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Un lieu ensoleillé pour personnes tristes

Pas de couverture

Résumé

Des voix magnétiques, pour la plupart féminines, nous racontent le mal qui rôde partout et les monstres qui surgissent au beau milieu de l’ordinaire. L’une semble tant bien que mal tenir à distance les esprits errant dans son quartier bordé de bidonvilles. L’autre voit son visage s’effacer inexorablement, comme celui de sa mère avant elle. Certaines, qu’on a assassinées, reviennent hanter les lieux et les personnes qui les ont torturées. D’autres, maudites, se métamorphosent en oiseaux.

Les légendes urbaines côtoient le folklore local et la superstition dans ces douze nouvelles bouleversantes et brillamment composées, qui, de cauchemars en apparitions, nous surprennent par leur lyrisme nostalgique et leur beauté noire, selon un art savant qui permet à Mariana Enriquez de porter, une fois de plus, l’horreur aux plus hauts niveaux littéraires.

Caractéristiques

Auteur(s): Mariana Enríquez
Traducteur(s): Anne Plantagenet
Type: Dérivé
ISBN: 9782364689596
Titre original: Un lugar soleado para gente sombria

Chronique

Ce nouveau recueil signé Mariana Enriquez rassemble une fois encore douze nouvelles, dans lesquelles le quotidien bascule peu à peu dans l’étrange ou le macabre, un terrain de jeu que l’autrice exploite toujours avec une régularité impressionnante.
Chaque texte s’appuie sur une situation de départ simple, une vie abîmée ou un décor en apparence banal, avant de laisser apparaître une fissure qui change tout, avec une économie de moyens - toutes les nouvelles ou presque sont ramassées en une poignée de pages - qui joue clairement en faveur du résultat final.  Ceux qui cherchent ici une montée en puissance vorace ou un coup d’éclat final ne le trouveront que rarement. On évolue avec ces personnages dans un registre beaucoup plus mesuré, plus amer qu'animé par la rage.
Si le fantastique se manifeste de manière discrète (avec même une touche de body horror), sa présence en tant que révélateur se fait évidente dans la grande majorité de ces histoires, via la pauvreté, les tensions familiales, ou la violence et l'égoïsme ordinaire qui fait basculer tout un destin.
La force du recueil réside aussi dans sa constance. Aucun texte ne tombe dans l'écueil du remplissage, aucune nouvelle se s'égare au fil d'une idée pas assez maîtrisée. Enriquez sait mener ses histoires au mot près, leur donner vie en quelques lignes et nous faire changer de schéma d'une page à l'autre. Le lecteur comprend vite que le basculement dans l'inconnu, la peur, voire la terreur, peut venir de n’importe où, et cette attente entretient une tension continue, quand il ne s'agira pas d'une fièvre cauchemardesque le temps d'une scène bien sentie.
Sur le plan thématique, l’ouvrage explore un territoire urbain qu’elle connaît bien. Les mêmes failles reviennent régulièrement, qu’elles soient sociales, psychologiques ou familiales. De quoi donner une vraie unité à l’ensemble, même si certains auraient sans doute aimé davantage de variété dans les enjeux. De même, mais cela ne surprendra pas grand monde, la plupart des textes se concluent de façon assez abruptes. Certes, je ne suis pas du genre à vouloir que l'on me prenne par la main ou que l'on m'explique tout par A + B. Toutefois, avec Julie ou Cimetière de frigos pour n'en citer que deux, difficile de ne pas éprouver une pointe de frustration. 
Enriquez continue en tous les cas de tracer un sillon qui ne dévie jamais d'une route qui verrait son propos se diluer. C’est un recueil solide, dense et enlevé à la fois, qui tient toutes les promesses de sa quatrième de couverture.
C'est aussi une bonne entrée en matière dans son univers pour ceux qui n'auraient pas encore osé y mettre un pied, et une confirmation pour les autres.

Gillossen