Ah, les histoires de sirènes !
On peut dire que cette figure fascine, quelle que soit sa mer. Elles nous rappellent souvent, au passage, à quel point la nature humaine nécessite que l'on s'en méfie, une nature si prompte à céder à la convoitise.
Cette déclinaison caribéenne, basée sur une légende locale, n'échappe pas à la règle. Alternant les points de vue entre la sirène et son "sauveur", un humble pêcheur, on suit ici un parcours bien loin des rivages des contes de fées.
L'histoire en elle-même, simple, à la façon des manières du pauvre David, pris lui aussi entre le marteau et l'enclume, narre donc le retour à la terre d'une créature arrachée aux flots, mais des flots qu'elle ne porte pas forcément dans son cœur et qui sont loin d'incarner un paradis, si ce n'est un refuge. Là encore, le passé d'Aycayia, s'éclaire au fil des pages d'une lueur sombre et changeante. Sans même aborder la question de la solitude, de l'abandon, et de la peur qui en découle.
La galerie de personnages de ce petit bout de terre se révèle variée, pour certains touchants, on pense à Short Leg, pour d'autres, plus complexes qu'il n'y pârait, Hank, le fils du pêcheur américain, et pour d'autres encore, si ce n'est de belles ordures, de tristes ratés. On croit les cerner rapidement mais plusieurs s'étoffent de belle manière au détour de quelques phrases qui résonnent après lecture. La langue de Monique Roffrey se montre souple, vivante, percutante et touchante. Tous ces protagonistes sont en tous cas tiraillés par leurs aspirations profondes et leur vie, bouleversée par l'arrivée de la nouvelle arrivante.
C'est une triste légende qui se noue sous nos yeux. Triste et prévisible, car on devine bien la conclusion de cette histoire un certain temps à l'avance.
Mais cela n'entache en rien la pertinence de son propos et ses échos.
— Gillossen