Alchemised

Alchemised était un peu LA sensation de la rentrée littéraire en fantasy, présent sur tous les étalages, au point que l’on ne voyait parfois que lui en librairie. LA promesse d’une « dark » romantasy comme on n’en fait pas ou peu. Alors, le roman vaut-il vraiment d’être l’évènement avec un grand E ?
Pour commencer, il faut rappeler qu’Alchemised est issu du re-travail du roman Manacled de la même autrice, fanfiction dans l’univers de Harry Potter donnant une fin alternative où Voldemort a remporté la « guerre » et dont découlera une romance entre Hermione Granger et Drago Malefoy. Pourquoi cette précision me direz-vous ? Parce qu’il s’agit d’un point assez gris d’Alchemised. Il faut souligner les efforts de l’autrice pour retravailler toute l’histoire et l’imaginaire de son roman initial. Paladia est un monde un peu unique, un peu à part et « propre » à lui-même.  SenLinYu nous donne matière à comprendre, via tout de même beaucoup de longs blocs d’exposition, les tenants et les aboutissant conduisant à cette guerre nécromancienne mais il y a – malgré tout – ce sentiment de se retrouver un peu spectateur de l’ensemble. Le sentiment que Paladia se présente à nous en cachant une majorité de ce qu’elle a à nous raconter et nous laisse entrevoir uniquement ce qu’elle veut bien nous montrer, comme si le plus intéressant était déjà derrière nous, ce qui est fort dommage au regard du travail effectué de recontextualisation du texte.
Autre point qui a fortement dérangé ma lecture du roman : l’inégalité entre les trois parties le composant. Il faut le dire, la première a été un véritable supplice. SenLinYu – peut-être pour ajouter une forme de « dramatisation » – multiplie les passages violents de toutes sortes, en cherchant à aller de plus en plus loin dans le « gore ». Dommage, parce que l’ambiance – qui aurait pu suffire au genre de la dark fantasy, je vous laisse réécouter le podcast de mes chers collègues – est suffisamment bien dépeinte pour soumettre le lecteur à une forme de malaise oppressant. Le lecteur ressentira également l’influence de l’œuvre de Margaret Atwood, influence qui tourne dans le mauvais sens – justement – à cause d’une violence gratuite toujours plus « malaisante ».
La deuxième partie du roman – reprenant un peu le passé de la lutte entre la Flamme Eternelle et les forces nécromanciennes – est bien plus intéressante et maîtrisée. Certes, il y a quelques approximations scénaristiques et quelques passages toujours outranciers, mais pour autant c’est vraiment-là que le roman prend tout son sens – notamment la relation entre Hélèna et Kaine. Cette « relation » sera jugée selon le ressenti de chaque lecteur. Mais il y a une forme de facilités à justifier des comportements douteux du « héros » par un choix impossible, par la vengeance ou bien par une psychologie de « possession » qui interroge quelque peu sur la vision de l’autrice… Cependant – bien qu’elle soit le centre de l’intrigue – il n’y a pas vraiment la sensation que tout « tourne » uniquement autour de cette relation. C’est un peu l’ensemble du message que SenLinYu cherche à faire passer qui pourrait là paraître bancal.
Il est à regretter également qu’en dehors de ses deux protagonistes principaux, la galerie de personnages soit vaste mais pas franchement intéressante ou creusée. En dehors de cela, l’ambiance générale et la présentation de Paladia sont assez prenantes. Soulignons encore une fois l’effort de retravailler complètement son univers pour nous immerger.
Bien que la traduction révèle des soucis de tournure de phrase et que l’édition souffre de coquilles (beaucoup de verbes pauvres au menu), le style de l’autrice est agréable. On suit l’intrigue jusqu’au bout avec une vraie curiosité, alors que nous connaissons parfaitement sa finalité (qui représente les ¾ de l'histoire !).
Alchemised n’est pas un mauvais roman, même s’il n’est pas vraiment bon, en tout cas, de notre point de vue. L’autrice possède toutefois deux qualités indéniables : une plume efficace et un imaginaire marqué.