Schattengau, son université, son lac. Sa localisation pour le moins floue, quelque part en Suisse. Guillaume Chamanadjian nous propose ici un univers singulier, comme une parenthèse au milieu de l’Europe. Il y a une touche de fantasy historique, un parfum d’uchronie. Et des statues semées au coin des rues.
Nous suivrons les pas de Johann, étudiant en médecine sans grand enthousiasme, ciroplaste de talent, plus à l’aise avec la cire qu’avec des patientes de chair et de sang (patientes, car il se spécialise en obstétrique). Un jeune homme sensible, assurément, qui ne s’attend pas à voir son quotidien basculer soudainement.
Toute l’intrigue se tiendra dans cet écrin qu’est Schattengau. Elle est servie par une galerie de personnages contrastés, dont les principaux se révèlent tous attachants. Et Guillaume Chamanadjian n’use d’aucun artifice grossier pour cela : il livre quelques morceaux de leur histoire, nous montre leur façon d’être, qui nous en dit bien assez sur ce qu’ils sont. Il nous propose aussi des personnages féminins forts, vraiment forts, sans être caricaturaux. Johann, lui, se place aux antipodes du héros viriliste et sûr de lui – et ça aussi, ça fait du bien.
L’histoire, bien rythmée, est servie par l’écriture toujours aussi agréable de l’auteur. Nul doute que les lecteurs de Capitale du Sud y trouveront leur compte. Pour les autres, le roman pourra être l’occasion de découvrir une nouvelle plume sans se lancer dans un cycle complet.
Une valse pour les grotesques s’émaille en outre de réflexions qui vont au-delà de l’intrigue. L’une d’elles interroge le rôle de la fiction, celui qu’elle remplit dans l’imaginaire commun et dans la réalité bien tangible. Car on bâtit des choses à partir de la fiction, on érige de véritables murs en son nom.
Une lecture recommandée, donc ? Oui, indéniablement, et d’autant plus si l’on aspire à autre chose qu’à de la fantasy épique anglo-saxonne. Avec cette parution, Guillaume Chamanadjian confirme qu’il est un auteur à suivre et que la fantasy française mérite qu’on s’y attarde.
— Erkekjetter