L'Homme Montagne

ISBN : 978-275605439-1
Catégorie : Bd
Auteur/Autrice : Séverine Gauthier (Proposer une Biographie)
Dessin : Amélie Fléchais (Proposer une Biographie)

Grand-père ne peut plus voyager. Les montagnes qui ont poussé sur son dos tout au long de sa vie sont devenues trop lourdes. L’heure est venue pour lui de penser à son dernier voyage, mais c’est un voyage qu’il doit faire seul. L’enfant lui fait alors promettre de ne pas partir tout de suite. Il va aller chercher pour lui le vent le plus puissant qui soit, celui qui peut soulever les montagnes.

 

Critique

Par Erkekjetter, le 22/11/2018

Un one-shot classé jeunesse qui parle de la mort et de la perte, on a vu plus gai comme parti pris… La couverture, elle, a tout pour attirer l’œil : un portrait intriguant au trait stylisé et aux teintes toutes douces, celui d’un enfant qui porte sur la tête une petite chaîne de montagnes, peuplée de créatures étranges. Un enfant qui affiche un doux sourire, les yeux fermés, avec un soleil couchant dont les rayons n’en sont pas moins présents. Une illustration qui s’accorde en réalité très bien avec le contenu de cet album.
Derrière cette première illustration se cache en effet un conte un peu triste, mais plein de douceur et de rêverie. L’enfant veut voyager avec son grand-père, représenté comme une sorte de géant avec des montagnes sur le dos, le crâne et le dessus du nez, et il ne comprend pas vraiment pourquoi cette fois il ne peut pas l’accompagner. Et grand-père d’expliquer avec beaucoup de sensibilité que ce voyage sera son dernier, il le sait, il le sent, et que ce voyage-là ne peut être que solitaire. Qu’à cela ne tienne, l’enfant ira chercher le vent le plus puissant, pour aider son grand-père à porter ces montagnes qui pèsent si lourd. Trois pages recto-verso et l’émotion déborde déjà. Les mots de l’un comme de l’autre sont parfaitement choisis et portent une poésie qui rend la tristesse un peu plus douce – car si un enfant ne saisira peut-être pas d’emblée qu’il est question de fin de vie, l’adulte lui ne pourra en manquer l’évocation, toute en délicatesse. Le dessin s’accorde merveilleusement à cette atmosphère : le vieil homme dégage à la fois force et fragilité, avec ses montagnes et ce petit monde qu’elles abritent qui ensemble illustrent très bien les souvenirs d’une vie, alors que son petit-fils, si petit qu’il tient dans la main de son aïeul, reflète d’abord la déception de ne pouvoir être du voyage, puis la force et la détermination à entreprendre son premier voyage solitaire, dans le but unique d’aider son grand-père.
L’essentiel de l’album raconte le voyage de l’enfant, jalonné de rencontres. Il parlera ainsi avec un arbre, des cailloux pleins d’entrain ou encore le roi des bouquetins, sage et magnifique. Jusqu’à parvenir au sommet si haut où vit le vent le plus puissant qui soit. Chaque rencontre, chaque échange apporte à l’enfant un petit bout de sagesse. Des choses toutes simples, parfois, souvent même, mais qu’il faut accepter pour ne pas se laisser broyer par les aléas de la vie. Tout adulte que l’on puisse être, on se retrouve tout chamboulé par ce récit, dont l’onirisme savamment dosé sert admirablement le propos. Chamboulé et transporté, car au-delà de la tristesse que ne peut manquer de susciter la mort du grand-père on ressent aussi toute la chaleur que dégage ce récit. On ne peut qu’admirer l’alchimie quasi parfaite entre le trait d’Amélie Fléchais et les mots de Séverine Gauthier, tout empreints de poésie. Impossible de ne pas vibrer à chaque rencontre de l’enfant, à chaque émotion évoquée, aussi bien par le dessin que par le texte.Sans exagération aucune, cet album est une merveille, un petit bijou, un conte sublime porté par des illustrations au charme fou, une rêverie magnifique, à mettre entre toutes les mains. Plus qu’un coup de cœur, un véritable coup de foudre, et un coup de maître, dont on souhaite ne jamais se remettre.

9.5/10

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