Dans sa liste de remerciements, Laurent Genefort n’oublie pas de citer le mangaka Kentaro Miura, et on peut le comprendre, tant les parallèles avec Berserk peuvent s’établir facilement au fil de la lecture.
Par le biais de prismes aux reflets changeants ou d’inversions pures et simples, l’auteur évite toutefois le copier/coller, que ce soit sur le plan des points de vue, du cadre (le sacrifice…), ou des personnages occupant d’autres fonctions que celles que l’on connaît pour tel ou tel autre dans l’œuvre en bande dessinée. Toutefois, Guts (ah, l’épée géante…), Griffith (le pouvoir auquel on sacrifie tout), et les autres, apparaissent souvent au détour d’un regard, d’une action, d’une réplique, et on retrouve également nombre de thématiques similaires : le poids du destin, les figures tutélaires des démons, le ver dans le fruit, les actes fondateurs, pour le meilleur mais surtout pour le pire, et que l’on voit arriver longtemps à l’avance, irrésistiblement…
Pourtant, en un peu plus de trois cents pages des plus rythmées, Laurent Genefort parvint à imposer sa patte, à nous entraîner sur les sentiers pentus de cette ascension, où c’est le destin de tout un monde qui se retrouve sur le point de basculer. Un monde qui justement répond de la dark fantasy la plus classique, à la magie bien peu présente : sombre, crasseux, amer, dur, nébuleux, sans autre perspective que de survivre, où en dehors d’anti-héros, les autres protagonistes ne sont que des ombres pâles et comme sans vie…
Audric est précisément ce qui se rapprocherait le plus d’un héros tel qu’on l’entend d’ordinaire, et ce qui l’attend dans les toutes dernières pages nous surprendrait presque, tant son destin nous paraissait justement écrit dès les premières pages.
Grâce à son expérience et son sens de la mise en scène, Genefort offre au lecteur un roman épique et solide, qui ne souffre d’aucun défaut majeur ou même mineur, en dehors, pour certains sans doute, de ces parallèles avec Berserk si prégnants. Car bien plus que d’autres romans mettant en scène des mercenaires – Qui a dit La Compagnie noire ? – c’est bien encore une fois ce manga qui saute aux yeux. En espérant précisément que les deux tomes à venir pour boucler cette trilogie en profitent pour s’éloigner, d’autant que ce premier volume contient largement assez d’éléments encore trop à germer pouvant permettre de réels et spécifiques développements.
— Gillossen