Le Chant des noms

ISBN : 978-201789610-4
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Berry, Jedediah
Traduction : Baillehache, Jonathan

Lorsque les mots ont disparu, le monde a changé : tout sens a été perdu, les barrières se sont effondrées. Les monstres ont émergé des rêves, les fantômes se sont mis à errer sans but dans des contrées sans carte. Ce n’est qu’avec l’apparition des comités de dénomination (Rêves, Cartes, Fantômes et Noms) que le monde a pu survivre au Silence. 
Depuis lors, les mots, devinés par des nommeurs et délivrés par des messagers, façonnent le réel. Pour faire face aux menaces des sans-nom, des frontières ont été érigées autour du monde connu et jusqu’à l’intérieur des esprits ; les fantômes enchaînés pour être exploités, et les monstres chassés. La guerre contre l’inconnu a commencé.
Mais il n’y a rien de plus dangereux qu’une chose sans nom. Une messagère accompagnée d’un fantôme en vrac et d’un monstre inquiet doit affronter ce danger et franchir des frontières interdites. Car les mots qu’elle porte peuvent remodeler la saga du monde.

Critique

Par Gillossen, le 09/04/2025

Avec Le Chant des noms, Jedediah Berry, auteur américain discret mais au parcours intrigant (il fut un temps rédacteur en chef chez Small Beer Press), propose une fantasy intime et onirique qui interroge le pouvoir du langage dans la construction du monde et au-delà du monde lui-même, des individus.
Dans un univers où les mots ont disparu à la suite d’un cataclysme, notre héroïne, une courrière anonyme, travaille pour le Comité des Noms. Sa mission : attribuer de nouvelles appellations aux choses et aux êtres afin de rétablir un semblant d’ordre. Mais son propre anonymat fait d’elle une étrangeté dans un monde où ceux qui restent sans nom sombrent dans l’oubli… ou dans la révolte. Lorsqu’elle se retrouve accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis, elle n’a d’autre choix que de fuir et d’entamer une quête qui la mènera aux frontières du rêve et de la réalité.
Berry tisse ici un récit poétique, où chaque mot semble pesé avec soin, avec délicatesse. Les influences de figures comme Ursula K. Le Guin ou Italo Calvino est perceptible, tant dans la thématique du langage que dans la construction du récit, qui joue sur les frontières entre imaginaire et tangible. La narration épouse cet univers incertain : l’histoire avance par à-coups, au gré de rencontres étranges, mais l’auteur ne perd jamais de vue ses thématiques, y compris celle de la lutte contre l’oppression ou du sort des plus faibles.
Toutefois, cette approche “éthérée” a ses limites. Si l’originalité de l’univers et la réflexion sur le langage captivent vite le lecteur, l’intrigue peine parfois à maintenir un véritable élan. Les personnages, notamment notre “héroïne”, restent volontairement insaisissables, ce qui peut nuire à l’attachement. De même, certains passages semblent s’étirer un peu plus que de raison, privilégiant l’ambiance et la réflexion au détriment du rythme.
Malgré ces quelques réserves, à balayer d’un revers de main si le ton du roman vous embarque, Le Chant des noms demeure une lecture fascinante, pour qui apprécie les récits de fantasy expérimentale, au style travaillé sans tomber dans l’ostentatoire pour autant, dans le style pour le style. Jedediah Berry nous livre une réflexion sur ce qui fait notre identité et influence notre perception du monde. Une œuvre singulière, qui saura séduire les amateurs de fantasy contemplative.
Une chose est sûre : la collection le Rayon Imaginaire fait une fois de plus le choix d’une parution qui s’affranchit des grandes tendances du moment dans notre domaine. 

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