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Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc

Alors que 2022 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale de l'édition en Imaginaire ?

Pour une toute jeune collection comme Le Rayon imaginaire, qui existe depuis moins de 18 mois, cette première année a été incroyablement riche en émerveillements, surprises, découvertes… et aussi fierté de voir arriver chaque titre terminé de chez l’imprimeur. C’est une collection qui essaye de proposer une « autre » façon de découvrir l’imaginaire, et l’accueil des libraires et des lecteurs est très encourageant. Sans eux, nous ne sommes rien du tout, ça compte !

Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à la flambée du prix du papier, mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment.

Rien de particulier à dire sur cette année. Oui, les coûts augmentent et l’actualité offre peu d’occasions de se réjouir, mais geindre ? Non. Car l’envie de lire, de s’émerveiller, de réfléchir, est toujours là. Pour une collection où chaque livre est pensé comme un cadeau, chaque « objet-livre » comme un plaisir en lui-même, travaillé un peu « luxueusement », évidemment, c’est complexe. Mais c’est à nous, éditeurs, d’être ingénieux pour ne rien lâcher… et surtout, à nous de faire confiance à la curiosité pleine d’appétit des lecteurs pour continuer à avoir envie de découvrir ce fameux « autre chose ».

Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2023 ?

Je ne suis pas très fan des étiquettes, pas plus que des frontières d’ailleurs, qu’elles soient entre les gens, les pays ou les genres. Dans le Rayon imaginaire, j’aime avant tout partager mes plaisirs littéraires, faire découvrir au plus grand nombre de lecteurs possible que l’imaginaire ne peut se réduire à du divertissement, mais est bel et bien un masque habile, nourricier et libérateur pour nous parler de nous, de nos vies, de nos choix, de nos aspirations et de tout ce qui nous constitue. Bref, nourrir nos cerveaux et nos âmes vibrantes grâce à des histoires, ce moyen magique né de l’imagination d’auteurs talentueux et créatifs. Non substituables. Alors Fantasy au sens “strict” ou pas, quelle importance… ce qui compte, c’est le sens, l’écriture et l’immense plaisir de lecture. De la Fantasy, il y en aura… car tout est fantaisie, n’est-ce pas ?
Je pense en premier lieu à ''La Reine du Pays-sous-la-Terre'', le roman fabuleusement inventif et génial de David Duchovny (oui-oui, Fox Mulder himself) sorti ce mois de janvier, qui raconte le New York de son cœur, un melting pot si riche qu’il inclue aussi les personnages magiques de légendes que les émigrants du monde entier ont emmené avec eux en débarquant en Amérique. Ces créatures, qui se fondent dans notre vie quotidienne (Sidhes gardien d’immeuble ou directeurs d’école, déesse araignée mère célibataire, golems blancs sous le métro et j’en passe), utilisent nos gadgets technologiques… et jouent avec nos destins de simples humains. Réjouissant, insolent, passionnant et si ouvert !
En avril, Alix E. Harrow, l’immense auteure des ''Dix Mille Portes de January'' et du ''Temps des sorcières'', véritable « bonne fée-marraine » du Rayon imaginaire, apportera le premier de ses “contes fracturés”, ''Éclats Dormants'', une relecture subversive, féministe et formidablement libre de ''La Belle au bois dormant''… du pur caviar pour nos cerveaux curieux.
En juin, c’est l’écrivain écossais Oliver K. Langmead, qui nous offrira ''Les Oiseaux du paradis'', un roman magnifique et profond autour de la figure d’Adam, qui a survécu à la fin du Jardin d’Eden et traîne son existence errante dans notre monde d’aujourd’hui, soucieux de protéger toutes les créatures du Jardin encore en vie des prédateurs qui les menacent : une fable imaginative et violente pour parler aussi de l’extinction des espèces et de l’urgence de réveiller les consciences, magnifiquement écrite par un auteur préoccupé de beauté et de sens.
En fin d’année, ''Le Trône de Jasmin'', de Tasha Suri, nous emmènera dans un royaume fascinant inspiré des légendes védiques, à la recherche de l’Eau qui unit et porte la magie, porté par une superbe figure de femme libre, courageuse et puissante. Le début d’une trilogie extrêmement originale, déchaîne déjà l’enthousiasme dans le monde anglo-saxon (pas de couverture encore...)
Enfin, ''Sauvage'' nous fera découvrir une auteure américaine inédite, Joan Mickelson, dans un double récit de métamorphoses, où la part masculine et la part féminine d’un même récit se répondent en un face à face unique pour dire les échanges fructueux de nos âmes sauvages et « civilisées ». Ça se passe à New York et dans les paysages fascinants des Catskills ; la forme narrative elle-même est inédite – et la langue, somptueuse, dévale les pages comme un torrent clair et vif : ce sera un vrai événement et une vraie surprise cet automne, la découverte d'une voix nouvelle, inclassable ; un immense coup de cœur.

Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?

2023 est remplie de défis ! Et c’est tant mieux.
Le défi de faire connaître la petite musique un peu particulière du Rayon imaginaire ; mon envie d’éclectisme, d’intelligence et d’ouverture ; mon envie d’offrir un peu de beauté et de grâce ; car c’est cela, surtout, le pouvoir magique de la littérature.
Le défi de proposer des couvertures et des maquettes intérieures toujours plus belles, exigeantes et offrant des expériences de lectures “totales”, car j’aime que la forme serve le fond, s’y adapte tout en le portant, de beaux challenges de créativité !
Le défi enfin de dénicher d’autres plumes uniques, des auteurs inclassables à accompagner, encourager, aiguillonner, et surtout défendre ; des histoires qui transportent et nourrissent. Au boulot !

''Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière''.