Qui a dit que le roman gothique était passé de mode depuis environ un siècle et demi ? Certainement pas Victoria Schwab, dont le dernier roman Young adult en date, Gallant, constitue un véritable hommage au genre, héroïne orpheline et maltraitée, secrets de famille et manoir hanté inclus.
Quelle enfant, ayant passé toute son existence dans un orphelinat avec pour seul souvenir de son passé le journal intime d’une mère manifestement folle, ne rêverait pas de retrouver enfin la trace de sa famille, surtout si ladite famille occupe rien moins qu’un manoir ? C’est précisément ce qui arrive à la jeune et muette Olivia Prior – mais le roman étant signé V.E. Schwab, il est évident avant même l’arrivée d’Olivia au manoir qui donne son nom au livre que ce prologue de conte de fées ne sera pas suivi d’un happy ending.
De la première à la dernière page, Gallant est un roman qui se lit en nuances de gris, traversé çà et là par des taches de couleur qui ressortent nettement dans certains détails que l’auteure choisit de mettre en avant, telles les fleurs du jardin, les bottes jaunes d’Olivia ou les robes découvertes dans une armoire. Les personnages eux-mêmes, héroïne comprise, évoquent les sujets des photos en noir et blanc du 19e siècle, et l’absence étudiée de détails historiques rend le cadre de l’histoire difficile à dater. Cette impression diffuse d’aventure hors du temps fait de Gallant un roman à l’ambiance à la fois ouatée et lugubre, finalement pas si éloignée des Hauts de Hurlevent, que le quasi-huis-clos et la galerie de personnages extrêmement réduite ne font que renforcer.
Loin du récit initiatique classique de la jeune orpheline à la recherche de ses racines, on assiste ici, dans le plus pur style de Victoria Schwab, à une quête qu’Olivia aurait mieux fait de ne jamais entamer, sur un chemin qu’elle n’aurait jamais dû emprunter. Si Tim Burton s’était essayé à une adaptation du Jardin Secret, le résultat n’aurait sans doute pas été très éloigné de ce Gallant peuplé de fantômes à la fois métaphoriques et bien réels.
Difficile d’en dévoiler davantage sur l’intrigue du roman sans risquer de gâcher une lecture qui, malgré son atmosphère digne des plus belles pages des romans des sœurs Brontë, n’en reste pas moins prenante et riche en surprises. Qu’il suffise de dire que les allergiques à l’étiquette Young adult seraient bien inspirés de mettre leurs préjugés de côté pour s’offrir un petit tour de Gallant, de son jardin gris clair à ses recoins gris foncé, et découvrir en compagnie d’Olivia ce qui se cache derrière le mur d’enceinte.
— Saffron