Bemmann répond à la question de savoir comment achever une trilogie avec panache, brio, et talent. Le tome final et conclusif des aventures de Tout-Ouïe est excellent, et peut facilement s'intégrer dans le cercle très fermé des romans capables de marquer la vie de lecteur d'un amateur de Fantasy, et pas seulement. L'achèvement d'un cycle, et ici d'une trilogie, et toujours chose compliquée. Il faut jongler entre les attentes, légitimes, des lecteurs, et ce que l'on se fixe comme exigences propres. Bemmann concilie à merveille les deux.
Le récit est complexe, toujours profondément métaphorique, et l'intrigue subtile et haletante, est toujours profondément bouleversante. A coup sûr, l'œuvre sera capable d'arracher une larme au plus insensible des lecteurs. La fin du roman, plus particulièrement, est parmi les plus géniales qui soit, et l'impression de manque qui succède à la lecture est la marque des grands romans.
Plus philosophique encore que les tomes précédents, cet ultime roman en profite pour mettre le lecteur aux prises avec un style ébouriffant de légèreté, d'originalité et de fraîcheur. L'ambiance créée par Bemmann est un concentré de mélancolie et de lyrisme sincère. Le ton du roman, comme la qualité de la narration, le rythme, véhiculent une émotion rare, et la beauté du texte reste remarquable. L'intrigue est plus hachée, et soumet le lecteur à des tensions nombreuses, sans pour autant entrer en contradiction avec la profonde soif de liberté qui émane de l'écriture de Bemmann, au sommet de son art. Sans vous en dévoiler plus, au risque de gâcher une éventuelle lecture (plus que vivement recommandée), ici, l'auteur fait rêver, pour de vrai, peut-être parce qu'il prend la peine de laisser aux lecteurs que nous sommes une grande porte ouverte vers son univers.
Superbe édition de l'Atalante.
— Candide