Avec Méduse, de Martine Desjardins, autrice québécoise, les éditions L'Atalante lance leur rentrée 2023 de façon (d)étonnante.
Ce court roman, d'à peine deux cents pages et qui peut d'ailleurs se lire d'une traite (on le recommanderait même !), se distingue à plus d'un titre. Tout d'abord, par sa narration à la première personne, un choix toujours délicat et parfaitement exécuté ici, le tout au fil de chapitres très brefs, pour certains faisant à peine une page, 4 ou 5 pour les plus longs. On pourrait craindre un rythme haché, il n'en est rien.
Il faut dire que l'on se prend vite de sympathie pour notre narratrice, acerbe mais pas que, et qui prend tout d'abord son destin avec un certain détachement, avant de peu à peu prendre conscience, à travers le rapport au corps notamment, qu'elle peut assumer sa propre voie. Des éléments classiques de prime abord, porté par un style simple (simple ne veut pas dire simpliste, on le rappelle...) et percutant, qui contribue à une ambiance pour le coup très loin de se révéler ordinaire. Et il ne s'agit pas seulement du cadre où évolue l'héroïne une bonne partie du roman, le fameux institut dont les pensionnaires semblent soumises au service de (vieux) pervers ironiquement présentés comme des bienfaiteurs, ou de sa directrice, par ailleurs personnage plus nuancé qu'on ne le pense de prime abord.
Non, le ton lui-même, à travers par exemple le chapelet de synonymes utilisés par Méduse pour qualifier ses Difformités - ses yeux, pour l'essentiel - apporte une touche d'originalité et de singularité bien réelle.
Roman féministe et conte cruel ainsi que le présente l'éditeur, Méduse est sans aucun doute les deux à la fois (fantasy, fantastique, quelle importance à vrai dire ?), et le lecteur se complaît, il faut bien le dire, dans le jeu de massacre qui se met peu à peu en place. On se met forcément du côté de cette jeune femme, qui réussit également à se révéler attachante (Par ailleurs, on appréciera que malgré son titre, on ne soit pas face à une énième variante sur un personnage mythologique, même si son surnom est bien sûr tirée de cette figure antique). C'est avant tout une bonne histoire, aux fondations solides, et qui ne vire pas dans le démonstratif.
Si son atmosphère étrange et volontiers sombre pourra sans doute déranger une partie du lectorat, il serait fort dommage de renoncer à ce titre à cause d'une certaine dureté, sans détour, dans le propos.
Il n'en est que plus fort.
— Gillossen