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L'interview traduite

Qu’est-ce que vous aimez dans l’écriture ? Qu’est-ce que vous n’aimez pas ?

C’est du travail en intérieur qui ne demande pas d’équipement lourd. De plus, c’est fou ce que les gens vont vous dire et partager si vous leur dites que vous êtes écrivain. Je ne sais pas si c’est juste le caractère normal de l’exhibitionnisme humain ou quoi – mais s’ils pensent qu’il y a une petite chance que vous écriviez sur eux, ils vous diront des choses qu’ils ne diraient pas à leur docteur.
Mais plus que cela, c’est amusant et ça apporte beaucoup de satisfaction que de produire une histoire. C’est le cœur du métier, je suppose.
Il n’y a pas grand-chose que je n’aime pas, sauf que c’est peut-être parfois un moyen trop solitaire pour gagner sa vie. Quand mon mari rentre du travail, je suis comme un chiot excité. ^^Tu es à la maison ! Tu es à la maison ! J’étais toute seule toute la journée… Occupe-toi de moi…^^

Quelle est la valeur de la fiction spéculative ? A son summum, quel rôle joue-t-elle dans le monde ?

C’est amusant. Je ne pense pas qu’on lui demande d’être plus ou moins que ça, mais ça ne veut pas dire que je ne pense pas qu’elle le puisse – ou qu’elle ne l’est pas. La fiction spéculative peut être un miroir intéressant, nous montrant ce dont nous avons peur, ce que nous voulons, ce que nous espérons. C’est une forme de fiction qui nous offre une autre façon de parler des problèmes et des promesses de notre temps.

Vous êtes originaire de Floride et vous avez vécu dans tout le Sud des États-Unis. Vos premiers livres ont des cadres du Sud et Dreadnought, plus récent, commence dans le Sud-est et avance ensuite vers l’Ouest. Certains de vos livres ont été qualifiés de Southern Gothic. Est-ce que vous vous considérez vous-même comme une fille du Sud ? Quels éléments du Sud ressortent dans votre travail ?

Bien sûr que je me considère comme une fille du Sud – ce qui peut être délicat parfois. Née en Floride, je suis dans une position amusante : la plupart des États du ^^Sud profond^^ ne considèrent pas la Floride comme un État du Sud, bien que – surtout dans les parties rurales de cet État – la plupart des Floridiens s’identifient nettement comme tels.
Quand j’ai déménagé de Floride dans le Tennessee, je me suis retrouvée à devoir dire constamment que oui, j’étais moi-même qualifiée de fille du Sud, flûte… ce qui voulait dire que j’affirmais mon droit à être identifiée au camp des perdants. Ce qui me semblait… bizarre.
Ça a été particulièrement étrange quand j’ai commencé à écrire sur Chattanooga. Je me considère comme une personne du coin, car j’y ai vécu pendant une douzaine d’années. Mais les Chattanoogans (et les gens du Sud en général) avaient (et ont toujours) tendance à me voir comme une étrangère venue d’une autre région.
Ce n’est pas le cas. Et c’est pour ça que je suis si bien ici.
Quand on en vient à parler de ^^sudisme^^ qui apparaît ou pas dans mes livres – c’est le cas dans mes premiers livres, car j’écris souvent sur l’endroit où je me trouve, moins dans Boneshaker pour la raison évidentes que l’histoire a lieu à Seattle – je ne veux pas faire ressortir les traits de mes personnages que l’on pourrait qualifier de ^^du Sud^^. Parce que, honnêtement, les forces et les faiblesses des gens du Sud sont les forces et les faiblesses des gens de partout ailleurs.

Pour un roman, qu’est-ce qui vient en premier – les personnages, le cadre, l’intrigue, les images, la vue, les sons, ou quelque chose d’autre ? Et à partir de là ? Est-ce que c’est la même chose pour des nouvelles et pour des romans ?

Ca dépend, et pour moi, c’est toujours pareil peu importe la longueur de la fiction.
Parfois ça commence juste avec un mot, comme Boneshaker. J’ai pensé, ^^Quel drôle de mot. Si vous ne saviez pas ce que c’était (un vieux vélo), ça pourrait être n’importe quoi.^^ Ca pourrait avoir une connotation sexuelle, impliquer l’horreur, ou suggérer la violence et l’aventure. Bon sang, j’appelle parfois ^^boneshaker^^ la vieille machine à café de mon mari. Ce mot a coïncidé avec mon envie d’écrire 1) un livre sur Seattle et 2) une histoire Steampunk. Quand les trois choses se sont combinées, un roman en est sorti.
Mais parfois c’est plus compliqué. C’est un personnage ou une situation. Souvent c’est un fragment d’histoire réel si incroyablement étrange et insuffisant qu’il semble demander un récit complet. Ça varie grandement d’un projet à l’autre.
Je pense que Four and Twenty Blackbirds (mon premier roman) a été inspiré par des dessins de trottoirs faits par des écoliers. Fathom a commencé grâce au reste d’un rêve, dont je me souvenais à peine, à propos d’une maison abandonnée que j’avais vue sur une île au large de St Petersburg.
Vous ne pouvez jamais savoir.

La plupart de vos romans ont modifié des cadres historiques. Est-ce que vous trouvez les histoires dans l’Histoire ou est-ce que vous avez les histoires et trouvez l’Histoire qui va avec ?

Ca fonctionne dans les deux cas. Souvent, je lis des fragments d’Histoire, une note de bas de page, un fragment perdu qui a été quasiment oublié. Et je me dis ^^Quel super point de départ pour quelque chose de plus grand et de plus bizarre…^^ Mais parfois je trouve une idée pour un personnage ou un conflit, et ensuite je vais creuser dans les livres d’histoire pour trouver un bon endroit pour y coller tout ça.

Comment vous êtes-vous décidée pour le point de vue (PDV) alternatif pour Boneshaker ?

En fait, ça a commencé avec le point de vue de Briar Wilkes. Mais tous ceux qui ont lu les premiers chapitres ont dit la même chose – le retour était sans équivoque : ^^Tu dois ''vraiment'' ajouter le PDV du garçon. Tu perds l’opportunité de dire un million de choses sur cette ville.^^
Donc j’ai foncé, et j’ai créé la version de l’histoire par Zeke enlacée avec celle de sa mère – et je pense que les premiers lecteurs avaient raison. Ça donne comme ça une image bien plus complète de ce monde dangereux et bizarre.

Vous avez décrit Boneshaker comme l’histoire d’une femme qui approche de la trentaine. Briar Wilkes est la mère d’un fugitif, la fille d’une légende du folk et la veuve d’un scientifique fou… Comment diable pourrait-elle ne pas être dirigée par les hommes de sa vie ?

Pour être honnête, je l’ai lancée comme ça. J’aimais l’idée de cette femme qui avait été traînée dans la boue, avait été définie par d’autres gens – en relation avec ces hommes, tous trois absents. Je voulais raconter son histoire, d’elle récupérant sa propre identité à coups de griffe, malgré les mots employés contre elle.
Vous voulez savoir quelque chose d’amusant ? Les femmes ne me posent jamais cette question. C’est toujours les hommes qui semblent trouver cela intéressant (et pour vous dire la vérité, j’aime vraiment quand ils le remarquent).
Peut-être que c’est quelque chose auquel les femmes sont plus habituées. Nous sommes mères, épouses ou veuves, traînées, catins, ou autre chose encore selon les descriptions – que l’on emploie selon nos relations avec les hommes. Notre proximité avec eux nous définit si souvent, qu’on le veuille ou non.

Votre version de la figure historique de la princesse Angeline dans Boneshaker déchire vraiment ?

Angeline a vraiment existé – fille de Chef Sealth. Elle a vécu à un âge très avancé et a été une figure locale pendant toute sa vie. Une sacrée bonne femme, tout le monde le dit – une femme intelligente avec une forte personnalité. On dit que son fantôme hante Pike Place Market.
Pour répondre à votre question, je dois rester un peu vague pour éviter les spoilers, mais voilà : Angeline a eu une fille qui est morte dans des circonstances suspectes, décrites précisément dans le livre. Et Angeline s’est battue pendant des années, pour voir justice rendue… mais ce n’est jamais arrivé. Elle a été enterrée en sachant ce qui c’était passé, mais sans que personne n'ait eu à répondre de ce qu'il avait fait.
Je pensais que c’était intéressant de corriger ça.

Boneshaker et Dreadnought semblent être tous deux conduits par le refus des personnages d’accepter ou d’être brisés par des pertes douloureuses. L’intensité avec laquelle vous inondez vos personnages de périls extérieurs et de tourments intérieurs me fait me demander… Quel est le cœur d’un roman pour vous ? Le cœur du processus ?

Je ne suis pas vraiment sure. Je pense que si vous deviez résumer le cœur de ce qui est important pour moi d’un point de vue narratif, je dirais que c’est que je veux avoir des gens forts, compétents, intelligents… et les défier. Je déteste les intrigues dans lesquelles le point crucial est un comportement stupide – dans lesquelles quelqu’un doit faire un choix idiot, illogique pour donner du suspense. C’est bien plus intéressant pour moi quand le problème va au-delà de la capacité du personnage à le résoudre simplement.

Quelle est la prochaine étape pour vous ?

Prochaine ? J’aimerais écrire quelques livres de plus sur Clockwork Century, au moins. Après Dreadnought, j’ai Ganymede en première ligne – une histoire qui a lieu dans ma version altérée de la Nouvelle Orléans historique, et qui met en scène la quatrième génération de sous-marins ^^Hunley^^-esques. Ensuite, mon éditeur et moi sommes toujours en train de travailler sur différents points de vue et différentes histoires, essayant de décider précisément ce qui vient ensuite ; donc je préfèrerais ne pas parler de ça pour l’instant.
C’est suffisant de dire que deux autres livres sont prévus prochainement. Dans mon monde parfait, si la série continue de se vendre, je voudrais écrire un roman de plus sur Seattle, un autre en Floride, un à Chattanooga et un à Washington D. C. – où je pense que je conclurai la guerre. Je réfléchis aussi à une série de pièces courtes sur les dossiers Maria Boyd avec l’Agence Nationale de Détectives Pinkerton.
A part ça, je ne suis pas sure. J’aime bien écrire des histoires dans le XIXe siècle, mais j’ai le début d’une série de fantasy urbaine moderne qui me vient de ''Bantam'' l’année prochaine, et celle-là est vraiment sympa. Peut-être que je poursuivrai celle-là, ou peut-être que je resterai avec les trucs vintage. C’est difficile à dire.
Les idées ne sont jamais la partie la plus difficile. Trouver assez d’heures dans la journée - ''ça'' c’est le plus dur.

Interview originelle
''Traduction réalisée par NAK''