Voici donc réunis en un seul tome les 11 nouvelles et le roman consacrés à ce personnage d’heroïc fantasy classique. Et cette unicité se justifie pleinement. En effet, les nouvelles pourraient être les chapitres d’un roman, tant la continuité entre elles semble naturelle, menant vers l’intrigue du roman, sorte d’apothéose. On constatera cependant quelques écarts entre les récits, tels que les pouvoirs de Ténèbres, ou encore quelques éléments de l’arsenal du héros bizarrement laissés de côté d’une nouvelle à l’autre. La faute sans doute à une publication s’étant étalée sur deux périodes distinctes, de 1965 à 1970, puis de 1979 à 1982. Jamais d’incohérences flagrantes ou gênantes, cependant.
Dilvish est un elfe de noble extraction, qui a passé deux siècles aux Enfers après s’être frotté de trop près à un puissant magicien, Jélérak. On comprend donc bien que son principal moteur soit la vengeance, une fois échappé du Monde d’En Bas. Mais c’est bien là son unique côté obscur, Dilvish n’hésitant jamais à mettre sa quête entre parenthèse s’il peut faire le Bien autour de lui. Il l’avoue lui-même, il a un indécrottable côté « paladin »… C’est pourtant en jouant sur cette tendance, que Jélérak l’avait piégé, mais, incorrigible, Dilvish continue de venir en aide aux nécessiteux, particulièrement lorsqu’ils sont… belles et peu farouches ! Tout ceci au grand dam de Ténèbres, son cheval métallique et fidèle compagnon.
Car Dilvish, lors de son douloureux séjour parmi les démons, aura tout de même réussi à se faire un allié de poids, Ténèbres donc, moyennant un mystérieux accord. Il ramène également de son passage aux Enfers la connaissance des 12 Abominables Sortilèges. Ajouté à cela un talent réel de bretteur et un sens inné du commandement et Dilvish devient le type même du personnage de « GrosBill » !
Cela devrait limiter fortement l’intérêt que le lecteur porte à ses aventures… mais ce serait compter sans la patte de l’auteur, Roger Zelazny, qui retrouve ici un personnage proche de Corwin, le Prince d’Ambre. Le cynisme et l’humour pince-sans-rire de celui-ci sont cependant plutôt l’apanage de Ténèbres.
On suit donc avec plaisir les aventures de ce duo, extrêmement variées, tant du côté du « bestiaire », que des lieux ou encore de la teneur des péripéties. Survient finalement le roman, hommage appuyé à H. P. Lovecraft, dans un monde qui évoque plutôt les écrits hyboriens de R. E. Howard. A noter enfin, une conclusion assez surprenante, voire frustrante pour l’amateur de fantasy épique.
Une intégrale à découvrir, surtout pour les amateurs de Zelazny, qui s’offre ici comme une grande récréation plaisante en jouant avec les codes de la sword and sorcery.
— Publivore