu d’origine de Glamdring, tandis que le lecteur francophone n’a attendu « que » 9 ans (1969 – 1978).
Mais une question revient à chaque nouvelle édition, chaque traduction, surtout pour tous ceux qui ont connu une précédente version : qu’est-ce que celle-ci apporte, pour quel public est-elle ?
Procédons par ordre.


Illustrations

Réalisées comme les précédentes éditions par Ted Nasmith : 20 pages en 1998, puis 45 en 2004. Avec 4 illustrations inédites, nous voici rendu à 49, répartis au fil des pages plutôt que regroupées en cahier.

Cartes

En couleurs, en deuxième et troisième de couverture (et en page 111, en encrage rouge et noir), en français et en reprenant la graphie d’origine de Christopher Tolkien. Nous avions vu une partie du travail en cours au printemps dernier.

L’inscription en tengwar (qu’on s’est tous essayé à transcrire)

Pour la première fois, le texte est proposé aussi en clair en anglais et en français.

La présentation

Elle est plus claire que jamais, avec un double jeu de couleurs rouge et noire. Comme auparavant, il est tout à fait possible de lire dans l’ordre de son choix (même si c’est chronologique, on peut comprendre la chute de Gondolin sans connaître les noms de tous les Ainur).

  • l’Ainulindalë (la création du monde),
  • la Valaquenta (la présentation de Gandalf, Sauron et les autres immortels ayant participé à l’Ainulindale),
  • la Quenta Silmarillion (le cœur du récit, du commencement du temps, l’arrivée des elfes, du soleil, des humains, Beren et Lúthien, Túrin, Tuor et la chute de Gondolin, Eärendil et la fin du Premier Âge),
  • l’Akallabeth (la Chute de Númenor, le monde qui devient rond)
  • les anneaux du pouvoir et le Troisième Âge (la fin du Deuxième Âge et l’établissement des royaumes de Gondor et d’Arnor, alors que le Hobbit et le Seigneur des anneaux sont résumés en trois pages).
  • Suivent les pages informatives sur les généalogies, les noms, la prononciation, le vocabulaire, utiles à la compréhension et préparer la relecture. Car le Silmarillion se lit, se relit et s’étudie si on le souhaite, son contenu est riche d’informations qui n’étaient qu’esquissées dans le Hobbit et le Seigneur des anneaux.

Et la réponse principale, dont tout le reste n’est qu’accessoire, écrin du diamant finement taillé,

le texte.

Tolkien (J.R.R. puis Christopher) n’ont jamais caché que le Silmarillion différait des autres livres situés en Terre du Milieu : que ce soit dans le temps, les lieux ou les personnages, tout est amplifié sans fil directeur, ce qui pourrait se résumer d’une phrase « pas de hobbits à accompagner dans leur quête ». Ceci, outre la chronologie évoquée plus haut, peut en rendre la lecture difficile.
Un autre aspect entre en jeu : le récit est présenté comme rapporté et transmis tels des mythes antiques (de fait, aucun elfe n’était présent lors de la Création du monde pour en faire témoignage) et le langage utilisé pour rendre cette distance d’avec le lecteur est bien présent en anglais.

Extrait du Silmarillion, chapitre 2 : If thou hast thy will what wouldst thou reserve ? said Manwë. Of all thy realm what dost thou hold dearest ? Pas besoin de faire un dessin, ce n’est pas l’anglais courant, que ce soit en 1916 ou en 2021. L’auteur allant jusqu’à utiliser des mots et des formes grammaticales volontairement archaïques (dont une liste figure dans « les lais de Beleriand » et dont vous aurez un aperçu ici.
Lors se pose une question cruciale pour une traduction : comment rendre un tel texte accessible ? Parmi les options, il y a celle de rapprocher la traduction au plus près d’un public cible et on pourrait imaginer une édition du Silmarillion en verlan ou en langage SMS, ou en français usuel, passer toute la poésie en prose, choisir de simplifier tout le vocabulaire médiéval (qui connaît les noms de toutes les sortes d'épées, d'éléments d'armures ou la différence entre un palefroi et un destrier de toutes façons ?).
Ou bien, chercher à offrir au lecteur francophone une lecture aussi exigeante, aussi pleine de sens que peut l’être l’originale, quitte à le conduire à découvrir de nouveaux mots et ainsi agrandir son champ de vision.
Extrait de la nouvelle traduction, sur le même passage : Si ta volonté prévalait, que retiendrais-tu ? demanda Manwë. De tout ton royaume, quelle part t’es la plus chère ?. On trouve ainsi des Ores cependant, nenni, prestement, abattre comme un foudre (au masculin, forme désuète et poétique comme chez Corneille et Chateaubriand), n’entendre mie et j’en passe.

L’une des vertus des nouvelles traductions de Tolkien, depuis 2012, et de restituer la voix des protagonistes : un prince, un poète, un gueux adoptent chacun un ton formel, rimé ou terre à terre selon sa condition, son éducation et la situation. Nous sommes ici dans la continuité : le Silmarillion est raconté comme le ferait un trouvère dans la Grand Salle d’un Roi. Vous ne lisez pas les actualités en flash info, mais la genèse et la jeunesse d’un monde, à la fois lointain et si proche car, comme dirait un hobbit de ma connaissance, toutes les histoires font partie de la grande histoire et en découlent, telles autant de feuilles reliées à leur arbre, comme autant de rivières rejoignant le fleuve puissant et la mer infinie.

SI vous n'avez pas encore lu le Silmarillion, c'est une occasion parfaite de le découvrir. Si vous l'avez déjà lu en français, vous pouvez le lire comme si c'était la première fois.


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