En refermant le tome 1 de Havrefer, un constat s'impose.
Voilà un roman assez moyen supplémentaire à se retrouver en librairies. Il n'est pas mauvais. Il n'est pas très bon. Il jouera certainement sur son ambiance et les comparaisons que l'on a déjà vu fleurir notamment en quatrième de couverture pour attirer éventuellement le lecteur... Mais comme beaucoup d'ouvrages de ces quatre ou cinq dernières années, on peine à lui trouver une réelle personnalité, une petite étincelle qui fait qu'au moment de faire le bilan de ces lectures de l'année, on pensera à lui.
On trouve en tout cas un peu de tout : des voleurs, des guerrières, des assassins cachés dans l'ombre... Les ingrédients sont là, mais Richard Ford - non, pas le prix Pulitzer - ne les associe pas spécialement bien. Les personnages divers ne savent pas trop ce qu'ils font dans cette cité et sont loin du potentiel que l'on entrevoit parfois. Il faut dire que l'auteur les présente bien trop précipitamment et que l'on n'a donc pas le temps de vraiment s'impliquer dans leurs pas. Ford donne l'impression d'avoir sorti ses feuilles de personnages d'un JDR quelconque, sans creuser bien plus loin. L'intrigue principale et son ambiance "association secrète de malfaiteurs" devraient constituer un plus, mais ce n'est qu'un décor, qui n'est jamais vraiment exploité, à l'image donc de ses personnages. Si vous êtes fans de la série The Wire, nous sommes très très loin de ce niveau d'exigence et de qualité globale. Là encore, Havrefer ressemble à un mauvais cadre de campagne de JDR, prévue pour être achevée en trois ou quatre soirées.
Bref, nous sommes devant un représentant avoué du genre "grim-dark" qui joue la carte d'une (pseudo...) noirceur de façade qui ne cache en revanche rien qui permette au lecteur de se rattacher à ce qui, derrière la violence ou le sexe, peut représenter le véritable cœur d'une histoire à nos yeux. L'auteur a beau avoir scrupuleusement rempli la liste de courses du genre (multiples points de vue, une bonne dose d'action, etc...), on tourne vite en rond et on s'impatiente. Ford ne semble pas avoir compris qu'il devait trancher entre "réalisme" - au moins donc au niveau de la mécanique interne son monde - et une dimension parfois totalement exagérée de ses scènes de combats. Dès lors, difficile par exemple de ressentir une quelconque émotion viscérale quand les personnages n'ont jamais l'air en danger. Le Héraut de la tempête est un roman sans moelle.
L'orage est encore bien loin.
— Gillossen