Je n'ai jamais été un grand amateur de listes.
Le prestigieux
Time Magazine a classé
La Rage des dragons dans sa liste des 100 meilleurs livres de fantasy de tous les temps, un argument que son présent éditeur, Rivages, serait bien en tort de ne pas souligner à l'occasion de cette sortie en français. Personnellement, je ne pense pas que le roman trouverait forcément sa place dans une liste de 500 ou peut-être de 1000 titres (après tout, on parle bien de livres de fantasy depuis l'aube des temps !). Cela en fait-il un mauvais roman pour autant ? Non ! Il y a tellement de bons livres. Le premier roman d'Evan Winter est tout à fait recommandable, mais on sent vraiment qu'il ne s'agit que d'une introduction.
Logique, me direz-vous, puisque c'est le premier tome d'une trilogie. Il persiste cependant un goût de trop peu, en partie justement "par la faute" d'un potentiel qui semble ici ne pas s'exprimer pleinement. L'autre élément largement mis en avant avec ce titre, c'est l'aspect "fantasy africaine" de l'univers de l'auteur. Il est plus que perceptible bien sûr - même si le slogan
Game of Thrones rencontre
Gladiator aurait dû nous faire comprendre qu'il fallait surtout s'attendre à du grand spectacle façon Ridley Scott mais aussi à du carton pâte, de fait - si ce n'est que dans ce registre, un
Léopard Noir, Loup Rouge de Marlon James (que Rivages oublie en présentant
La Rage comme la première saga d'afrofantasy adulte sur le marché) nous entraîne bien plus profondément dans les racines de ce continent, en lui donnant vraiment corps. Dans
La Rage des dragons, le cadre, malgré de nombreuses influences perceptibles, demeure parfois assez flou, à l'image de certaines promesses. Je pense notamment aux personnages féminins que l'on imagine au départ très forts et finalement peu présents.
Il faut dire que ce roman est avant tout l'histoire de Tau et de sa quête, afin de venger son père assassiné. Une fois que l'on garde cet aspect-là en tête, tout passe mieux et on se prend au jeu. C'est à hauteur de (jeune) homme que l'on peut pleinement apprécier cette histoire qui creuse tout de même un autre sillon que la vengeance à travers ses réflexions sur cette société à la hiérarchie pour le moins figée que Tau va venir tenter de bousculer. Certaines étapes ont vraiment un côté "apprentissage" (l'entraînement militaire, les "amourettes" de Tau...) déjà vu et revu, mais Winters négocie plutôt bien ce qui apparaît tout de même comme des passages obligés et qui tirerait presque parfois l'ensemble vers le Young Adult (ce qui n'a rien de péjoratif : ne vous attendez simplement pas à quelque chose de particulièrement sombre et désespéré).
L'atout majeur de ce premier tome s'impose vite comme sa mise en scène de l'action, aussi bien via les corps que les têtes. Là-dessus, difficile de trouver à redire, l'auteur sait mettre en scène ses affrontements de manière plus qu'efficace, et la rage évoquée dans le titre ne l'est pas seulement "histoire de" faire naître des attentes à ce niveau. La prose est percutante, tranchante. Si le personnage de Tau manque, lui, nous perdre dans ses redites en cours de lecture, le final explosif permet de conclure celle-ci sur une bonne note. Reste que si le tome 2 est sorti en langue anglaise dès 2020, on attend toujours la suite et fin de cette trilogie, annoncée désormais pour mi-2026.
Voilà quoi qu'il en soit un premier tome qui ne manque pas d'allant, mais dont l'univers encore trop esquissé et le scénario global en plein développement nous empêchent de parler de coup de cœur.
Mais c'est un début à suivre.