L’éditeur Night Shade Books a eu la bonne idée de rééditer les premiers romans de Glen Cook, notamment ceux parus avant son succès suivant la parution de la Compagnie noire. Voilà donc une excellente occasion de découvrir un autre aspect de l’auteur, qui a fait de son style sombre et sans concession une marque de fabrique.
Et justement, The Swordbearer, court roman paru en 1982 (soit deux ans avant les récits de Toubib) semble marquer une étape importante de l’évolution de l’écriture de Cook. Au-revoir le relatif lyrisme de la trilogie originale du Dread Empire (maintenant regroupée dans l’omnibus A Cruel Wind, là encore édité par Night Shade Books) : l’auteur dégaine dans The Swordbearer tous les éléments narratifs et stylistiques qui ont su captiver les lecteurs de ses œuvres plus tardives (et plus connues). Univers à la géographie très floue, ellipses en grand nombre, pessimisme ambiant, sorciers fous, dieux manipulateurs et magie mystérieuse et dangereuse, tout y est. Au point d’avoir parfois l’impression de lire une proto-Compagnie noire, un brouillon de son cycle le plus populaire sur lequel Cook se serait entraîné à maîtriser un style plus radical.
Voilà pour la forme.
Mais sur le fond, les choses sont bien différentes. Si des personnages comme Nevenka Nieroda et les Toal, les douze Capitaines Morts, ne sont pas sans rappeler La Dame ou Volesprit et les Asservis, la comparaison avec la Compagnie noire s’arrête là au niveau de l’histoire. Bien loin de l’originalité des annales d’une compagnie de mercenaires, Glen Cook nous offre avec The Swordbearer un scénario de sword & sorcery assez classique, voire parfois bien trop cliché (même au regard de sa première date de parution) : un héros devenu orphelin animé par un sentiment de vengeance qui découvre une épée légendaire, artefact contrôlé par une ancienne déesse et qui boit les âmes de ses victimes.
Mais si narrer une histoire classique dans un style qui l’est moins peut être une approche tout à fait défendable, le vrai problème du roman est que l’alchimie n’opère jamais. A vouloir faire trop d’ellipses et à trop s'affranchir de descriptions, Glen Cook oublie une chose importante : les personnages. Cantonné à des lignes de dialogue très sommaires et à quelques réflexions intérieures, Gathrid, le seul et unique personnage principal, ne prend jamais vraiment vie. Difficile alors de s’intéresser à son histoire et de compatir à sa tragédie. Le constat est encore pire pour les personnages secondaires, complètement effacés.
The Swordbearer donne l’impression flagrante que Cook s’essaie à des techniques narratives dont il n’a pas encore la maîtrise totale (mais on connaît la suite de l’histoire…) et constitue au final un roman sans grande consistance et sans réel intérêt, si ce n’est celui de découvrir un auteur maintenant confirmé à ses débuts et, accessoirement, d'embellir sa bibliothèque d'une belle couverture de Raymond Swanland.
Bref, une curiosité dispensable pour les fans de Glen Cook, les autres trouveront des lectures bien plus intéressantes avec la Compagnie noire, Garrett, Détective privé ou encore les Instrumentalités de la nuit.
— Merwin