A l’image de Lyra Belacqua partant dans le Grand Nord secourir les enfants enlevés par les Enfourneurs, Chris Weitz est un homme en mission : arrivé au Pays du Soleil Levant, il est en quête de spectateurs pour son film La Boussole d’Or.
C’est dans ce contexte qu’il a répondu aux questions du Daily Yomiuri. Une bonne façon de nous rappeler aux bons souvenirs de certains débats à la veille d’une sortie nippone déterminante, comme d’envisager l’avenir de la franchise.
D’abord, le débat touchant la religion, qui concerne avant tout les livres et leur auteur Philip Pullman. Pullman a beaucoup à dire de la religion, des opinions religieuses et de la relation des gens avec Dieu. Mais le dépeindre comme un porte-drapeau de l’athéisme est incorrect pense le réalisateur.
Il faut voir dans l’institution religieuse autoritaire qu’est le Magisterium l’Eglise Catholique du Moyen Âge, pas celle d’aujourd’hui, et en réponse aux accusations portées par plusieurs associations religieuses, Weitz pense que la seule menace que Pullman veut exposer est celle du dogme, quel qu’il soit. Mais il s’agit du roman. Le film lui, qui ne laisse pas, ou très peu, transparaître l’aspect religieux dans l’autoritarisme du Magisterium fut pris en tenaille entre les fidèles du livre et certaines organisations religieuses qui, quoique le film délaisse l’aspect religieux, lui en voulait uniquement parce qu’il serait un tremplin pour sa trilogie. C’est ce que rappelle le réalisateur lorsqu’il se dit coincé entre certains fans voulant que le film devienne une attaque envers la religion organisée, ce qu’ils ne sont pas vraiment à mon sens, et les membres d’organisations religieuses pensant que le livre est une attaque contre la religion. Un litige bien retors donc, que le réalisateur a tenté au maximum de minimiser en tenant compte des deux camps. Mais contre certaines fausses idées brandies Weitz ne pouvait pas grand-chose, comme celles du mot daemon - le familier qui platoniquement représente la seconde moitié d’une personne dans le monde de Lyra – montré du doigt comme une provocation, si ce n’est répondre que le mot vient du grec. Cela ne signifie juste qu’une sorte d'esprit ou d'âme... Que ces animaux soient appelés daemons n’est en rien une position sur l’éthique ou la morale.
En liaison avec ces daemons, la scène controversée durant laquelle Mme Coulter gifle son daemon et a elle-même une trace sur la joue, illustrant ainsi le lien entre les deux, est de nouveaux abordée par Chris Weitz. Il rappelle d’une part que la scène a été imaginée par Pullman, même si elle ne figure pas dans la trilogie, et d’autre part le formidable jeu de Nicole Kidman dans cette situation. Qu’il étend par ailleurs à l’ensemble du film pour son rôle en Mme Coulter, chef d’une organisation qui se livre à des expériences de scissions entre les enfants et leurs daemons.
Un acte épouvantable symbole et métaphore des réflexions de P. Pullman que le réalisateur explique brièvement. L’acte de séparation empêche les enfants de grandir, et d’après Weitz Pullman croit en la sagesse et l’expérience (…) Il n’est bien sûr pas contre l’innocence de l’enfance…Je ne pense pas déformer sa pensée en disant qu’il voit le cours naturel d’une vie comme une bonne chose.
Enfin, le réalisateur a déjà tourné ses pensées vers l’avenir, qu’il ne voit pas sans la suite des aventures de Lyra au cinéma. Des aventures qu’il a déjà préparé en tronquant la fin du livre, pour finir, selon ses mots, sur une note plus sombre et dans le sens de l’élévation plutôt que de la tragédie. Pour lui, ce serait une honte qu’elle ne soit pas réalisée, parce que (la trilogie) est une très grande histoire qui devient de plus en plus ambitieuse. Seulement, La Boussole d’Or n’a pas marché aux États-Unis. Cette défaillance à été rattrapée à l’internationale, mais comme le conçoit Chris Weitz, la réalisation d’une suite ou son abandon dépend beaucoup du Japon.
C’est donc avec intérêt que notre œil se rivera sur le Japon dans les semaines qui viennent.

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