De toute évidence, il n’y a que les Moutons Electriques pour publier un tel ouvrage: un recueil de nouvelles et de textes consacré à Fabrice Colin, le tout en prenant comme point de départ la prétendue mort de l’auteur !
Evidemment, un tel ouvrage est forcément très ciblé, et s’adresse avant toute chose aux amateurs de l’auteur les plus accros. La plupart des nouvelles, à l’image de celle tirée du recueil du Fleuve Noir consacré à Elric et paru en 2006, sont déjà connues. Mais les avoir réunies permet de redécouvrir certains textes sous un autre angle, et de les placer dans une perspective révélatrice… Fabrice Colin est l’une des rares plumes de la fantasy, et même de la littérature française, à posséder une véritable patte, une véritable ambition, dans la recherche et la concrétisation de ses désirs d’écriture.
Les « suppléments » - sans même parler de l’entretien également reproduit, et tout simplement passionnant - apportent une réelle valeur ajoutée à un ouvrage qui joue volontiers sur le vrai et le faux, le blanc et le noir... De la noirceur, un humour qui fait mouche et qui fait mal, une volonté de faire tomber la barrière des genres… Fabrice Colin ne se refuse rien, et cet éloge funèbre, fait, étrangement, mais judicieusement, la preuve de cette incroyable vitalité dans le paysage français.
Et, par conséquent, la fantasy n’est bien entendu pas la seule à être à la fête. Redécouvrir des textes vieux de dix ans, déjà, démontre aussi tout le chemin parcouru par un auteur atypique, qui, comme tout le monde, n’a pour autant pas que des qualités : on pourra en effet s’agacer devant certains passages, où l’expérimentation, quand il ne s’agit pas d’affectation, semble prendre le pas sur l’émotion, ou le message du récit.
Mais Colin en personne n’est pas le dernier à donner le bâton pour se faire battre, affirmant un peu plus encore son identité.
Voilà en tous les cas un ouvrage de grande qualité, original, souvent fantasque, mais aussi brutal, qui ne brosse ni lecteur, ni auteur, dans le sens du poil. Qui plus est, il est doté d’une mise en page et d’une confection largement au-dessus de la moyenne (surtout pour ce prix), et qui mérite largement que l’on se penche dessus.
De préférence, tout de même, en connaissant déjà, même de loin, l’œuvre de Fabrice Colin.
— Gillossen