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Un entretien avec Mark Finn
Par ThinkBecca, le mardi 7 juin 2011 à 16:30:49
La médiatisation de Robert E. Howard n’a jamais été aussi importante qu’actuellement, avec une nouvelle anthologie sous la forme d’une série de comic books publiés par Dark Horse, une collection qui se poursuit chez Del Rey, le film Conan prévu pour cet été, et maintenant la publication de Dreams in the Fire, un nouveau recueil de nouvelles et de poésies, hommage à son héritage.
Ecrit par Mark Finn et Chris Gruber – respectivement historien et éditeur reconnus des œuvres de Howard –, les recettes de Dreams in the Fire seront reversées à Project Pride, l'association qui s'occupe de gérer la maison de Howard, le musée qui va avec, et qui organise les "Howard Days" tous les ans à Cross Plains. L'occasion de revenir sur cette parution en langue anglaise dans le cadre de cette traduction d'interview...
L'entretien
- Qu’est-ce que la Robert E. Howard United Press Association, et qu’est-ce qui vous a amené à vous y impliquer ?
- La Robert E. Howard United Press Association (REHupa) est une APA (Association de Presse Amateur) qui fut créée au début des années 1970 afin d’échanger sur Conan, REH, et tout ce qui avait trait à la fantasy de manière générale. Pour ceux qui ignorent ce qu’est une APA, vous trouverez des explications ici (en Anglais). Au fil des années, REHupa a attiré un certain nombre de gens vraiment passionnées par Robert E. Howard, tant d’un point de vue documentaire que critique. L’association est devenue le lieu de rencontre par excellence pour les initiés. J’ai rejoint la REHupa il y a dix ans après avoir rencontré plusieurs de ses membres lors des journées Howard à Cross Plains (Texas), et ce pour plusieurs raisons. Certains d’entre eux m’ont convaincu, et en dehors de quelques débats mouvementés, je ne l’ai jamais regretté. Ne vous y trompez pas, c’est très probablement la chose la plus geek à laquelle je participe, et de loin. Je n’écris pas de fanfictions, je ne fais pas de cosplay, j’ai complètement arrêté de jouer à des jeux vidéo, et je n’appartiens à aucun autre club. Je ne parle ni Klingon ni Elfique… Mais chaque mois, je crée un nouveau ‘zine et j’y couche mes pensées et divagations concernant REH en général, participant donc à ce phénomène étrange et hermétique.
- Parlez-moi un peu du livre. Qui sont certains des auteurs ? Quel type d’histoires peut-on y trouver ? Comment avez-vous sélectionné celles à inclure dans l’anthologie ?
- Dreams in the Fire est un recueil de fictions et de poésie écrits par les membres de la REHupa, passés ou présents. Au fil des années, l’association a connu plusieurs membres célèbres comme Mike Stackpole, Nancy Collins, Karl Edward Wagner, Charles de Lint ou L. Sprague de Camp, qu’ils soient restés longtemps ou non. Je suis sûr que j’en oublie. Mais plus récemment, l’APA a vu arriver certains membres remarquables et talentueux. Par exemple, James Reasoner, qui écrit une prose succincte et bourrée d’action de très grande qualité, et qui le fait depuis plusieurs décennies maintenant.
En tant que grand amateur d’anthologies, j’ai pensé que ça ferait un bon livre, si on rassemblait tous ces gens qui écrivent de la fiction ou de la poésie, afin de faire quelque chose que nous ne faisons PRESQUE JAMAIS dans nos zines, soit écrire des histoires !
Je savais que je pourrais obtenir l’aide d’un certain nombre d’écrivains professionnels. Angeline Hawkes et Chris Fulbright, Charles Gramlich, et bien sûr, moi-même. J’avais bon espoir d’impliquer James Reasoner. Et je n’aurais jamais pensé avoir la participation de Bob Weinberg. Ajoutez-y un certain nombre de membres de l’APA, qui n’en font jamais tout un plat, et nous avons obtenu pas mal d’histoires absolument géniales. Je viens de relire « The Debt » de Rob Roehm, cette histoire est un véritable choc ! Je suis impatient que les lecteurs la découvre. Même chose pour l’épopée historique de Chris Gruber.
Concernant les genres, nous ne nous sommes pas limités, tout simplement parce qu’Howard lui-même ne l’avait pas fait. Mais tout ce qui se trouve dans ce livre a une saveur Howardienne – sword & sorcery, fantasy épique, humour, bagarre, western, historique, sword & planet… tout y est. Et je pense que vous pourrez ressentir la présence d’Howard dans toutes les histoires, ce qui est plutôt sympa. Ça ne veut pas dire que chacun a fait un pastiche – en fait, c’est tout le contraire. Toutes les histoires présentes dans le livre dépeignent des personnages originaux.
- Pourquoi cette collecte de fonds ? A quoi est-elle destinée ?
- Project Pride est une organisation de Cross Plains qui s’occupe de l’entretien de Howard House (maison de l’auteur), qui est devenu autant un musée qu’un incroyable sanctuaire littéraire. En tant qu’association à but non lucratif, ils dépendent des contributions, des subventions, des dons, etc. pour faire leur travail. La plupart des membres sont retraités et passent beaucoup de temps dans cette maison. Ce qu’ils font est incroyable, et ils sont devenus les gardiens de la mémoire de Howard et de sa demeure, à la fois pour le Texas et pour la littérature américaine.
Par le passé, REHupa et d’autres ont mené des projets pour aider à remplir leurs coffres, et ça fait quelques années que nous avons commencer à récolter des fonds pour eux. Étant donné que nous fêtons le 25ème anniversaire des Robert E. Howard Days, ce semble être le bon moment pour recommencer.
- Pourquoi les gens devraient-ils se sentir concernés par Robert E. Howard ?
- Vous savez, à mon avis Howard fait partie de ces influences que la plupart des gens emportent avec eux dans la tombe. Ce que je veux dire, c’est que l’on trouve des fans d’Howard dans les endroits les plus farfelus. En tant que créateur d’un style, il est en grande partie responsable de l’histoire de la fantasy américaine, de la même manière que Raymond Chandler a créé le genre du « détective privé » américain. Même si vous ne tenez pas compte de l’impact de Conan le Barbare sur la culture populaire mondale, l’influence d’Howard sur le Mythos Cthulhu au travers du Lovecraft Circle (groupe de d’écrivains correspondant avec Lovecraft), le fait qu’il ait inventé l’Heroic Fantasy (ou Sword and Sorcery) avec la première histoire de Solomon Kane « Red Shadows » et la première histoire de Kull « The Shadow Kingdom », ainsi que sa capacité à adapter et mélanger les genres (par exemple ce western étrange qu’est « The Horror on the Mound », l’une de ses premières histoires), tout le désigne comme l’un des écrivains à sensation les plus influents du 20ème siècle, que ce soit pour l’horreur ou la fantasy.
Et si vous êtes Texan, vous êtes FORCEMENT concerné par Howard, puisque c’est l’un des auteurs texans les plus lus de tous les temps. Il a utilisé le Texas dans pas mal de ces œuvres humoristiques, dont je suis un fervent défenseur, mais aussi dans nombre de ses travaux plus sérieux.
- En tant que biographe de Howard, vous en savez probablement beaucoup plus sur cet homme que la plupart d’entre nous. Y a-t-il des préjugés sur lui que vous aimeriez corriger ? Quelle est votre anecdote favorite sur Howard ?
- Les erreurs sur son compte continuent de circuler, particulièrement sur Internet où l’information se propage aussi vite que la bêtise, copiée et collée sans aucun contexte ou réflexion préalable, puis diffusée jusqu’à des gens qui préfèrent paraphraser et mal interpréter plutôt qu’en lire une seule phrase et la comprendre correctement. Ça me rend dingue, je ne veux même pas m’en mêler. En fait, j’ai écrit un manifeste à ce sujet. Bien sûr, les gens qui critiquent sont exactement ceux qui n’ont même pas lu les œuvres, mais ça n’est pas nouveau.
Si vous devez retenir une chose de cette interview, c’est ceci. le portrait de Howard dressé par L. Sprague de Camp, qui apparaissait sur la couverture de chaque tome de Conan de chaque collection de Lancer à Ace, a été complètement démystifiée depuis. Il n’était pas un solitaire, n’était pas obsédé par sa mère, n’était pas perturbé jusqu’au bord de la psychose. Ces balivernes Freudiennes appartiennent au passé. Cela ne signifie pas qu’Howard n’a jamais eu de problèmes. Au contraire. Mais lorsque vous parlez de votre auteur favori, ou même simplement de quelqu’un que vous admirez, pourquoi diable commenceriez-vous la discussion en faisant la liste de ses torts ? C’est juste… je ne sais pas. Une absence de goût. Un manqué de respect. Bref. Mais les “admirateurs” d’Howard sont tellement habitués à lire les propos calomnieux de Sprague de Camp qu’ils se sentent obligés de se défendre becs et ongles pour justifier leur appréciation de Howard en tant qu’auteur. Ridicule. Dans les cercles de la science-fiction, personne ne parle de James Tiptree Jr en commençant par parler de son pacte de meurtre/suicide. Personne ne fait ça, au moins par respect pour ce qui se trouve clairement être des circonstances tragiques.
Tout ce que je souhaite est qu’on fasse preuve du même respect pour Howard. Et en particulier puisqu’il était membre fondateur. Je ne pense pas que ce soit trop demander.
- Howard s’est suicidé alors qu’il était encore jeune, et au summum de son art en tant qu’auteur. Pensez-vous qu’il ait pu être mentalement dérangé ? Pensez-vous que la psychiatrie moderne aurait pu empêcher son suicide ? Et si oui, selon vous, si Howard ne s’était pas tué, dans quel genre aurait-il poursuivi ses travaux d’écriture ?
- La théorie actuelle, à laquelle souscrivent la plupart des Howardistes, est que Howard souffrait d’une forme de dépression. Je pense qu’elle a été aggravée par le fait qu’il était en charge de sa mère à temps plein – elle était malade en phase terminale, et Howard devait rester à la maison pour s’occuper d’elle. C’était tout simplement considéré comme « ce qui devait être fait ». Mais ça ne veut pas dire qu’Howard en était heureux. Pour autant, nous ne saurons jamais vraiment pourquoi Howard a commis ce geste (il n’a pas laissé de lettre d’explications), nous ne pouvons donc qu’essayer de deviner. Il y a une citation de Joe Landsale que j’apprécie et qui dit « Je pense que Robert E. Howard aurait pris du Zoloft, et tout aurait été mieux. ». Il a probablement raison. A l’époque, le seul traitement pour la dépression était d’« attendre que ça passe ». Alors, peut-être qu’Howard était foutu depuis le départ. Je pense que s’il avait pu quitter la maison, il n’en serait peut-être pas arrivé au point où la mort de sa mère le rendait malade. Ce ne sont que suppositions bien sûr. Nous ne saurons jamais.
Je pense que si Howard ne s’était pas tué, il aurait évolué vers les westerns plus sérieux, peut-être même le westerns pur et dur, et quand le marché du livre de poche a atteint les US dans les années 40, il aurait fini par écrire de la fiction historique pour ce support.
- Un nouveau film sur Conan sort cet été. Si vous deviez suggérer une seule histoire de Conan à un lecteur qui ne connaît par les récits d’origines, laquelle conseilleriez-vous ?
- Eh bien, ce que je conseillerais n’est pas forcément la meilleure histoire de Conan à mon avis, mais presque. Je pense que lire « La Tour de l'éléphant », « Le Rendez-vous des bandits », « Les Clous Rouges » ou « Au-Delà de la Rivière Noire » serait une bonne entrée en matière pour les lecteurs qui ne connaissent pas encore Conan.
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