Avec La Ville des histoires, on retrouve le taciturne détective John Nyquist (ou night quest, comme on le lui fait remarquer ?), pour une nouvelle enquête pas simple à démêler, c'est le moins que l'on puisse dire.
Après une brève et intense rencontre avec la dénommée Zelda, on retrouve celle-ci morte, après un prétendu suicide, et bien sûr, les apparences se révèlent souvent trompeuses, encore plus dans un cadre comme celui-ci, où chaque histoire, chaque mot, s'entremêle, jusqu'à parfois perdre tout sens. Car les mots, plus que le temps, sont au cœur de cette seconde plongée dans les méandres de l'esprit du détective et du cadre urbain qui l'entoure voire l'étouffe. Lui qui n'aspire à pas grand-chose dans l'existence va ainsi une fois encore se retrouver embarqué dans une histoire trop grande pour lui.
Jeff Noon, au gré de quelques formules particulièrement évocatrices, joue sur du velours lorsqu'il est question ici de manipuler les mots, de jouer avec le lecteur (ah, cette police narrative...) et ses attentes ou de faire monter le mystère autour du Corps bibliothèque (qui donne son nom au roman en version originale), ce volume si étrange qui paraît surtout à même d'attirer toutes les convoitises et surtout les dangers qui vont de pair. Une fois lancé dans les pas de Nyquist, on est très vite pris dans cette toile. Et le tout sans faire l'impasse sur un soupçon d'émotion.
Un soupçon ? Ce serait mettre de côté la fin du roman. Celle-ci s'avère tout bonnement touchante, frappante, lancinante. Le récit conserve au passage une intensité que l'on attribuerait plus volontiers à des formats plus courts, et ce sans jamais donner l'impression de (se) forcer.
Certes, le caractère intimiste de l'ensemble empêche peut-être l'histoire de prendre des pistes que l'on effleure seulement (oui, le "flou artistique" fait partie intégrante de ce roman et de son prédécesseur, mais...) et le tout n'est pas d'une originalité à tomber par terre, si l'on reste concentré sur la seule histoire principale et que l'on met de côté les artifices de narration, qui font cela dit partie intégrante du roman, à l'image de celui que Nyquist est censé rédiger de son côté. Mais après tout, faire naître sa propre histoire, dans l'encre et parfois les larmes, n'est-ce pas déjà la véritable œuvre d'une vie, fictive ou non ?
— Gillossen