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Au diable vauvert - Marion Mazauric

Alors que 2022 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale de l'édition en Imaginaire ?

Nous sommes en croissance de ventes en volume sur l’année précédente qui était déjà bonne, portés par notre fonds, en particulier imaginaire, qui rencontre de nouveaux lecteurs. L’imaginaire infuse incontestablement en ce moment dans tous les domaines, et c’est d’une grande logique, voire même urgent pour comprendre et mettre en images mentales et symboliques les enjeux de notre présent. Aujourd’hui c’est dans les images de la sf qu’on commence à puiser de tous les cotés. Du coup l’imaginaire est en pleine effervescence, une effervescence consciemment construite dans le monde du livre par ses acteurs, avec le mois de l’imaginaire, des formations, de la communication. Mais aussi le développement de collection dans tous les groupes ou maisons généralistes conscientes du retard pris, lucides sur les tendances sociales et culturelles, et résolues à partager le camembert. Dans l’édition, on voit très bien combien cette effervescence et ce secteur s’est construit sur l’audace et la patience des éditeurs indépendants et un lectorat qui consomme d’abord du fonds, mais cette croissance concurrentielle du secteur risque fort à terme de renforcer elle aussi la concentration, avec ce que cela comporte et exige de normalisation.

Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à la flambée du prix du papier, mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment.

Il est sûr que l’augmentation des couts de fabrication, de ports etc ne facilite pas l’audace éditoriale et fragilise les indépendants dans le jeu concurrentiel.
Mais le fait marquant pour moi c’est bien sur le feuilleton Hachette-Edfitis-Bolloré, la sur-concentration de l’édition française et son contrôle bientôt achevé par des capitaux industriels conscients de l’outil qu’ils achètent et de son usage idéologique, assorti de toutes les inquiétudes qu’on peut concevoir pour une profession qui va basculer entre agent et industrie, une édition sans éditeurs ni fonds, le stade développé de l’alarme qu’adressait André Schiffrin.
Vu de Camargue et dans le contexte politique général, j’ai le même sentiment amer et inquiet que face à la disparition du modèle paysan français… celui de voir le scénario terrible mais connu se réaliser, les mondes meilleurs dont nous alertaient Blade Runner, Huxley, Heinlein etc...

Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2023 ?

''La porte des remparts sublimes'', premier volume d’un diptyque, une véritable surprise de Monsieur Pierre Bordage en mai prochain ! Je m’en réjouis d’avance, c’est un roman d’initiation érotique tout à fait sensationnel qui narre les aventures de Sibelle la charmeresse. Pierre a réussi un roman absolument érotique et un pur roman de fantasy aux effets dignes des plus grands feuilletonistes populaires, d’une grande maîtrise, joyeuse et jubilatoire. Une facette nouvelle, même s’il avait déjà montré son intérêt pour le sexe et le plaisir, de notre grand écrivain national. Je ne veux rien dévoiler, mais un homme comme Bordage qui écrit un érotique, c’est passionnant et ça se déguste. Et c’est forcément une belle vision de l’amour et du plaisir sexuel.
En fantastique horrifique punk, nous rééditons en avril un roman aujourd’hui assez culte, ''Dans tes veines'' de Morgane Caussarieu, la "fille prodige du fantastique français" en pleine ascension depuis Vertèbres, qui renouvelle comme personne la thématique du vampire. Pour l’occasion, elle a réécrit totalement son premier roman paru il y a 10 ans, une version mûre et plus forte encore où elle développe sa vision très personnelle du vampire et du cannibale.
Nous sortirons un recueil de nouvelles enthousiasmant de Joëlle Wintrebert en octobre, qui comporte quelques textes fantastiques, des textes profondément féministes, toujours subtils et plein de sens.
Enfin, du prince Neil Gaiman, nous allons rééditer en mai ''Anansi Boys'', la suite d’American Gods à lire et relire, et aussi en octobre la version illustrée d’un roman d’une grande beauté, un roman universel, L’océan au bout du chemin, une plongée dans l’enfance autant que dans l’origine du fantastique.
Enfin, pour tous les lecteurs qui l’attentent avec impatience, je peux annoncer que le quatrième volume du cycle de Syffe de Patrick Dewdney paraîtra finalement début 2024, et qu’il fera encore évènement en fantasy !

Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?

Le défi ce serait de passer de nouveau cette année la barre des 100.00 exemplaires vendus, mais aussi d’imposer notre littérature francobelgosuisse, qui entretiens des relations intimes avec l’imaginaire : après le ''Alfie'' de Christopher Bouix qui continue de séduire dans tous les rayons, Christophe Siebert avec ''Valentina'' et le suisse Antoine Jaquier avec ''Tous les arbres au dessous en janvier'', Justine Niogret et Thomas Gunzig, pour la rentrée de septembre, vont surprendre avec des romans post-apo et/ou survivalistes absolument formidables !

''Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière''.