L'auteur nous plonge à travers ce livre en un Orient entre modernité et traditions, où les politiques font appel aux conteurs pour plaire aux meetings ; on y voit des contrées où les villes peuvent être tristes, défigurées par les cheminées d'usine, où l'on peut croiser des pouvoirs en place plus ou moins autoritaires, mais toujours cela reste un monde où à chaque instant le merveilleux peut percer sous le réel : par l'évocation d'un bestiaire fantastique, par des paysages de contes de fées notamment. L'histoire débute avec un conflit familial entre le père et le reste de sa famille - sur l'utilité d'un métier où l'on passe son temps à ne raconter que des "histoires" -, suivi du départ de la mère, et aborde donc des problèmes familiaux mais aussi ceux des sociétés orientales et du pouvoir aujourd'hui. Si tout commence dans la réalité, d'abord doucement baignée dans l'imaginaire, à un moment du récit elle laisse place au plus pur merveilleux. Et donc quoi de plus naturel alors que de surprendre en pleine nuit, dans la salle de bain d'appartements qui évoquent par leurs décors magnifiques le bestiaire des Milles et une nuits, un Génie des Eaux coupant l'alimentation en eau... venant de la Mer des Histoires. Le père d'Haroun, ayant perdu la capacité de conter, se serait en effet désabonné aux dires de ce Génie dont Haroun sait forcer la main. Et il décide de tout faire pour remonter le moral à son père, lui permettre à nouveau d'enflammer l'imagination des foules. Cela le mènera à la cité de Gup, où se déclare un conflit avec Chup, ville où le silence et l'interdiction faite à la libre-expression sont les maîtres-mots. En jeu : ni plus ni moins que toutes les histoires racontées depuis l'aube des temps entre les hommes.
Ce livre brillant, bien écrit, est destiné à un public plutôt jeune mais l'imaginaire oriental y est rafraîchissant, sortant du cadre banal du moyenâgeux fantastique européen, et plaira à des lecteurs plus âgés qui prendront beaucoup de plaisir à suivre les aventures du jeune Haroun.
— Macros