Un roman adulte chez Scrineo, voilà une chose pas si commune pour cette maison d’édition plutôt orientée pour la jeunesse. Une histoire où les rêves sont maîtres de l’intrigue, voilà qui est – pour le coup – réellement intriguant !
La plume de l'autrice est vive, parfois acerbe et directe, mais ô combien poétique. Nous sommes loin des envolées lyriques et descriptives de certains ouvrages, pour autant une certaine forme de magie s’opère à la lecture. L’autre atout concerne l’imaginaire déployé. Jeanne Bocquenet-Carle a réussi à modeler un univers bien à elle, dont on saisit tout le travail et la minutie. Un univers comportant une part de religieux, des peuples divers et assez variés, une histoire s’étalant sur plusieurs siècles… On se prend à plonger dans ce « world-building » intéressant et rondement décrit – lorsque cela arrive…
Voilà une transition toute trouvée justement pour passer aux points négatifs du roman qui font qu’on le referme avec un sentiment quelconque.
La malédiction d’Argile laisse ainsi un sentiment profond d’inachevé. On le referme avec l’impression d’être passé à côté. Pourquoi ? L’autrice ne fait qu’effleurer – finalement – son univers. La faute à un choix d’écriture assez bancal où les points de vue différents se superposent en filigrane pour finir par se rejoindre. Des chapitres courts – malgré une belle écriture – qui font que le lecture n’explore qu’en surface l’intrigue, le world-building et les personnages. Pas moins de six protagonistes – dont les chapitres s’enchaînent plus ou moins à tour de rôle – interviennent sur ce roman. Quelques pages par-ci par-là font que les évènements arrivent trop vite, se résolvent immédiatement et dont les conséquences ne sont qu’à peine effleurer. Il n’y a donc aucun attachement aux différents destins alors que ces derniers ont une apparence assez héroïque en substance.
Quid de l’intrigue ? Et bien elle souffre du même ressort que le reste du roman. Une belle promesse qui souffre de trop peu. Les rêves ne sont que des interludes entre les différents chapitres – parfois présents pour donner une forme d’introspection des protagonistes plutôt que de réels enjeux du roman. Le titre lui-même, La malédiction d’Argile ? Le sentiment d’être un titre parce qu’il en fallait un. Un lecteur averti comprendra que chaque figure majeure est – plus ou moins – frappée par cette malédiction, mais la construction du roman laisse à penser que l’autrice ne souhaitait pas forcément s’y attarder.
Finalement, la lecture se poursuit sans vraiment nous emporter. Les qualités d’écriture et l’espoir d’en apprendre plus sur l’univers nous font persévérer, et il faut dire que des chapitres de deux ou trois pages, ça aide pour ne pas s’ennuyer. Cependant, l’ennui se révèle bien présent en bout de course.
Pour finir sur une note positive, l’univers de l’autrice mérite un roman plus travaillé où celle-ci prendre le « temps », le temps d’y apporter des précisions, d’y faire développer ses personnages autour d’une intrigue – elle aussi – construite de bout au bout.
— Aerendhyl