Après 10 000 – Au Cœur de l’Empire, Paul Kearney revient dans le monde de Kuf, version fantasy de notre Antiquité, avec Corvus.
Techniquement parlant, ce deuxième tome peut se lire sans avoir pris connaissance du premier, mais il est tout de même préférable d’avoir lu 10 000 pour éviter quelques spoilers, comprendre un peu mieux la personnalité de Rictus ou bien encore saisir certaines références.
Si l’histoire de 10 000 était calquée de manière assez appuyée sur l’Anabase de Xénophon, Corvus se dégage du carcan historique pour raconter une histoire entièrement originale. Certes, on reconnaîtra dans Corvus, jeune chef de guerre ambitieux, des traits de caractère qui nous rappelleront Alexandre le Grand et sa soif de conquêtes, mais le récit en lui-même prend des chemins qui nous font vite oublier cette référence.
Autant le dire tout de suite : Corvus est de la même trempe que son prédécesseur. Ceux qui avaient apprécié 10 000 – Au Cœur de l’Empire replongeront avec plaisir dans l’univers violent de Kuf, les autres ne trouveront pas de quoi s’exalter outre mesure.
On retrouve ainsi les qualités indéniables de Kearney : une plume soignée qui sait selon les besoins se faire aussi bien lyrique que sèche et violente, des personnages très humains et un univers réaliste et sans concession. On ne citera pas les descriptions de batailles très réussies auxquelles l’auteur nous a habitués, notamment dans les Monarchies divines, puisqu’elles se font ici étrangement rares et sont rapidement esquissées, en quelques pages maximum.
Cependant, elles ne manquent pas d’enjeux. En effet, l'une des grandes forces de Corvus est de nous présenter les deux camps sur un pied d'égalité. On se prend alors à apprécier les personnages de deux côtés, sans trop savoir lesquels soutenir au final. Inévitablement, les drames et les tragédies sont au rendez-vous et Paul Kearney sait toujours aussi bien laisser le lecteur la gorge serrée.
Mais il n’en reste pas moins que Corvus souffre des mêmes défauts que 10 000.
Tout le long du récit, un peu trop linéaire et sans réels rebondissements, on attend une petite étincelle (de l’ambition, peut-être ?) qui ferait passer ce roman sympathique à un niveau supérieur. On en vient à douter de la pertinence de la démarche de l’auteur qui consiste à s’acquitter des intrigues et des nombreux personnages des Monarchies Divines pour s’orienter vers quelque chose de plus simple et de plus brut, à l’instar d’un Gemmell.
On attendra quand même avec curiosité le troisième tome de cette trilogie antique, Kings of Morning, qui devrait se dérouler une nouvelle fois dans l’Empire Asurian et enfin lever le mystère de l’origine des Macht.
— Merwin