Qu'espérer d'une collaboration Gaiman/Amano si ce n'est une heureuse surprise, et pourquoi pas - avec un soupçon de chance étant donné le talent des deux bonshommes - une complète réussite ?
Et c'est ce que l'on obtient avec cette histoire courte reprenant un conte issu de la mythologie japonaise, réécrit par Gaiman et illustré par Amano. L'écrivain américain reprend ce récit à son compte afin de l'adapter à l'univers de son comics culte, The Sandman, pour fêter plus précisément l'anniversaire de cette série. Attention toutefois pour les fans de cette figure légendaire, car Morphée, le Roi des Rêves, n'est qu'un personnage subalterne, et non pas le héros de ce conte remanié.
On peut même ajouter que le travail de Neil Gaiman demeure parfois étonnamment discret, le matériau d'origine correspondant à certaines occasions de manière troublante aux aventures et au monde mettant d'ordinaire en scène Morphée. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il se tourne les pouces et ne fait que recopier l'histoire d'origine. Ne serait-ce que parce qu'on lui connaît justement plusieurs versions et que l'auteur a pioché dans ces variantes, avant d'y apporter sa touche personnelle.
Magnifiée par des illustrations d'une beauté à la fois chatoyante et éthérée, on lit très rapidement cette histoire - une page de texte et une page de dessin en alternance, le plus souvent - qui reste cependant bien plus longtemps en mémoire, car comment ne pas être troublé par cette mélancolie résignée, cette amertume qui défilent de page en page... Le moine, la renarde, le maître du yin et du yang... Tous répondent à une existence qui a déjà tracé son propre chemin.
Voilà donc une collaboration fructueuse qui, tout en retenue et en poésie, place la barre très haut. La preuve qu'une bonne histoire ne réclame pas forcément un million de pages avant d'être intéressante, émouvante, profonde.
— Gillossen